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dimanche 20 septembre 2015

Architecture remarquable et journées du patrimoine à Bourg-la-Reine et Sceaux (92)

Qui dit Journées du Patrimoine évoque pour moi des queues interminables pour accéder quelques secondes à l'univers quotidien d'un ministre. Sans parler du bureau du président de la République ... Alors qu'il peut y avoir des bâtiments exceptionnels ouverts ce week-end là, facilement accessibles  près de chez soi, faisant éviter du même coup des transports en commun bondés.

C'est dans cet esprit que j'ai arpenté hier Bourg-la-Reine et Sceaux. Par le plus grand des hasards je me suis trouvée aujourd'hui à Paris en fin d'après-midi et j'ai visité, sans inscription préalable les jardins et le bureau du ministre de l'agriculture comme celui de la ministre du travail, m'arrêtant dans la salle où ont été signés les "accords de Grenelle".

Ces lieux illustres avaient été assaillis dès 6 heures du matin mais désertés aux alentours de 17 heures. Je vous donne le tuyau pour l'an prochain.
Après avoir vu la Villa Hennebique, nous jetterons un oeil à la collection de grès émaillés Dalpayrat puis nous traversons la Villa Jeanne d'Arc.
Nous irons ensuite à Sceaux voir deux maisons d'architectes, celle de Lurçat et celle que Paul Nelson a conçue en collaboration avec Fernand Léger.


La villa Hennebique
Arrêtons-nous donc 22 avenue Victor Hugo, à Bourg-la-Reine, juste en face du lycée Lakanal. Vous en pouvez pas ignorer l'endroit exhibant une tour d'une hauteur de quarante mètres, avec à son sommet quatre dragons crachant l'étrier pour refléter la puissance industrielle de la firme Hennebique aux quatre coins du monde.

François Hennebique y construisit cette maison entre 1901 et 1903 avec le matériau qui fit sa renommée, le béton armé. Cette Villa qui porte son nom a été conçue comme un "palais familial" et déchaina les passions.

Elle a été divisée en une vingtaine de logements privés et vient d'être restaurée. En respectant les couleurs d'origine, comme le rouge flamboyant et surprenant des balustrades et l'éclat des parements de béton.
  
L'industriel est né en 1842 dans une famille de piqueurs de grès et de tailleurs de pierre du Nord de la France. A 23 ans, parfaitement autodidacte, le jeune homme  qui n'a que le certificat d'études, est devenu maçon et devient chef de chantier chargé de la reconstruction d'une église. En 1867 il part s'établir comme entrepreneur en Belgique. Il travaillera pendant vingt ans à l'alliance du fer et du béton comme protection du métal contre le feu, et donc les incendies jusque là dévastateurs.

La première utilisation de ce procédé intervint en 1879 pour la construction de la résidence d'un particulier belge. En 1892, François Hennebique dépose un brevet en pour un système de poutres en béton armé qui équilibre les contraintes entre béton et armature métallique, une poutre à étrier qui sera régulièrement améliorée de 1893 à 1897, donnant lieu à de nouveaux brevets.

En 1900, avec l'architecte Edouard Arnaud, il construit au 1 de la rue Danton le premier immeuble néo-haussmannien en béton armé de la capitale où il installera des bureaux d'où sortiront 60 000 projets, révolutionnant l'architecture moderne. C'est encore lui qui avait conçu et construit à Chatellerault le premier pont civil en béton armé de France. On lui doit aussi le plus grand pont du monde, en 1911, celui du Risorgimento à Rome.

