Célébration retrace les dernières années d’Yves Saint Laurent et de Pierre Bergé à la tête de leur maison de haute couture. Filmé entre mai 1998 et janvier 2001, par Olivier Meyrou, Célébration nous fait entrer dans leur intimité professionnelle. Il nous rappelle que la création a un coût et qu’elle se paie parfois chèrement. Si le film a été dévoilé au festival du film de Berlin en 2008 il a été très peu projeté, cherchant toujours un distributeur alors que Pierre Bergé, ex-PDG de la maison YSL s’oppose à sa diffusion.
C’est une première de saison et un moment unique pour découvrir ce film que le Monfort a proposé à ses abonnés (même si cette structure n'en est pas à sa première projection). Ma voisine de rang semblait déçue. Je croyais que c’était une pièce de théâtre, me dit-elle. En fait c’en est, mais elle ne le sait pas encore.
Après la FEMIS, Olivier Meyrou est parti étudier à New York, dans le cadre de la Villa Médicis hors les murs. Il y réalisa deux documentaires et enchaîna ensuite avec Bye bye apartheid (2004) et l’Avocat du diable (2008). Il reçut le Teddy Award à la Berlinale 2007 pour le film Au-delà de la haine. Parade. Dramaturge du spectacle Acrobates, il a mis en scène La petite fille aux allumettes à la Comédie Française en 2014. Sa prochaine création, Tu, un solo avec Matias Pilet, sera présenté dans le cadre du Festival (Des)Illusions en mars au Monfort.
Le film YSL m'avait déçue malgré les performances des acteurs. Je n'avais pas trouvé ce que je pensais être "l'esprit Saint-Laurent" qui, par contre jaillissait de la biographie de Pierre Bergé, Le faiseur d'étoiles, de Béatrice Peyrani, aux éditions Pygmalion, en septembre 2011, et chroniquée sur le blog en octobre suivant.
J'étais donc impatiente de découvrir le film d'Olivier Meyrou. J’avais vu un extrait et j’avais cru assister à une scène tirée d’un film de Buñuel, sauf que la tragédie est bien réelle. J'étais certaine que le résultat serait non seulement fidèle, mais qu'il éclairerait les dernières années du grand couturier.
En toute logique le premier plan montre Yves Saint Laurent en train de crayonner un modèle. Mais très vite on le découvre comme absent, tragiquement transparent, dans une attente indicible qui semble le terrifier. On a beau lui donner du "monsieur", parler de lui comme d'un mythe, Yves Saint Laurent apparait la plupart du temps être complètement ailleurs même si, parfois, son regard est plein d'acuité. Il est alors tragique.
Pierre Bergé doit avoir de (bonnes) raisons personnelles de s'opposer à la distribution du documentaire qui n'est jamais, il faut le préciser, le résultat d'images volées. Il est d'ailleurs aussi extrêmement respectueux de l'artiste et de son mentor même si celui-ci l'un est en position de faiblesse et l'autre en situation (apparemment) plus confortable.
L'empire commercial n'est pas le sujet du film. Pas davantage qu'un panorama de l'oeuvre même si, inévitablement on assiste au travail de création et à quelques moments précédents un défilé.
Le titre a été choisi avec soin. Et on peut considérer que le film célèbre à la fois la carrière du couturier comme l'amour de son compagnon, plus prosaïquement l'anniversaire d'Yves Saint Laurent au cours d'une scène qui est très théâtrale, puisqu'on n'entend que la voix de Pierre Bergé, toujours très à l'aise quand il s'agit de faire un discours alors que Yves ne peut que remercier d'une voix faible. Le film marque aussi la fin d'une époque qui se délite, ce que renforce l'alternance des séquences en couleur et en noir et blanc, comme l'insertion de plans très serrés, ou au contraire plus larges, presque floutés.
Au cours d’une interview filmée à contre jour, une journaliste de mode lui demande s’il ne serait pas le dernier gardien d’une élégance. Il se reconnait comme la dernière maison avec un couturier vivant.
On reconnait au hasard des plans des personnalités associées à la grande maison comme Monique Lang, l'épouse si influente de l'ancien ministre de la culture Jack Lang, Betty Catroux, la fidèle amie, Loulou de la Falaise, son ange-gardien faite femme, Laetitia Casta, un de ses modèles favoris et à laquelle il manifeste une infinie tendresse. Moujik est toujours présent, très attentif, presque lui-même un personnage, le regard quasi complice, couché aux pieds de son maitre. Une cohorte de petites mains et de couturières expertes, totalement dévouées, au-delà même de leurs heures de travail, encore subjuguées par l'oeil du maitre.
On s'étonne de ne pas apercevoir Catherine Deneuve, sa si célèbre égérie, mais le film ne se veut pas exhaustif. Il n'a rien du biotope, et pourtant il est authentique.
