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La publication des articles est conçue selon une alternance entre le culinaire et la culture où prennent place des critiques de spectacles, de films, de concerts, de livres et d’expositions … pour y défendre les valeurs liées au patrimoine et la création, sous toutes ses formes.
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mardi 21 septembre 2021

Pour autrui, texte et mise en scène de Pauline Bureau

La surprise est venue sans doute ce soir davantage des rires que du sujet. Personne dans la salle n’ignore le thème de Pour autrui, la pièce écrite par Pauline Bureau avec l’élan qui la caractérise quand elle s’empare d’un sujet qui lui tient à coeur.

Très préoccupée par les questions de santé, elle propose une pièce qui conjugue l’intime et le spectaculaire. Beaucoup de silences, de temps qui s’étire (sans susciter le moindre ennui mais qui permet au spectateur de digérer ce qui se passe).

La scénographie est quasi insensée. Et pourtant on connait déjà le talent d'Emmanuelle Roy. On retrouve la division de l’espace en deux plans,comme on a pu le voir dans Mon coeur. Ajoutez une tournette centrale, des espaces latéraux, et coupez en deux le haut, vous obtiendrez 5 lieux, plus le bord du plateau, qui fonctionnement isolément ou en combinaison. Quelle mécanique ! Cela aurait pu être anecdotique, acrobatique, mais tout est fluide. Les images projetées sont d’un réalisme inhabituel, si fortes que parfois j’oubliais être au théâtre tant il y a dans ce spectacle un dispositif cinématographique, avec même des gros plans, je ne vous dis pas comment.

Sur le fond, Pauline Bureau confronte les interrogations que l’on peut avoir en matière de GPA, mais aussi de maternité et de parentalité, et sur la filiation. Elle les combine à des soucis d’ordre écologique, ce qui n’empêche pas ses personnages de prendre l’avion, comme quoi la mesure de l’empreinte carbone n’est pas une évidence.

J'ai été touchée de multiples façons. Par ce coup de foudre entre Liz et Alex (Nicolas Chupin), par la relation fusionnelle entre Liz et sa soeur Kate (Rebecca Finet). Par l'interprétation autant jouée que dansée de Maria Mc Clurg (Rose Hutchinson). A de nombreux moments, on oublie qu'on est au théâtre, malgré l'imposant dispositif et l'originalité du propos. Sans doute pour partie parce que l'histoire est singulière.

Pauline Bureau réussit la prouesse de nous captiver en nous racontant des faits exceptionnels (il y a de multiples hasards et coïncidences dans la pièce) qui n'ont pas en soi valeur d'exemple. Car qui a une soeur vivant au bout du monde, travaillant dans un service de prématurés à San Francisco, dont une collègue est capable de porter votre enfant ? Et de le faire dans un cadre réglementaire ? Etre marionnettiste et donc donner la vie à des poupées et ne pas pouvoir devenir père est sans doute complexe à vivre. Et bien entendu surmonter un cancer et une fausse couche tardive (qui sont deux épreuves que Pauline connait, ce qui impose encore plus de respect). On peut être dans le contrôle, hors concours en terme de perfection comme l'est le personnage de Liz, et puis être touchée par des problèmes de santé.

C'est un des points forts de Pour autrui que de ne pas être militant en démontrant que c'est facile ou généralisable. Voilà aussi pourquoi j'ai apprécié que le spectacle soit réalisé pour partie en langues étrangères. Cela reste de l'exception mais on peut (et on doit) croire à une circulation possible de générosité et de respect. Sans faire mystère du coût et du contre-don. Car oui, donner ce n'est pas perdre. Et c'est très bien que le dossier du spectacle fasse le point sur l'évolution de la législation en matière de GPA.

On retrouve avec plaisir plusieurs comédiens avec qui la metteuse en scène a l’habitude de travailler. Comme Marie Nicolle, très juste en working-girl dont la vie bascule vers le bonheur puis dans le drame.  Martine Chevallier est incroyable, entre deux rôles très différents. Sa composition de la mère devenant grand-mère est formidable.

