La rencontre a eu lieu hier, à l'initiative de Babelio, dans le 11e arrondissement, non loin du domicile parisien d'un auteur que la langue française parlée quotidienne intéresse parce que c’est la vraie vie.
Et vous avez eu beau temps ? est la neuvième publication de Philippe Delerm de textes courts. L'expression est étrange mais l'auteur nous a expliqué qu'il n'y avait pas d'autres mots pour caractériser ce genre d'écrit qui se trouve être le type de littérature avec lequel il existe le plus.
Depuis que Rémi Bertrand lui a consacré un essai en 2005 (Philippe Delerm et le minimalisme positif aux Éditions du Rocher) son style est systématiquement qualifié de minimalisme positif, et il est assez d'accord avec cette analyse.
C'est cette spécialité qui lui a permis d'entrer en 1997 chez Gallimard, par une petite porte, celle de la collection Collection L'Arpenteur pour laquelle il réalisera la meilleure vente avec La première gorgée de bière et autres plaisirs minuscules.
Il n'a perçu aucun à-valoir (une avance sur les droits d'auteur à venir) et le premier tirage fut limité à 2000 exemplaires. Personne ne se doutait de l'immense succès que cet ouvrage allait être. Il n'avait jusque là publié que de la poésie, aux éditions du Rocher où son éditeur lui avait tout de même affirmé : on est sur que vous êtes un auteur. Un jour ça se saura.
Ça se sait, effectivement, même si le chemin fut long pour arriver à ce treizième livre, tous genres confondus, car il a publié aussi des romans. Lorsqu'il fait le bilan de son travail, l'écrivain estime que toute sa production n'est pas du même niveau mais qu'il a su engranger un lectorat fidèle avec cette catégorie des textes courts.
Il est d'ailleurs étonné de constater que ce genre intéresse si peu d'auteurs. Quand il se souvient des discussions enflammées qui animaient la faculté de Nanterre dans les années 70 il est surpris que le roman existe encore à ce point, qu'il envahisse la rentrée littéraire sous une forme si traditionnelle alors que Nathalie Sarraute et tant d'autres annonçaient sa mort imminente. Les dix auteurs qui se vendent le mieux n'écrivent que des romans.
Après des études de lettres suivies à Nanterre il est nommé en Normandie où il est resté toute sa vie. Depuis septembre 2006, il dirige la collection "Le goût des mots" (éditions Points/Seuil) consacrée à la langue française. Cet ancien paresseux devenu actif anime un club de lettres, un club de football et ... un club de guitare. Mais s'il y a un domaine où il ne fait pas (pas encore) de concessions c'est celui des nouvelles technologies. Il n'est pas membre de Babelio et il y a encore un an ne consultait jamais de mail. Il n'a pas d'adresse personnelle mais accepte désormais de communiquer celle de sa compagne.
Il est sensible à la manière de téléphoner de ses concitoyens, s'amusant de voir quelqu'un parler avec la main posée devant soi comme un livre de messe. Ses petits enfants se moquent de lui en lui demandant Quand est-ce que tu auras un vrai téléphone ?
Philippe Delerm a l'art des petites phrases. Non pas celles que collectent les journalistes désireux de scoops ou de zizanie, mais celles qui dégagent ce qu’il appelle "la perfidie ordinaire". Sa manière d'écrire pactise avec tout ce qui est banal en démontrant que rien n’est banal.
On reconnaît les incontournables des conversations policées comme cette interrogation anodine et vous avez eu beau temps ?... que l’on dit pour amorcer une conversation que l’on souhaite sympathique.
On pourrait estimer que la question est perfide. Voilà pourquoi le recueil est sous-titré la perfidie ordinaire des petites phrases. Et parce que Je suis devenu méchant lâche Philippe Delerm avec un sourire complice, s'estimant archéologue du présent du réel, en ajoutant Je décolle l’étiquette positif et sympa. Mais l'homme se reprend aussitôt Perfidie c’est mensonger en fait parce que la moitié des textes est tendre.
Et vous avez eu beau temps ? est la neuvième publication de Philippe Delerm de textes courts. L'expression est étrange mais l'auteur nous a expliqué qu'il n'y avait pas d'autres mots pour caractériser ce genre d'écrit qui se trouve être le type de littérature avec lequel il existe le plus.
