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dimanche 25 février 2018

Coco, le dessin animé

Je suis sortie enchantée de la projection de Coco parce que c'est une belle histoire, pleine de rebondissements et parce que j'ai retrouvé tous les codes de la culture mexicaine.

Ils ne sautent peut-être pas aux yeux du public français mais pour moi qui ai passé cinq semaines l'été dernier dans ce pays chaque détail résonnait avec un souvenir, jusqu'à la scène de baignade dans un cénote (vaste puit souterrain) où j'ai eu la chance de nager lors de mon séjour.

Les guirlandes de papier découpé m'y avaient enchantée et j'ai trouvé très logique qu'on les découvre dès le générique.

On est tout de suite dans l’ambiance, en pleine préparation de El Dia de los Muertos, la fête des morts si importante au Mexique et qui se déroule sur deux jours, les 1er et 2 novembre, alors que la Toussaint (dont l'importance n'est pas comparable) ne dure qu'une journée. La fête des morts mexicaine reflète un double héritage, celui des Aztèques, avec leurs traditions pré-colombiennes, et celui des conquistadors espagnols, avec leurs traditions catholiques.

Certains se souviennent peut-être de la scène d'ouverture de Spectre, le James Bond 2015. Déjà, en temps "ordinaire" les crânes et les bougies sont partout.

L’arrière-arrière-grand-mère de Miguel, un garçonnet d'une douzaine d'années, a connu un épisode difficile avec le départ de son mari chanteur et guitariste Ernesto de la Cruz. Elle a décidé après cela d'une part de bannir la musique de sa vie (et de celle de ses descendants) et de faire un métier qui n'a rien à voir avec cet art.

Elle a lancé un atelier de confection de chaussures qui emploie toute la famille, de mère en fils. L'enfant nous raconte qu'elle aurait pu choisir de faire des pinatas, ou des masques pailletés pour couvrir le visage des catcheurs (deux grandes spécialités mexicaines)... en nous montrant en papier découpé ce que cela aurait donné mais non, ce sont les chaussures qui ont eu sa préférence.

On voit le petit garçon cirer des chaussures dans la rue, comme on peut en rencontrer aujourd'hui à chaque coin de rue dans tout le Mexique (même si ce sont maintenant des adultes). De la même façon toutes les femmes portent au quotidien des tuniques ou des robes brodées de fleurs multicolores ... et c'est ce qui m'avait tant surprise partout dans ce pays qui explose littéralement de couleurs.

Le réalisateur Lee Unkrich (c'est lui qui a fait Toy Storyinsiste sur l'importance de la cohésion familiale qui effectivement est essentielle dans ce pays. C'est une obligation de se souvenir des êtres aimés, et de transmettre leur histoire à la nouvelle génération. Mais si un ancêtre a fait quelque chose de répréhensible il est légitime de le bannir. C'est ce qui est arrivé à Ernesto, le créateur de la chanson Ne m’oublie pas que sa fille, (qui est Mama Coco, la grand-mère de Miguel) chantonne encore parfois même si sur la photo qui la représente à coté de son père, celui-ci a la tête déchirée.

Miguel adore son abuelita qui est touchante dans ses efforts pour maintenir une mémoire qui s'estompe de jour en jour. Elle mérite pleinement d'avoir donné son nom au titre du film.

Il montre aussi combien la musique est vitale au Mexique. A partir de 17 heures, en se rendant Plaza Garibaldi à Mexico on peut louer les service de mariachis (musiciens traditionnels, vêtus des mêmes costumes que ceux qui sont portés dans le film) pour animer une fête, un anniversaire, ou tout simplement jouer la sérénade devant un couple d'amoureux. La famille de Coco est sans doute la seule à détester la musique et le petit enfant ne peut pas se retenir de tenter de jouer de la guitare et de chanter, quitte à s'attirer des ennuis.

Ce jour des ancêtres lui donne l'occasion de partir à la recherche de son aïeul.  Sur sa route, il va faire la rencontre d'Hector, qui va lui proposer son aide. Il est présenté comme un arnaqueur mais le spectateur pourrait avoir une surprise.