Par contre, je ne suis pas certaine que le monologue de fin à propos des forêts et de la surdouance soit très à propos, laissant croire qu’un enfant conçu de manière exceptionnelle serait forcément exceptionnel, mais cette critique est mineure. On ne peut pas « tout » dire dans un seul spectacle.
Pour autrui, texte et mise en scène de Pauline Bureau,  et dramaturgie Benoîte Bureau
Avec Yann Burlot, Martine Chevallier, Nicolas Chupin, Rébecca Finet, Sonia Floire, Camille Garcia, Maria Mc Clurg, Marie Nicolle, Anthony Roullier et Maximilien Seweryn, et à l’image les enfants Rose Josefsberg Fichera et Jason Kitching
Scénographie et accessoires Emmanuelle Roy, et costumes Alice Touvet
Composition musicale et sonore Vincent Hulot
Lumières Laurent Schneegans
Vidéo Nathalie Cabrol
Du 21 septembre au 17 octobre 2021 au Grand Théâtre de La Colline, théâtre national, 15 Rue Malte-Brun 75020 Paris
Le mardi à 19h30, du mercredi au samedi à 20h30 et le dimanche à 15h30
Relâche le dimanche 26 septembre
Longue tournée qui passera les 9 et 10 février 2022 à l'Azimut Firmin-Gémier – Châtenay-Malabry
(Pauline Bureau, ci-dessus au centre)

vendredi 1 décembre 2023

Neige, la dernière création de Pauline Bureau

(article mis à jour le 6 mai 2024)  

Il y a des spectacles dont on garde longtemps les images en tête, particulièrement parce qu’elles sont belles, ou au contraire violentes, et surtout qu’elles bousculent durablement notre perception de la réalité et notre imaginaire. Je pourrai citer Denali, mais parmi les plus anciens c’est surtout à André Engel que je pense. Qui d’autre que lui est capable aujourd’hui de transformer la scène d’un théâtre en banquise, de vous faire vivre une tempête et surtout de ressentir dans vos tripes l’émotion de la mort d’une reine ?

Pauline Bureau ! Et elle s’y prend avec douceur et intelligence pour nous montrer que la transmission entre une mère et sa fille peut évoluer du conflit vers la paix.

Pour ce faire elle embarque un théâtre dans sa globalité dans l’univers des contes et nous installe au coeur d’une profonde forêt, la plus belle, où s’élancent de haut bouleaux noirs et blancs semblables à ceux que Klimt a immortalisés. Elle nous arrête dans notre promenade au pied d’une immense citerne pleine d’eau où chacun des adolescents fera un plongeon vivifiant, marquant leur naissance au monde. Cette immersion signe leur avènement à un univers nouveau, celui des adultes, dans lequel ils vont entrer sous nos yeux sans perdre pour autant leurs qualités enfantines.

J’ai vu beaucoup de spectacles de Pauline Bureau dont je trouve le talent immense. J’aime sa capacité à s’indigner, que ce soit à propos du scandale sanitaire du Mediator, avec Mon coeur, ou de la lutte pour le droit des femmes à disposer de leur corps, avec Hors-la-loi et Pour autrui. J’aime aussi sa capacité à convoquer le rêve pour lustrer les relations humaines, les dépouiller de leurs oripeaux colériques et les sublimer, les remettre debout. Comme l’écrivait le poète-chanteur-philosophe Julos Beaucarne dans sa lettre ouverte de février 1975,  Il faut reboiser l’âme humaine.

Le contexte est différent, bien sûr, mais c’est ce à quoi s’emploie très exactement cette metteuse en scène : Allume ma vie et éteins ma peine. Je lècherai tes larmes et tu répareras mon cœur. La vie est sauvage. On n’a rien à perdre. Même pas cinq minutes, dira le personnage du père.