Depuis que Rémi Bertrand lui a consacré un essai en 2005 (Philippe Delerm et le minimalisme positif aux Éditions du Rocher) son style est systématiquement qualifié de minimalisme positif, et il est assez d'accord avec cette analyse.
C'est cette spécialité qui lui a permis d'entrer en 1997 chez Gallimard, par une petite porte, celle de la collection Collection L'Arpenteur pour laquelle il réalisera la meilleure vente avec La première gorgée de bière et autres plaisirs minuscules.
Il n'a perçu aucun à-valoir (une avance sur les droits d'auteur à venir) et le premier tirage fut limité à 2000 exemplaires. Personne ne se doutait de l'immense succès que cet ouvrage allait être. Il n'avait jusque là publié que de la poésie, aux éditions du Rocher où son éditeur lui avait tout de même affirmé : on est sur que vous êtes un auteur. Un jour ça se saura.
Ça se sait, effectivement, même si le chemin fut long pour arriver à ce treizième livre, tous genres confondus, car il a publié aussi des romans. Lorsqu'il fait le bilan de son travail, l'écrivain estime que toute sa production n'est pas du même niveau mais qu'il a su engranger un lectorat fidèle avec cette catégorie des textes courts.
Il est d'ailleurs étonné de constater que ce genre intéresse si peu d'auteurs. Quand il se souvient des discussions enflammées qui animaient la faculté de Nanterre dans les années 70 il est surpris que le roman existe encore à ce point, qu'il envahisse la rentrée littéraire sous une forme si traditionnelle alors que Nathalie Sarraute et tant d'autres annonçaient sa mort imminente. Les dix auteurs qui se vendent le mieux n'écrivent que des romans.
Après des études de lettres suivies à Nanterre il est nommé en Normandie où il est resté toute sa vie. Depuis septembre 2006, il dirige la collection "Le goût des mots" (éditions Points/Seuil) consacrée à la langue française. Cet ancien paresseux devenu actif anime un club de lettres, un club de football et ... un club de guitare. Mais s'il y a un domaine où il ne fait pas (pas encore) de concessions c'est celui des nouvelles technologies. Il n'est pas membre de Babelio et il y a encore un an ne consultait jamais de mail. Il n'a pas d'adresse personnelle mais accepte désormais de communiquer celle de sa compagne.
Il est sensible à la manière de téléphoner de ses concitoyens, s'amusant de voir quelqu'un parler avec la main posée devant soi comme un livre de messe. Ses petits enfants se moquent de lui en lui demandant Quand est-ce que tu auras un vrai téléphone ?
Philippe Delerm a l'art des petites phrases. Non pas celles que collectent les journalistes désireux de scoops ou de zizanie, mais celles qui dégagent ce qu’il appelle "la perfidie ordinaire". Sa manière d'écrire pactise avec tout ce qui est banal en démontrant que rien n’est banal.
On reconnaît les incontournables des conversations policées comme cette interrogation anodine et vous avez eu beau temps ?... que l’on dit pour amorcer une conversation que l’on souhaite sympathique.
On pourrait estimer que la question est perfide. Voilà pourquoi le recueil est sous-titré la perfidie ordinaire des petites phrases. Et parce que Je suis devenu méchant lâche Philippe Delerm avec un sourire complice, s'estimant archéologue du présent du réel, en ajoutant Je décolle l’étiquette positif et sympa. Mais l'homme se reprend aussitôt Perfidie c’est mensonger en fait parce que la moitié des textes est tendre.
On sent que certaines attitudes lui hérissent le poil et qu'il lui serait impossible de ne pas les dénoncer. Comme voir dans un café un mec déployer son Canard enchainé comme preuve de gauchisme avéré.
Le livre ne recense pas toutes les phrases assassines. Tu vas y arriver n’y figure pas. C'est pourtant une phrase immonde. Et certaine figurent dans les recueils précédents. Comme On pourrait presque manger dehors (in La première gorgée ...). Ou encore La maison du gardien me suffirait (in La sieste assassinée), ... alors que c'est clair, on aimerait avoir le château.
