On a des vins de Savoie une image souvent réduite à l'association vin blanc-raclette. Elle n'est pas fausse mais elle est très réductrice. Et c'est en goutant un fond de bouteille de Chignin à l'occasion d'une dégustation de fromages de Savoie (aux rencontres de Cambremer autour des AOC qui invitait la Savoie cette année) que j'ai compris que je ne savais pas grand chose de ces terroirs.
Je ne pensais alors pas que j'aurais l'occasion de le vérifier in situ aussi vite. Et je vous recommande d'entreprendre de telles découvertes. La région est belle, verte. On y mange bien (par exemple dans ce restaurant authentique de Chambéry) et les habitants sont accueillants.
Demain je relaterai une balade gourmande sur la commune de Chignin. Pour le moment nous allons sillonner avec Michel Bouche, directeur du Comité Interprofessionnel des Vins de Savoie, deux terroirs, situés juste de l'autre coté de la vallée, Apremont et les Abymes, totalement emblématiques de ce que l'on sait de la Savoie.
En réalité il existe une infinité de terroirs depuis le bord du Lac Léman jusqu'à la cluse de Chambéry, liés au climat mais aussi aux sols, très différents d'une région à l'autre et souvent en adéquation avec des cépages particuliers, endémiques comme la Jacquère, la Mondeuse, l'Altesse, la Roussane, le Persan, et donc peu de Gamay, Chardonnay et Pinot. Les terrains pentus sont difficiles à mécaniser. Ce sont des vignobles qui produisent majoritairement des vins blancs (70% des vins de Savoie, qui réalise 20% de rouges, 5% de rosés et 5% de Crémant). Et parmi les blancs la moitié sont issus de la Jacquère.
Apremont est le premier village rencontré en quittant Chambéry. C'est le plus produit, en surface et en volume. L'Abyme est comparable mais arrive juste derrière.
On remarque qu'on se trouve sur la zone d'éboulement du Mont Gravier qui s'est produit en 1248 et dont on voit très bien la fragilité constante de son sommet. D'énormes pierres sont visibles dans les vignes, la plus grosse, fendu en deux s'appelle la pierre hachée.
Le sol de marnes calcaires (essentiellement), de grès et d'argiles, donne au vin son gout typique de pierre à fusil. Cela étant le vignoble existait bien avant. On trouve trace de la réputation du vignoble de Saint André dès le II° siècle avant Jésus-Christ. Et ce seraient les Croisés qui auraient rapporté quelques ceps d'Altesse, un cépage autochtone de Savoie.
Je vous invite à cliquer sur "plus d'info" pour suivre le déroulé entier de la balade et bien sur aussi sur la première photo pour regarder les clichés en diaporama plein écran.
La zone est aussi marquée par l'histoire. Il existe encore des centaines de bornes frontières délimitant l'Italie et la France comme celle-ci, ci-dessus qui est gravée du numéro 44 et de la date 1822.
Nous roulons à une altitude d'environ 500 mètres dans une mosaïque de vignes ponctuée de "sartos", qui sont des celliers sous les maisons. Fort heureusement ce territoire est classé non constructible et demeure intact. Le seul "dérangement" est la profusion de lignes électriques haute tension et il faut ruser pour qu'elles ne biffent pas les photos.
De l'autre coté on remarque le Massif de Belledone, assez charmant dans une légère brume.
Méfiez vous de rouler trop vite ou avec distraction. La route est bordée de fossés où coule souvent une eau très vive. L'eau est d'ailleurs omniprésente et on doit être fier de ses étendues car le moindre étang s'appelle fièrement lac dans cette région. Ils se sont tous formés après le grand éboulement.
Un des plus jolis et des plus vastes est le Lac Saint André que nous découvrons avant d'arriver aux Marches. Nous devions faire une dégustation dans les locaux de la Maison de la vigne et du vin au pied du Mont Granier mais changement de cap pour faire une halte dans le village voisin de Myans où se trouvent les caves de Philippe et Sylvain Ravier.
C'est là que je vais commencer à m'initier aux vins de Savoie et je les remercie infiniment pour leur patience et leur sourire qui s'ajoutent à leurs compétences. Philippe est le père et il n'a pas hésité à faire construire de nouvelles caves, plus modernes et qui correspondent aux exigences d'une activité en pleine expansion.
J'y ai découvert des cuves étranges, dites à chapeau flottant, qui sont destinées spécifiquement aux vins rouges parce que la quantité de chaque récolte n'est pas énorme et qu'il ne faudrait pas que le vin soit au contact de l'air.
C'est le cas de la Mondeuse dont une partie est déjà embouteillée spécialement pour le Japon avec une étiquette que je n'ai pas photographiée. Il faut dire que chez Ravier la gamme est très large comme en témoigne ce chevalet :
De ce fait, une dégustation démarrée chez eux ne peut qu'être très pédagogique, d'autant que le père (Philippe) comme le fils (Sylvain) sont extrêmement pédagogiques. Philippe s'est installé en 1983 en succédant déjà à ses parents. S'ils ne sont que trois salariés permanents il y a souvent 15 ouvriers pour l'ébourgeonnage et un grand nombre d'opérations qui se font à la main, notamment l'effeuillage, et cela sur 14 hectares !
Philippe pense que 2016 sera une bonne année. Les premières récoltes devraient commencer vers le 20 septembre pour les variétés précoces et s'étendront jusqu'en Octobre. C'est un travailleur acharné qui s'investit à 200% dans ce qu'il fait. Il ne connait pas les demi-mesures. Moyennant quoi il pense que la Savoie sera dans dix ans le plus beau vignoble de France.
Mon premier verre (je rassure ceux qui s'inquiéteraient que je n'ai pas consommé verre sur verre. Il s'agissait bien d'une dégustation, en toute modération, et avec crachoir à disposition) fut une Malvoisie 2013 dont je repère tout de suite le léger perlant.
Vint ensuite Les Abymes 2015, dont j'apprécie le coté floralL'Apremont 2015, son parfum d'aubépine et de pierre à fusil douce, avec en note finale une touche d'estragon.
Altesse 2015, autre nom de la Roussette, un vin élevé uniquement sur lie
Chardonnay 2015
Chignin-Bergeron les Amandiers 2015. La vigne et quelques amandiers se côtoient sur des parcelles très escarpées. Pour perpétuer la tradition un amandier a été planté à la naissance de notre fille, et petite fille, Axelle et Héloïse. Ce vin à la couleur jaune paille, au nez suave de beurre frais et de raisins confits, à la bouche élégante, longue, sur des notes d'abricot et de pêche, est un vin de très bonne garde, à carafer, pour une dégustation optimale.
Nous sommes ensuite descendus en cave pour poursuivre avec une dégustation de rouge, donc de Mondeuse.
Philippe et Sylvain RAVIER, 73800 Myans 04 79 28 17 75
N'oubliez pas de compléter la lecture de cet article par le compte-rendu de balade gastronomique à travers les vignobles de Chignin et Chignin-Bergeron (73), et du restaurant au nom évocateur, Onze grandes et trois petites (cuisine et vins), qui outre une carte de vins très étendue avec plus de deux cents références, propose une cuisine simple mais très qualitative parce que tout y est préparé maison, à base de produits frais et de saison.
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