Elle nous offre un moment de pur bien-être tout en nous montrant le combat d’une gamine qui devient femme et d’une mère qui change de statut, dans un mouvement symétrique et inverse. Est-ce la peur de grandir qui pousse Neige à s’évanouir à tout bout de champ, comme sa mère avant elle ? Sa mère qui voulait tout, sa carrière, et le conte de fées. Leur trajectoire va les séparer avant qu’elles ne se retrouvent, au cœur de cette forêt, magique pour qui croit au pouvoir de l’imagination et où la vie sauvage est réparatrice, à l’inverse par exemple du métier d’ingénieur agronome spécialiste de l’abattage des poulets industriels, exercé auparavant par le chasseur.

L’hiver venu, la neige recouvre les paysages, une métamorphose s’annonce. Neige, jeune adolescente, a hâte de grandir. Sa mère, elle, s’étonne de vieillir. Mais Neige a disparu, elle s’enfonçait dans la forêt la dernière fois qu’on l’a vue. Elle y croisera un prince moins charmant et un chasseur plus doux que ce que l’on nous raconte dans certaines histoires.
Après Alice au pays des merveilles qui lui avait inspiré Dormir cent ans, Pauline Bureau a repris plusieurs motifs de Blanche-Neige, là encore dans un univers de miroirs magiques et de forêt, qui traverse les âges comme les saisons. Ce n’est plus un tigre qui s’installe sur le plateau mais une biche, frémissante et sans crainte du chasseur, devenu personnage bienveillant, capable d’éloigner les mauvaises ondes. Foisonnante de fantasmes, de peurs et de désirs secrets, cette fable contemporaine qui fait la part belle au fantastique et au merveilleux, réserve bien des surprises sur la scène et dans le théâtre qui se trouvent métamorphosés en univers sylvestre.

Si on a raison d’indiquer que le spectacle est « tout public dès 10 ans » il ne faudrait surtout pas penser qu’il s’adresse prioritairement aux enfants. Même si plusieurs endroits dans le théâtre ont été aménagés pour eux. C’est un tel plaisir à tout âge de s’emparer d’un masque animalier que chacun y trouvera de quoi se réjouir. La meilleure preuve est que même les ouvreurs/euses s’y sont mis.
On aura envie de rester, de revenir et de s’installer dans ce boudoir pour y plonger dans son livre favori.
Et plus loin de dessiner sur un tronc d’arbre avant de suivre les empreintes de pattes de loup qui conduisent à la grande salle en passant devant la cartographie de Neige, reproduite en grand format sur le mur du théâtre. On n’y cherchera pas de représentation rationnelle puisque le personnage l’avouera tout à l’heure et cela nous fera rire : je suis nulle en géographie.
Contrairement aux scénographies précédentes, les évènements ne se déroulent pas dans de multiples temporalités à des niveaux de scènes différents, L’ensemble est cependant un cran au-dessus en terme de merveilleux. Et ce n’est pas seulement parce que le spectacle est « de saison », s’inscrivant à merveille dans le froid hivernal, légitimant le flocon en guise de point sur le i de neige ou sur celui du mot fin.
Evidemment que l’on sortira remué, mais dans le bons sens, remis debout. La musique est superbe, nous rappelant parfois des airs très connus comme le si beau titre de Nirvana, Viens comme tu es (dont le texte colle à la perfection au propos de la pièce). Et le texte n’est pas bavard mais si parlant que j’ai dû me contraindre pour ne pas noter chaque parole.

C’est logique puisque le texte est envisagé comme un des éléments du spectacle aussi important que l’interprétation (et il faut saluer chacun des acteurs) ou la beauté du décor (la scénographe Emmanuelle Roy et le magicien-vidéaste Clément Debailleul ont accompli un travail époustouflant). Il est essentiel pour Pauline Bureau (photo ci-dessous) que l’écrit soit, visible, lisible gratuitement et qu’il circule. Voilà pourquoi les textes de plusieurs de ses pièces sont en accès libre en suivant ce lien.
Comme nous sommes dans un conte initiatique, la fin sera heureuse. Neige demandera à sa mère : Apprends moi l’inutile. Ce qui ne sert à rien mais qui fait du bien. Apprends-moi à rêver, à marcher sur les mains, à aimer le temps qui passe. Et la mère promettra d’essayer.