Il s'achève quasiment avec la cérémonie de remise d'une récompense couronnant sa carrière à New-York en juin 2000, encore une célébration. Le créateur ne parait pas très stable sur ses jambes et Pierre Bergé lui prend des mains la statuette à l'allure d'oscar, revendiquant en aparté qu'il a sans doute sa part dans ce succès. Tout est dit en demi-teinte dans cette scène assez humoristique. La fierté teintée de jalousie n'est jamais loin nimbée dans une dimension poétique et saupoudrée d'humour.
Le décalage entre eux est constant. Tandis que l'un affirme avoir changé, décidé d’être heureux et de travailler dans le bonheur l'autre oppose que les angoisses lui tiennent lieu de colonne vertébrale.
Après la FEMIS, Olivier Meyrou est parti étudier à New York, dans le cadre de la Villa Médicis hors les murs. Il y réalisa deux documentaires et enchaîna ensuite avec Bye bye apartheid (2004) et l’Avocat du diable (2008). Il reçut le Teddy Award à la Berlinale 2007 pour le film Au-delà de la haine. Parade. Dramaturge du spectacle Acrobates, il a mis en scène La petite fille aux allumettes à la Comédie Française en 2014. Sa prochaine création, Tu, un solo avec Matias Pilet, sera présenté dans le cadre du Festival (Des)Illusions en mars au Monfort.
Le film YSL m'avait déçue malgré les performances des acteurs. Je n'avais pas trouvé ce que je pensais être "l'esprit Saint-Laurent" qui, par contre jaillissait de la biographie de Pierre Bergé, Le faiseur d'étoiles, de Béatrice Peyrani, aux éditions Pygmalion, en septembre 2011, et chroniquée sur le blog en octobre suivant.
J'étais donc impatiente de découvrir le film d'Olivier Meyrou. J’avais vu un extrait et j’avais cru assister à une scène tirée d’un film de Buñuel, sauf que la tragédie est bien réelle. J'étais certaine que le résultat serait non seulement fidèle, mais qu'il éclairerait les dernières années du grand couturier.
En toute logique le premier plan montre Yves Saint Laurent en train de crayonner un modèle. Mais très vite on le découvre comme absent, tragiquement transparent, dans une attente indicible qui semble le terrifier. On a beau lui donner du "monsieur", parler de lui comme d'un mythe, Yves Saint Laurent apparait la plupart du temps être complètement ailleurs même si, parfois, son regard est plein d'acuité. Il est alors tragique.
Pierre Bergé doit avoir de (bonnes) raisons personnelles de s'opposer à la distribution du documentaire qui n'est jamais, il faut le préciser, le résultat d'images volées. Il est d'ailleurs aussi extrêmement respectueux de l'artiste et de son mentor même si celui-ci l'un est en position de faiblesse et l'autre en situation (apparemment) plus confortable.
L'empire commercial n'est pas le sujet du film. Pas davantage qu'un panorama de l'oeuvre même si, inévitablement on assiste au travail de création et à quelques moments précédents un défilé.
Au cours d’une interview filmée à contre jour, une journaliste de mode lui demande s’il ne serait pas le dernier gardien d’une élégance. Il se reconnait comme la dernière maison avec un couturier vivant.
On reconnait au hasard des plans des personnalités associées à la grande maison comme Monique Lang, l'épouse si influente de l'ancien ministre de la culture Jack Lang, Betty Catroux, la fidèle amie, Loulou de la Falaise, son ange-gardien faite femme, Laetitia Casta, un de ses modèles favoris et à laquelle il manifeste une infinie tendresse. Moujik est toujours présent, très attentif, presque lui-même un personnage, le regard quasi complice, couché aux pieds de son maitre. Une cohorte de petites mains et de couturières expertes, totalement dévouées, au-delà même de leurs heures de travail, encore subjuguées par l'oeil du maitre.
On s'étonne de ne pas apercevoir Catherine Deneuve, sa si célèbre égérie, mais le film ne se veut pas exhaustif. Il n'a rien du biotope, et pourtant il est authentique.
Il s'achève quasiment avec la cérémonie de remise d'une récompense couronnant sa carrière à New-York en juin 2000, encore une célébration. Le créateur ne parait pas très stable sur ses jambes et Pierre Bergé lui prend des mains la statuette à l'allure d'oscar, revendiquant en aparté qu'il a sans doute sa part dans ce succès. Tout est dit en demi-teinte dans cette scène assez humoristique. La fierté teintée de jalousie n'est jamais loin nimbée dans une dimension poétique et saupoudrée d'humour.
Le décalage entre eux est constant. Tandis que l'un affirme avoir changé, décidé d’être heureux et de travailler dans le bonheur l'autre oppose que les angoisses lui tiennent lieu de colonne vertébrale.
Célébration, lundi 14 septembre 2015 à 20h
Le Monfort Théâtre 106 rue brancion, 75015 Paris
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