Les personnages sont touchants et absolument pas effrayants alors que majoritairement ils n'ont pas de peau sur leurs os, puisque ce sont des squelettes. Ce type de représentation est banal au Mexique où la mort est une compagne "ordinaire". Je m'y suis fait photographier dans un cercueil, le sourire aux lèvres, en sortant de la visite du musée des Momias de Guanajuato. J'ai vu des squelettes gigantesques dans toutes les villes, ici à Oaxaca.
Sur les bords des routes les restaurants mettent souvent en scène une marionnette en pleine action. Elles sont rarement effrayantes, plutôt joyeuses, voire même mutines. Il y en a de gigantesques dans toutes les maisons où Frida Kahlo a habité. Cette célébrité emblématique des femmes de caractère est très présente dans le dessin animé.
Le mexicain ne redoute pas la mort qui n'est qu'une étape vers l'au-delà. Je n'ai pas vécu de Dias de los muertos mais j'imagine l'effervescence puisque déjà en temps ordinaire ces représentations sont visibles partout. Des poignées de pétales de fleurs sont jetées pour guider les ancêtres vers leur famille depuis les tombes des cimetières où on va manger, danser, chanter, et réciter des prières, avant de défiler dans les rues. Pour avoir le droit de revenir, quelques heures durant la nuit, il faut que leur photo soit honorée sur l'autel par leur famille, en faisant danser la flamme d'une bougie à coté d'une offrande, des fleurs, ou des fruits, ou le plat qu'ils aimaient le plus déguster, par exemple ces tamales, qui sont des papillotes végétales à base de maïs (dont on peut se régaler au Zicatela).

Malgré les réticences familiales, Miguel sait qu’il a un talent et fait tout son possible pour le faire fructifier, quitte à s’entraîner en cachette. C’est justement en voulant participer au concours de talents, pourtant défendu par sa grand-mère, qu’il est propulsé dans le royaume des morts. Miguel y cherchera cet arrière-arrière grand-père dont il se sent si proche. Sa présence détonne dans le monde des squelettes où il est vite connu sous le nom d'enfant vivant. Je ne vais pas spolier le rebondissement final mais je voudrais insister sur l'importance de la pensée magique, notamment au travers des animaux fantastiques que sont les Alebrijes sculptés dans le bois de copal et peints de mille couleurs et que l'on trouve particulièrement dans la région de Oaxaca.
Dans le monde "réel" le chien de Miguel est de son coté assez particulier, ne serait-ce déjà que par son nom, Dante, qui est évidemment un clin d’oeil à l'enfer.

C'est la Poste centrale de Mexico qui a inspiré au réalisateur le décor de la gare qui assure le transit entre les deux mondes et quiconque est allé y poster un courrier la retrouve telle qu'elle est :
Lee Unkrich réussit à raconter une histoire précise culturellement, respectueuse, sans clichés et stéréotypes. Il a fait avec son équipe de nombreux voyages au Mexique durant plus de six ans pour collecter des éléments authentiques et cela se sent. L'essence même de ce que représente la cérémonie de Dia de los muertos est bien restituée.
On va donc suivre les péripéties de Miguel qui rêve de devenir musicien professionnel comme son idole : Ernesto de la Cruz. La musique est de fait très importante (et très réussie) dans le dessin animé. On remarquera que la volonté individuelle peut s'effacer devant l'intérêt familial car comme le dit Miguel : Rien n’est plus important que la famille. Et le petit garçon est alors prêt à sacrifier ses ambitions si c'est une condition rédhibitoire pour réintégrer les monde des vivants à la fin d'une nuit dont les couleurs sont celles que l'on peut admirer là-bas :
Coco est un film d'animation lumineux, magique, émouvant, capable de toucher un large public parce qu'il ne suscite aucune peur. Il n'est pas nécessaire de connaitre la signification des codes pour le comprendre mais un décryptage est une aide qui peut donner envie d'aller plus loin dans la découverte de ce que le Mexique a de fantastique.
Certains reprocheront à ce dernier Pixar d'user d'un ressort dramatique un peu trop similaire à Vaiana : La Légende du bout du monde, que l'on avait découvert l'an dernier. C'est encore un enfant qui doit faire face à la volonté familiale, forcément contraire à la sienne. Mais il pose avec justesse la question du pardon ... lequel n'est peut-être pas "obligatoire" pourvu qu'on puisse oublier afin de se libérer d'un lourd secret de famille.

Je n'ai qu'un regret : avoir été contrainte de le regarder en version française. J'aurais largement préféré une VO sous-titrée même si les personnages s'expriment avec un joli accent très réaliste et emploient de ci de là quelques mots d'espagnol. Espérons que cette version figurera sur le DVD.

D'ici là, et pour compléter ce billet, je vous propose la bande-annonce du film qui est sorti sur les écrans le 29 novembre 2017.

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