Le printemps reviendra après l’hiver et la magie opèrera à plein. Mais, après tout, est-il défendu d’y croire ? C’est bien connu : les choses n’existent que par l’impression qu’on en a.

Neige, texte et mise en scène Pauline Bureau
Avec Yann Burlot, Camille Garcia, Régis Laroche, Marie Nicolle, Anthony Roullier, Claire Toubin
Scénographie et accessoires Emmanuelle Roy
Costumes Alice Touvet
Composition musicale et sonore Vincent Hulot
Dramaturgie Benoîte Bureau
Magie et vidéo Clément Debailleul
Lumières Jean-Luc Chanonat
Au Théâtre national de la Colline - 15 Rue Malte-Brun Paris - 75020 Paris
Du 1er au 22 décembre 2023 au Grand Théâtre
Du mercredi au samedi à 20h30, le mardi à 19h30 et le dimanche à 15h30
Mardis 5 et 12 décembre à 14h30 et 19h30, jeudis 7 et 14 décembre à 14h30 et 20h30
Spectacle tout public dès 10 ans, créé le 17 octobre 2023 à la Comédie de Saint-Etienne

La photo qui n’est pas logotypée A bride abattue est une photo de répétitions © Christophe Raynaud de Lage

Molière de la Création Visuelle et Sonore et Molière du Jeune public le 6 mai 2024

lundi 3 juin 2019

Hors-la-loi de Pauline Bureau

Vous pourrez bien m'accuser d'être inconditionnelle de Pauline Bureau ... que voulez-vous ... cette femme a un talent fou et ce n'est pas son dernier spectacle Hors-la-loi qui me fera changer d'avis.

C'est la quatrième mise en scène que je vois d'elle et je suis toujours autant enthousiaste. Si vous ne la connaissez pas, ou mal, je vous invite à lire mes précédents articles.

L'intérêt sociologique et historique de celui-ci est encore évident. Le manifeste des 343 paru le 5 avril 1971 avait ouvert une brèche. Plus d'un an après, le Procès de Bobigny amplifiera le mouvement en marche vers la légalisation de l’avortement.

Ce que j'ai particulièrement apprécié c'est que ce spectacle est d'abord un véritable objet théâtral, qui ne donne pas de leçon au public, et qui traite le sujet différemment de ceux qui l'ont abordé précédemment, notamment en ne nous rejouant pas l'Hymne des femmes (si beau et si émouvant au demeurant, mais tant utilisé, notamment par Jeanne Champagne pour illustrer Les années, qui faisait référence à cette même période, et dont je ne remets pas en cause l'excellente adaptation du livre d'Annie Ernaux).

Pauline Bureau a entrepris un vrai travail d'enquête et d'écriture. Sa rencontre avec la principale protagoniste, Marie Claire Chevalier (interprétée par Martine Chevallier), qu'elle a interviewée, a sans doute beaucoup compté. Pauline bureau n'est pas tombée dans la sur-information ni dans la justification. Tout le début de la soirée se déroule avec une grand économie de dialogues et le spectateur a le temps de se remettre (ou de se placer, pour ceux qui n'ont pas traversé cette période) dans un contexte où les femmes (car ce n'est pas l'histoire d'une seule femme) ne recevaient aucune information, et étaient des proies faciles pour des hommes peu responsables. A fortiori les gamines qui jouaient encore au hulo-hoop ou à l'élastique en cour de récréation.

Il y a peu de mots à ce moment là mais ils sont puissants : C'est arrivé à moi et ça m'a tant changée que je ne sais plus qui j'étais avant que ça m'arrive. J'ai pour toujours 15 ans dit la Marie-Claire d'aujourd'hui en regardant la jeune fille (interprétée par Claire de la Rüe du Can).

mercredi 22 juin 2016

Dormir cent ans, Texte et mise en scène Pauline Bureau

Il y a des livres dits de littérature jeunesse qui sont tout à fait susceptibles d'apporter un plaisir de lecture à des adultes.