Face à l'immensité des possibles Philippe Delerm a quelques critères de sélection. Il faut que le texte ait une chute et surtout qu'il ait envie de le lire à Martine (sa femme et fidèle complice en écriture). il y a ainsi de bonnes idées (a priori) qui pour le moment n'ont pas encore été concrétisées.
Quelle surprise quand il nous confie un de ses rituels : Comme les étudiants paresseux qui font croire qu'ils ont pondu trois pages j'ai pris l'habitude de terminer avec juste une ligne sur la troisième page. Mais comme je rédige mes textes sur des carnets et des cahiers de tailles différentes, la conséquence est que mes textes, bien que s'achevant tous sur la première ligne de la troisième page ne sont pas tous de la même longueur.
Ne rentre pas trop tard (p. 149) est très émouvant. On pourrait y voir un autoportrait en creux. Son fils lui a soufflé Bonjour le chien (p. 93).
Souris-moi (p. 129) pourrait être dédié à sa mère. Ce texte là est un tout petit peu cruel, parce qu'il pose la question de la liberté. Il évoque Où sont les enfants ? (in La maison de Claudine, de Colette) L'écrivaine accordait une liberté totale à sa progéniture alors qu'elle était une mère anxieuse, mais malgré son angoisse elle les laisse libres. Cruel aussi : tu n’as rien senti venir ? (p. 21) que Philippe Delerm qualifiera de compassion gourmande.
Il reconnait faire preuve d'éclectisme, à l'instar de ce qu'est la vie. Je suis spectateur de beaucoup de choses et j'ai deux terrains d'observation, mes domiciles de la rue Commines à Paris et du village de 3000 habitants de Beaumont-le-Roger (Eure) en Normandie. Il dit pouvoir écrire partout, mais avec une grande lenteur et retravailler beaucoup ses textes. Pendant ses années de collège il écrivait de 5 à 7 heures du matin.
Le livre s'achève avec Comment tu n'as lu Au-dessous du volcan ? (p. 157) qui est un pamphlet dénonçant un prurit de l’auto-satisfaction. Si vous le rencontriez, et s'il était comme le questionneur de cette nouvelle, il pourrait vous demander : Comment tu n’as pas lu Les grandes espérances ?
En effet il voue une immense admiration pour Charles Dickens qui est un auteur pour enfants dont l’humour n’est pas accessible avant 14/15ans. Il nous apprend que cet auteur a connu un succès pharamineux en interprétant ses romans sur scène devant un public en transe. Il s’en est épuisé à 57 ans de parvenir à faire rire et pleurer, ce qui lui fut fatal.
Il reconnait aussi un fétichisme pour Marcel Proust, Paul Léautaud ou Jules Renard qui sont ses professeurs d'écriture. La recherche du temps perdu est une succession de textes courts. Il est insensé de commencer par une phrase comme Longtemps je me suis couché de bonne heure. Puis d'enchainer sur un paradoxe : Le désir de trouver le sommeil me réveillait. A-t-on a droit d’écrire des paradoxes ?
Interrogé sur le bonheur il refuse de se prétendre épicurien. Le bonheur c’est d’avoir quelqu’un à perdre, en référence à ceux à qui on peut dire dans l’interphone "c’est moi". La phrase peut être considérée très positive. Forcément anxiogène aussi.
Des phrases de cet ordre, Philippe Delerm les collectionne depuis toujours et il lui en reste un grand nombre en réserve. Et pourtant il pense en avoir fini avec cette série. Et vous avez eu beau temps ? sera le dernier opus.
Les enfants ne sont pas en reste. En toute logique pour quelqu'un qui estime que L’enfance c’est plus grand que tout au monde et dont la chanson préférée de Barbara s'appelle Enfance. Il a publié trois livres destinés à la jeunesse. J'avais chroniqué C'est trop bien qui fut un vrai coup de coeur et qui failli s'intituler C’est grave bien s'il avait retenu la suggestion de son petit fils estimant la formulation de son grand-père passablement dépassée.
Et vous avez eu beau temps ? La Perfidie ordinaire des petites phrases de Philippe Delerm, Seuil, en librairie depuis le 4 janvier 2018
Babelio a publié le compte-rendu de la soirée, consultable ici.
Babelio a publié le compte-rendu de la soirée, consultable ici.
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