Le journal de ma mère est un texte magnifique que Patrick Timsit rêvait depuis des années d'interpréter. Je m'attendais donc à quelque chose de particulier, dans une mise en scène extrêmement soignée.
Si le comédien déploie une sensibilité hors pair je quitte néanmoins la salle animée par une relative (et rare) colère. Quelle idée de l'avoir équipé d’un micro ? Le pauvre serait-il devenu aphone? Aurait-il peur de n’être pas entendu dans ce théâtre dont l’acoustique est juste parfaite ?
L’appareil, réglé plein pot durant les premières minutes, suggérait la pièce radiophonique. Comme il fut difficile pour les spectateurs à l’audition normale de se projeter dans l’intimité de la confidence !
La béquille ne s'accorde pas avec le parti-pris de mise en scène puisque Dominique Pitoiset lui fait interpréter le rôle d'un acteur qui répète son rôle, texte à la main, auquel il se réfère très souvent (alors que j'aurais parié qu'il le connaissait par coeur). A-t-on déjà vu des comédiens équipés de micro en répétition ?
Il serait Albert Cohen dans son bureau d'écrivain, en Suisse. L'incongruité provient alors de la présence d'un écran de cinéma en fond de scène, lequel n'existe que dans les bureaux des producteurs de cinéma ou chez les grands patrons d'agence de publicité.
On verra pendant un peu plus d'une heure Patrick Timsit arpenter la scène, s'asseoir, se relever, déclencher avec une télécommande la mise en route d'images, comme si nous assistions à une conférence touristique. Encore une fois rien ne nous place sur le terrain de la confidence. La première image annonce Le livre de ma mère ... on n'en doutait pas.
Le récit est autant écrit à la gloire de la mère qu'il est autobiographique. On apprend l'arrivée de Albert Cohen à cinq ans, venant de Corfou avec sa famille. On était des rien-du-tout sociaux.
Le texte est sublime. Nos douleurs sont une ile déserte. Les mots consolent mais ils ne me rendront pas ma mère. La peine du fils est immense. La plainte, elle est morte reviendra en boucle et il égrènera bientôt la litanie des jamais plus. Le public est enthousiaste, applaudit l'arrivée du comédien a tout rompre, et rit sans réserve aux blagues juives. Du type les mariages qui commencent par de l'amour c'est mauvais signe.
Décor et lumières ne méritent pas davantage le compliment. La lecture du dossier de presse m’apprend que le metteur en scène a cumulé les postes. Manque de budget ou volonté de tout contrôler ? L’intelligentsia pourra lui tresser des couronnes parce que c’est Cohen, parce que c’est Timsit, je continuerai à regretter qu’il n’y ait pas eu de direction d’acteur mais juste une mise en place. Je m’en étonne d’autant plus que je sais que le comédien échafaude ce projet depuis une dizaine d’années.
Il y a cependant un superbe instant de théâtre et gloire à celui (ou celle) qui en a eu l’idée: le fils débouchonne la bouteille d’eau, s’accroupit et pose le bouchon de plastique sur le sol qui soudain devient cette tombe dont il vient de nous parler en termes émouvants : ... on a eu la gentille pensée de lui mettre dessus une lourde dalle de marbre, un presse-mort, pour être bien sûr qu'elle ne s'en ira pas.
Encore faut-il connaitre la coutume voulant que pour montrer que quelqu'un est venu se recueillir sur une tombe, on dépose une petite pierre, puisque les fleurs sont interdites dans la religion juive, ce que j'avais appris lors d'un séjour à Berlin.
Cette marque d'honneur est éternelle (à l'inverse des fleurs qui pourrissent rapidement). J'ai donc été extrêmement choquée qu'à la fin de la pièce le comédien ramasse le bouchon et le pose sur le bureau.
La musique est choisie avec soin. On entendra Smile de Nat King Cole sur des images familiales de vacances au bord de la mer filmées en super 8. Ce sera plus tard Mrs Robinson de Simon & Garfunkel (que l'on entend beaucoup au théâtre en ce moment) juste avant d'enchainer sur un sirtaki. On fait un saut dans le temps avec la chanson d'Arno (1995) qui célèbre de sa voix profonde et rauque Dans les yeux de ma mère au travers de paroles parfois crues et de mots peu élégants.
C'est une sorte de contrepoint à l'écriture de Cohen alors que bien entendu les deux textes ne sont pas du tout de la même époque. L'amour d'une mère serait-il universel ? Albert Cohen voyait dans les yeux de sa mère : une folie de tendresse, une divine folie. C’est la maternité. C’est la majesté de l’amour, la loi sublime, un regard de Dieu. Soudain, elle m’apparaît comme la preuve de Dieu.
J'ai mal compris (décidément) l'emploi du Petit train des Rita Mitsouko pour accompagner la fin du spectacle. Certes on voit alors les images d'une locomotive tirant un serpentin de wagons (Odyssey Smoking-petit train sur l'eau de Tang Nannan) mais est-ce parce que la chanson aborde le thème très grave et douloureux de la déportation des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale que Dominique Pitoiset l'a choisie ?
Cette chanson écrite en 1988 était dédiée à Sam Ringer, le père de Catherine, qui avait été l’une des victimes. Et je ne pense pas que la mère d'Albert Cohen, décédée à Marseille en janvier 1943, ait été déportée.
Le spectacle s'achève sur le désespoir de l'écrivain : Je suis un poussin sans poule. Il exhorte les garçons à être doux chaque jour avec leur mère.