Il y a aussi des spectacles qui sont dans cette veine. Dormir cent ans est tout simplement superbe, intelligent, d'une maitrise que je n'ai pas peur de qualifier d'exceptionnelle.

C'est un spectacle que je verrais volontiers plusieurs fois et qu'il serait dommage de restreindre à un public d'enfants.

Pauline Bureau, dont j'avais vu à la Tempête il y a deux ans la Meilleure part des hommes signe là un travail extrêmement abouti.
Aurore à 12 ans. Elle sent que quelque chose change en elle. Jour après jour, elle se prend en photo pour saisir ce qui se transforme. Théo à 13 ans. Tous les après-midi, il sort de l’école, rentre à la maison et attend seul que son père arrive. Mais, il n’est pas vraiment seul. Il est avec le roi grenouille, le héros de sa BD préférée qu’il est le seul à voir. Aurore se demande ce que cela fait d’embrasser avec la langue. Théo aimerait bien savoir s’il est beau. Elle joue du piano. Il parcourt la ville en skate. Certaines nuits, ils rêvent. Et dans leurs rêves, ils se rencontrent.
Vous croyez savoir l'essentiel mais il vous manque la dimension magique. Une petite fille perdue en forêt compte ses pas, s'installe au piano et chante sa peur du silence. Plus tard elle rencontrera un tigre avec qui elle va apprendre à se battre, à rugir, bref à faire tout ce que les tigres apprennent à leur fille.

Un garçon exprime lui aussi ses doutes : être tout seul quand les autres sont ensemble, ça me fait honte. Il semble passif mais cet état n'empêche pas que des choses arrivent malgré tout. Et c'est sous un saule qu'il va grandir.

Vous verrez un réfrigérateur dont la porte symbolise le passage dans un monde imaginaire, fait de rêve et de cauchemar, dans lequel les personnages évolueront avant de faire le chemin inverse pour revenir dans la réalité ... mais transformés.
Pauline Bureau traduit avec beaucoup de justesse le mal de vivre des ados et comment une histoire d'amour peut commencer entre deux êtres qui se rencontrent sans être un remake à l'identique de la Belle au bois dormant (qui est son histoire préférée).

Toutes les musiques et les chansons sont des créations originales de Vincent Hulot, sauf Because the night que Patti Smith chantait en 1978, qui s'accorde parfaitement avec le coté rock qui imprègne le spectacle.
Trois videoprojecteurs sont employés pour sculpter l'espace et le résultat est enchanteur.

Pour réaliser les scènes avec le tigre Yves Kuperberg s'est inspiré d'un jouet de son fils. Il a dessiné les images qui sont projetées en guise de décor. Il en résulte un monde qui se trouve à la croisée entre une bande dessinée, un album et un espace en trois dimensions. L'espace est extrêmement délimité et pourtant il autorise toutes les projections personnelles auxquelles le spectateur peut se livrer en fonction de ses connaissances. On pourra par exemple penser à l'album d'Anthony Browne, Dans la forêt profonde. D'autres songeront à Alice au pays des merveilles. Et ce ne sont pas les livres où il est question de grenouilles qui manquent.

Dormir cent ans est un spectacle radicalement différent de ce qu'on a vu jusqu'à présent. Il y aura un avant  Il y aura un après. Une chose est certaine : il ne laissera personne indifférent.

Dormir cent ans
Texte et mise en scène Pauline Bureau
Dramaturgie Benoîte Bureau
Texte publié aux éditions Actes Sud-Papiers
Avec Yann Burlot, Nicolas Chupin, Marie Nicolle, Géraldine Martineau en alternance avec Camille Garcia
Création et régie lumière Bruno Brinas
Régie vidéo Christophe Touche
Scénographie et réalisations visuelles Yves Kuperberg
Composition effets visuels Alex Forge
Du 14 juin au 12 juillet 2017 (horaires variables)
Au Théâtre Paris Villettte
211, av. Jean-Jaurès -  75019 Paris
A partir de 8 ans

