Il y a quelques jours je découvrais le roman d'une très jeune italienne, Dans le silence de ton coeur et il me semble que celui de T.S. Easton en est la version masculine.
Les garçons ne tricotent pas (en public) rencontre un vif succès. Mérité certes et je suis tombée moi aussi sous le charme du jeune anglais Ben Fletcher dont j'ai été heureuse de constater que l'exercice du tricot allait contribuer à le remettre sur le bon chemin.
Néanmoins, ce livre a été écrit par un adulte qui a déjà publié une trentaine de livres (sous des pseudos différents), ce qui rend à mes yeux la performance moins touchante que celle d'Alice Ranucci, nettement plus authentique dans son propos.
Il n'empêche que je trouve de multiples qualités à ce roman qui se lit facilement. Il démonte les clichés. A propos de la rédemption consécutive à un épisode de délinquance, et à propos aussi du tricot qui n'est pas un truc de filles. A l'origine il était interdit aux femmes comme on nous le rappelle (p. 57) et -cela je le savais aussi- tricoter est apaisant. Cette activité s'exerce avec lenteur et implique de laisser tomber des pensées obsessionnelles qui nuiraient à la concentration. La moindre erreur se verra et nuira à l'ouvrage.
Le tricot est binaire. Une maille endroit d'un coté est "envers" de l'autre, et réciproquement. Il n'y a que deux choix possibles et ces deux seuls choix offrent une infinité de combinaisons. C'est assez excitant quand on le découvre. Tricoter devient une gymnastique de l'esprit qui permet assez vite de considérer les difficultés sous un autre angle. De ce fait cette activité structure la pensée. Je pourrais donner beaucoup d'exemples puisés en littérature et dans le cinéma mais ce n'est pas le sujet de cette chronique.
Revenons au jeune homme qui après avoir et entrainé par ses potes à voler de l’alcool dans un supermarché, doit suivre un "parcours de probation" pour jeunes délinquants et, choisit dans ce cadre, s'inscrire par défaut… à un cours de tricot parce que les autres propositions lui déplaisent davantage.
Pour que ses parents, ses professeurs et ses copains ignorent cette épreuve ... Ben va se retrancher derrière une série de mensonges qu'il ne pourra plus contrôler quand son activité le conduira à la notoriété.
Hormis la couverture, totalement hideuse, qui se veut peut-être refléter un humour anglais que je ne comprends guère, le livre, écrit sous forme de journal, est très réussi. On y croise une mère prestidigitatrice, un père démissionnaire, des parents qui multiplient les allusions grivoises, une graine d'écrivain cherchant à réitérer le succès de Cinquante nuances de grey, une jeune prof amoureuse d'un footballeur, une vieille dame indigne et d'autres personnages plus déjantés les uns que les autres, qui au final tordent le cou aux stéréotypes.
Le tricot est un loisir qui sombre dans l'oubli et revient à la mode. Ce roman va relancer des vocations.
Les garçons ne tricotent pas (en public), de T.S. Easton, traduit de l'anglais par Anne Delcourt, chez Nathan, en librairie depuis le 10 mars 2016. A partir de 13 ans
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