Son ultime geste est de changer de cravate ... pour en porter une de couleur vive, signe de la fin du deuil ? Ce n'est pas certain puisque la musique de Nat King Cole revient. Mais au cas où on en douterait le comédien saisit la télécommande pour afficher le mot FIN sur l'écran;
Mon conseil : cassez une graine au Bistrot du théâtre (à l’étage) et enchaînez avec Baby. La maternité est au centre des préoccupations de l’Atelier. Après la mère bien réelle d’Albert Cohen c’est la question de la procréation pour autrui qu'Hélène Vincent met brillamment en scène.
Le récit est autant écrit à la gloire de la mère qu'il est autobiographique. On apprend l'arrivée de Albert Cohen à cinq ans, venant de Corfou avec sa famille. On était des rien-du-tout sociaux.
Le texte est sublime. Nos douleurs sont une ile déserte. Les mots consolent mais ils ne me rendront pas ma mère. La peine du fils est immense. La plainte, elle est morte reviendra en boucle et il égrènera bientôt la litanie des jamais plus. Le public est enthousiaste, applaudit l'arrivée du comédien a tout rompre, et rit sans réserve aux blagues juives. Du type les mariages qui commencent par de l'amour c'est mauvais signe.
Décor et lumières ne méritent pas davantage le compliment. La lecture du dossier de presse m’apprend que le metteur en scène a cumulé les postes. Manque de budget ou volonté de tout contrôler ? L’intelligentsia pourra lui tresser des couronnes parce que c’est Cohen, parce que c’est Timsit, je continuerai à regretter qu’il n’y ait pas eu de direction d’acteur mais juste une mise en place. Je m’en étonne d’autant plus que je sais que le comédien échafaude ce projet depuis une dizaine d’années.
Il y a cependant un superbe instant de théâtre et gloire à celui (ou celle) qui en a eu l’idée: le fils débouchonne la bouteille d’eau, s’accroupit et pose le bouchon de plastique sur le sol qui soudain devient cette tombe dont il vient de nous parler en termes émouvants : ... on a eu la gentille pensée de lui mettre dessus une lourde dalle de marbre, un presse-mort, pour être bien sûr qu'elle ne s'en ira pas.
Encore faut-il connaitre la coutume voulant que pour montrer que quelqu'un est venu se recueillir sur une tombe, on dépose une petite pierre, puisque les fleurs sont interdites dans la religion juive, ce que j'avais appris lors d'un séjour à Berlin.
Cette marque d'honneur est éternelle (à l'inverse des fleurs qui pourrissent rapidement). J'ai donc été extrêmement choquée qu'à la fin de la pièce le comédien ramasse le bouchon et le pose sur le bureau.
La musique est choisie avec soin. On entendra Smile de Nat King Cole sur des images familiales de vacances au bord de la mer filmées en super 8. Ce sera plus tard Mrs Robinson de Simon & Garfunkel (que l'on entend beaucoup au théâtre en ce moment) juste avant d'enchainer sur un sirtaki. On fait un saut dans le temps avec la chanson d'Arno (1995) qui célèbre de sa voix profonde et rauque Dans les yeux de ma mère au travers de paroles parfois crues et de mots peu élégants.
C'est une sorte de contrepoint à l'écriture de Cohen alors que bien entendu les deux textes ne sont pas du tout de la même époque. L'amour d'une mère serait-il universel ? Albert Cohen voyait dans les yeux de sa mère : une folie de tendresse, une divine folie. C’est la maternité. C’est la majesté de l’amour, la loi sublime, un regard de Dieu. Soudain, elle m’apparaît comme la preuve de Dieu.
J'ai mal compris (décidément) l'emploi du Petit train des Rita Mitsouko pour accompagner la fin du spectacle. Certes on voit alors les images d'une locomotive tirant un serpentin de wagons (Odyssey Smoking-petit train sur l'eau de Tang Nannan) mais est-ce parce que la chanson aborde le thème très grave et douloureux de la déportation des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale que Dominique Pitoiset l'a choisie ?
Cette chanson écrite en 1988 était dédiée à Sam Ringer, le père de Catherine, qui avait été l’une des victimes. Et je ne pense pas que la mère d'Albert Cohen, décédée à Marseille en janvier 1943, ait été déportée.
Le spectacle s'achève sur le désespoir de l'écrivain : Je suis un poussin sans poule. Il exhorte les garçons à être doux chaque jour avec leur mère.
Son ultime geste est de changer de cravate ... pour en porter une de couleur vive, signe de la fin du deuil ? Ce n'est pas certain puisque la musique de Nat King Cole revient. Mais au cas où on en douterait le comédien saisit la télécommande pour afficher le mot FIN sur l'écran;
Mon conseil : cassez une graine au Bistrot du théâtre (à l’étage) et enchaînez avec Baby. La maternité est au centre des préoccupations de l’Atelier. Après la mère bien réelle d’Albert Cohen c’est la question de la procréation pour autrui qu'Hélène Vincent met brillamment en scène.
Le livre de ma mère
De Albert Cohen
Mise en scène, conception lumières et scénographie de Dominique Pitoiset
Avec Patrick Timsit
Au Théâtre de l'Atelier
1 place Charles Dullin - 75018 Paris
Jusqu'au 17 mars 2018 à 19h du mardi au samedi
Représentations supplémentaires :
À 16h, les samedis 10 et 17 mars et à 19h, lundi 12 mars.
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