La photo qui n'est pas logotypées  A bride abattue est de Pierre Grosbois

Tournée 2016-2017
28 et 29 sept. le Granit, scène nationale de Belfort
6 et 7 oct. le Préau CDR de Vire
18 au 20 oct. Espace 600 de Grenoble en partenariat avec la MC2, scène nationale de Grenoble
3 au 6 nov. AmstramGram théâtre de Genève - Suisse
10 et 11 nov.  théâtre Romain Rolland, scène conventionnée de Villejuif et du Val-de-Bièvre
13 et 14 nov. théâtre Paul Éluard de Choisy-le-Roi
17 et 18 nov. théâtre de Charleville-Mézière
21 au 23 nov. le Grand R scène nationale de la Roche-sur-Yon
1er et 2 déc. théâtre de Privas
7 au 10 déc. le théâtre scène nationale de Sénart
6 et 17 déc. théâtre la Piscine de Châtenay-Malabry
3 et 4 mai théâtre du Parc Andrézieux-Bouthéon
9 et 10 mai 2017 - l'Arsenal Théâtre Val de Reuil
23 et 24 mai 2017 - Théâtre la Liberté, Scène nationale de Toulon
30 et 31 mai - Le Moulin du Roc, scène nationale de Niort
6 et 7 juin 2017 - Le Parvis scène nationale Tarbes Pyrénées.

Le spectacle est nominé aux Molières 2017 dans la catégorie Jeune Public
Il repartira en tournée la saison prochaine d'octobre 2017 à juin 2018.

mercredi 7 mars 2018

Les bijoux de pacotille de Céline Milliat Baumgartner, mise en scène de Pauline Bureau

Comment ai-je pu rater Les bijoux de pacotille quand le spectacle s'est joué en janvier au théâtre de Paris Villette?

Je suis pourtant une inconditionnelle du travail de Pauline Bureau aussi bien dans ce qu'elle fait pour un public d'adultes (je garde de La meilleure part des hommes, et ensuite de Mon coeur un souvenir bouleversant) que d'enfants (je conserve de Dormir cent ans un pur éblouissement).

Toujours est-il que j'ai eu la chance de voir la pièce au théâtre du Rond-Point ce soir et que j'en suis sortie totalement saisie par l'intelligence du propos, la justesse de la mise en scène et de la direction d'acteur et l'interprétation de Céline Milliat Baumgartner.

Mes critiques sont reprises par le site Au balcon qui me demandent d'ajouter une note sur 10. Ce spectacle mérite 12 sur 10 parce que 10 ce n'est pas suffisant. Pauline Bureau m'amène systématiquement à mettre en cause les notations !

J'ai découvert la chose la plus étonnante, la plus surprenante, la plus merveilleuse, la plus miraculeuse, la plus triomphante, la plus étourdissante, la plus inouïe, la plus singulière, la plus extraordinaire, la plus incroyable, la plus imprévue, la plus grande, la plus petite, la plus rare, la plus commune, la plus éclatante, la plus secrète jusqu'aujourd'hui, la plus brillante, la plus digne d'envie : enfin une chose dont je n'ai pas trouvé d'autre exemple jusqu'à présent sur une scène de théâtre.

dimanche 19 mars 2017

Mon coeur, mise en scène de Pauline Bureau, encore un scandale pharmaceutique

Il y a eu le film La fille de Brest, d'Emmanuelle Bercot que je n'ai pas eu le temps d'aller voir sur les écrans.

Pauline Bureau, dont je suis le travail depuis plusieurs années, a écrit Mon coeur, pour le théâtre, sur ce même sujet, le scandale du Mediator,  qui fut prescrit comme coupe-faim par des médecins peu scrupuleux. On dit que de 1976 à 2009, il a fait entre 1000 et 2000 victimes en toute connaissance du laboratoire Servier, fabricant de la molécule incriminée.

Cela étant, la responsabilité des médecins qui ont noté sur des ordonnances ce médicament en le détournant de son indication principale (le diabète de type 2) me semble extrêmement grave. Et j'irai même jusqu'aux pharmaciens qui, on ne le sait pas assez, sont soumis à des obligations de prudence. Ils doivent par exemple vérifier l'authenticité des ordonnances, leur régularité technique et conseiller l'utilisateur des médicaments.