En 1898 il avait acheté une parcelle pour y faire édifier sa villa pour "abriter la tribu, composée de tris ou quatre ménages ayant des enfants. La vie matérielle y sera commune. Le rez-de-chaussée aura de grands salons pour toute la famille, mais l'étage comprendra plusieurs appartements complets où chaque ménage jouira dnas l'intimité de son foyer de l'indépendance et même de l'isolement."
L'emplacement est stratégique, en lisière de la ligne de chemin de fer. La tour ne peut que surprendre les futurs clients dès leur arrivée en gare de Bourg-la-reine. C'est un véritable manifeste des prouesses techniques et esthétiques du béton armé. L'agencement des volumes s'articule avec des décrochements d'ailes, différences de niveaux, saillies en encorbellement, murs en porte-à-faux, verrières de grande hauteur et baies au percement irrégulier, en intégrant toujours le jardin à tous les niveaux de la maison.
Attestant de l'élasticité et de l'étanchéité du béton armé, la tour comprend un réservoir d'eau utilisé pour l'arrosage du jardin suspendu situé sur la toiture de la maison. 
Elle se voit aussi bien d'un coté que d'autre de la rue.
La maison Dalpayrat
Bourg-la-reine ne fut pas toujours la ville tranquille que l'on connait. François Villon y mena une vie mouvementée. Pierre-Adrien Dalpayrat s'y installa de 1890 à 1907 au  45, avenue du Général Leclerc. Son oeuvre est un témoignage majeur de l'Art Nouveau. La collection y est présentée dans la maison familiale.
On peut y admirer de superbes grès émaillés flammés, en particulier des pièces d'un rouge magnifique, le rouge Dalpayrat, obtenu dans son four à bois et grâce à un refroidissement très lent.
On remarque plusieurs vases d'inspiration extrême-orientale caractéristiques du répertoire de l'Art nouveau.
La Villa Jeanne d'Arc
En plein coeur de Bourg-la-Reine, dix-huit villas se nichent dans un écrin de verdure. Construites en 1894 par les architectes Parcq Père et Fils, chacune se caractérise par une construction originale et parfois insolite.
Quelques personnalités les ont fréquentées. Tout au bout la statue de Jeanne d'Arc domine l'ensemble de la résidence. Personne ne sait pas comment elle est arrivée ici. Sa couleur originale est dite "pain moisi".
On découvre sur la droite en montant l'allée, la maison des grands parents de Louis Joxe (ci-dessous) ... 
et la maison des amis auxquels Jean Gabin rendait visite avec sa décapotable blanche.
Chaque demeure est différente même si elles ont beaucoup de points communs. Une seule à une tour crénelée, en montant sur la gauche.
Le cimetière de Bourg la Reine
C'est un lieu de mémoire étonnant et je reviendrai sur la Crypte du Souvenir, à l'occasion d'un billet spécial le 1er ou le 11 novembre.
Sachez en tout cas que parmi les pensionnaires illustres figure la famille Dolto. Avec Françoise Dolto (1908-1088), psychanalyste, écrivain, et son fils Jean-Chrysostome Dolto, dit Carlos (1943-2008), chanteur.
Des Maisons d'Architecte scéennes
La première est située à Sceaux, au 21 rue Paul Couderc
L'architecte André Lurçat la construisit pour lui même en 1951. Il bâtit la même année la maison Leduc au 23-25 rue Paul Couderc et deux ans plus tard la maison de l'architecte Albert Michaux au 35 rue Paul Couderc. Ces trois maisons présentent le même système constructif en pierre de Vigny pour les murs porteurs et en béton armé pour planchers, terrasses et escaliers.

La rue s’appelait alors Voie des Glaises, et était cimentée. Imaginant qu’elle serait un jour bruyante, ce qui s’avéra exact, André Lurçat a limité les ouvertures côté rue. Tout le dessin a été conçu en direction du parc qui, de plus, est orienté au Sud. La salle à manger s'y prolonge par deux terrasses enfouies dans la verdure d'un jardin très agréable.

L'habitation a été dessinée comme une sorte de grand cube autour d’un petit palier central encadré par deux volées d’escaliers de 9 marches. Vers le haut on accède à l’atelier. Vers le bas on découvre les pièces à vivre.

Beaucoup de placards sont intégrés dans les murs. Ce sont les "meubles immeubles chers" à l'architecte qui malgré leur charme ne sont pas très pratiques.

Pour la cuisine il s'est inspiré des grands rangements intégrés qu’il avait vu dans les maisons vosgiennes.

Son gendre, actuel propriétaire avoue au moins 5000 livres, parce qu’il les aime et qu’il était libraire. Par contre il ne reste sur place rien de l’œuvre de l’architecte dont la totalité a été donnée au CNAM qui lui-même en a cédé une partie aux Archives nationales.

La maison est classée depuis trois ans.
Un peu plus bas dans la même rue, au 31 on a remarqué depuis longtemps une maison à l’architecture audacieuse et aux vitrages audacieusement colorés, réalisées par le peintre Fernand Léger. J'ai appris aujourd'hui qu'elle était une des rares réalisations de l’architecte français d’origine américaine Paul Nelson.
Formée d’un seul volume, elle s’inscrit également dans le concept de “maison suspendue“ développée par Nelson. C'est un véritable défi qui interroge la structuration des espaces et pour laquelle l’architecte a voué de nombreuses recherches.
J'ai eu la chance d'en visiter l'intérieur, admirablement conçu. Tout y a été conservé en l'état. Seuls les murs ont été repeints en blanc. Les séparations de verre ondulé et métallique entre l'entrée et l'étage sont remarquablement pensées. Les sols en carreaux de linoléum noir et blanc semblent encore neufs. L'office double agréablement la cuisine. Les volumes sont parfaitement équilibrés et en font une maison facile à vivre, à l'exception toutefois d'un souci de taille en hiver car les vitrages laissent perdre énormément d'énergie. Etant classé au patrimoine leur remplacement "à l'identique" n'est pas une mince affaire.
Coté parc on observe les mêmes façades vitrées colorée. Le salon, protégé par un balcon qui court sur toute la largeur de la maison, s'ouvre directement sur le parc.

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