C'est leur rôle de déceler le cas échéant des erreurs du médecin comme par exemple une contre-indication ou des posologies inadéquates. Ceci pour éviter de tragiques conséquences comme celles provoquées par la confusion entre deux abréviations. En cas de doute ou d'erreur le pharmacien doit dialoguer avec le médecin.

Je ne peux pas croire que la dangerosité du Mediator était ignorée à ce point. Il y a donc une énorme responsabilité collective et c'est important de la pointer. Pour que l'usager prenne conscience qu'une prescription, quelle qu'elle soit, n'est pas à suivre les yeux fermés, surtout quand on promet un produit soit-disant miracle. Mais tel n'est pas le sujet de mon article et revenons au théâtre.

Pauline Bureau a entrepris un travail magistral, de recherches, d'écriture, de mise en scène et le résultat est à la hauteur. C'est un spectacle engagé et engageant. On qualifiera cette forme de "théâtre citoyen" mais c'est d'abord et avant tout du "vrai" théâtre, qui résulte d'une réflexion dramaturgique et d'une direction d'acteurs exemplaire, empreinte de beaucoup d'humanité. On peut dire aussi sans faire de mauvais jeu de mots que la soirée est palpitante parce que le spectateur se trouve projeté par un savant dispositif d'ombres et de lumières au sein même de la machine judiciaire, sans manichéisme pour pointer les bons et les méchants. Car la réalité est plus complexe. Il est si important, quand un système déraille, que quelqu'un se lève et s'oppose. Le théâtre a la capacité d'être la caisse de résonance de ces personnes.

vendredi 9 mars 2012

Le meilleur des hommes de Pauline Bureau au Théâtre de la Tempête

Adaptée du livre de Tristan Garcia, La Meilleure Part des hommes est le roman d’une époque qui appartient « déjà » à l’histoire, avec un H majuscule. La pièce traite de la fidélité comme de la trahison, en amitié, en amour, dans le monde du travail comme dans celui de la politique.

L’auteur est né en 1981, l’année de l’apparition du Sida et de l’élection de François Mitterrand. C’est en 2008 qu’il a publié son livre. Les faits sont réels mais forcément regardés avec le recul historique et avec la distance de celui qui ne les a pas vécus, du moins les plus anciens.

Annoncé comme une fable, le livre, a été décrypté à sa sortie comme un possible texte à clés inspiré de la vie de Didier Lestrade, fondateur de Act Up (phonétiquement proche de l’association Stand up citée dans la pièce), et de celle de Guillaume Dustan, magistrat le jour, écrivain et fêtard la nuit, prônant les rapports sexuels son protégés.

On nota aussi des ressemblances avec Alain Finkielkraut, celui-là même qui écrira plus tard que toute déclaration d’amour est une déclaration d’éternité, ce qui est très proche des paroles du personnage de Jean-Michel : aimer c’est s’engager à aimer même quand on n’aime plus tout à fait, par respect pour la promesse d’avoir voulu aimer toujours.

Pauline Bureau et sa sœur Benoite ont ajouté leur propre prisme en radiographiant leur génération et celle qui précède de manière à la fois personnelle et contemporaine en se posant une question essentielle : quelle est la place que l’on a été celle qu’on nous donne ?

Le spectacle a une tonalité très actuelle qui a surpris la salle le soir de la première. Le plateau de la salle Jean-Marie Serreau est noyé dans une brume d’où émerge une forêt de micros sur pieds. Le décor est minimaliste : une table où deux chaises se font face. Sol, murs, fond de scène, tout est anthracite.

Le brouillard se dissipe, laissant deviner la mezzanine abritant le mini-studio de musique où Vincent Hulot interprétera la musique en direct, à la guitare ou à la batterie. Ce n’est pas nouveau comme dispositif. Je l’avais apprécié dans la mise en scène d’Invasion ! par Michel Didym (reprise jusqu’au 16 mars au Théâtre 71 de Malakoff) mais cela fonctionne bien.

Quelques traits de pinceau de lumière rose vif, la couleur de l’enfance pour envelopper les 8 comédiens qui chanteront en direct, plantés chacun devant leur micro, Like a Virgin … Madonna avait fait scandale en 1985. L’interprétation est sobre, annonçant une sorte d’arrêt sur image avant de revenir quelques années en arrière.

Suivent les présentations des quatre personnages principaux avant que l’on n’assiste à leurs amours, leurs désamours, et leurs confrontations. C’est Elisabeth Levallois, alias Val (Marie Nicolle) qui commence. Parisienne de 33 ans, journaliste de gauche mais âme d’infirmière, mère maniaco-dépressive et maitresse de son ancien prof.

Son ami, William Miller, alias Will (Thibaut Corrion) est né le 27 octobre 1970 sous le signe du Scorpion. Il est fan de la Guerre des Étoiles.

L’amant (Zbigniew Horoks), Jean-Michel Leibowitz, prononcer Laïbo, juif Aubervilliers, excellent élève, adorant Flaubert, à l’époque, précise-t-il, aurait voulu être reporter. Il collaborera à Libération.

Et puis, Dominique Rossi, alias Doumi (Régis Laroche) le collègue corse, de mère italienne, grand-père médecin réputé, reçu en 1982 dans une grande école, futur fondateur de Stand Up.

Il faudrait citer les autres comédiens, excellents. Par exemple Nicolas Chupin (qui jouait d’ailleurs à la création d’Invasion !) inénarrable Jean-Philippe Bardotti, en conseiller de l’ANPE avant que ce ne soit Pôle Emploi.

Les dialogues font mouche. Leur force est d’évoquer à la fois le sujet et son contexte. Par exemple (en 1981 et sachant que c’est un homme qui parle) t’embrassais un mec tu faisais la révolution d’octobre !

On peut situer aujourd’hui l’apparition du Sida aux années 80 mais la cause n’était alors pas identifiée. On s’étonne de 5 cas de pneumocystoses le 5 juin 1981 alors que la probabilité pour un médecin de rencontrer une telle maladie était proche de zéro. Ce n’est que deux ans plus tard, le 3 février 1983, que le professeur Montagné découvrira le virus responsable.

On rentrait dans une putain de période. Et le comédien d’égrener les prénoms des premiers décès.
Les chiffres sont redonnés. Le sida faisait 500 morts aux USA quand il n’y avait « encore » que 50 cas en France. C'est un fléau qui a fait plus de 28 millions de morts dans le monde.

Après les 2000 morts recensés en 1999 on a connu un résultat encourageant avec 600 morts l’année suivante (grâce aux progrès des nouveaux traitements) mais hélas la courbe remonte constamment jusqu'à 1700 en 2011, laissant présager qu’elle pourrait dépasser bientôt le cap des années noires.

Il faut savoir que 150 000 personnes vivent avec le VIH en France en 2011 et que plus de 50 000 personnes ignorent leur séropositivité … Cette affection n’est pas devenue un mirage, loin de là. La contamination progresse toujours, notamment chez les hommes de plus de 50 ans qui ont recours au Viagra et qui ne songent pas à employer des préservatifs.

L’année de la chute du mur de Berlin, 1989, marque la naissance d’Act up (Stand up dans la pièce) une association de malades pour les malades, ayant pour objectif de lutter aussi contre les idées reçues. Les images d’archives soutiennent l’attention en ponctuant les scènes majeures. Pauline Bureau fait preuve d’une jolie imagination dans sa mise en scène. Le moment du départ en week-end dans une voiture imaginaire, avec des claquements de portière qui sont eux bien réels, alors que le paysage défile comme si on regardait dans le rétroviseur est un joli effet.

C’est ensuite la découverte de la musique house européenne, dont Didier Lestrade a effectivement contribué largement au développement alors que Claude Barzotti continue de chanter le titre qui l’a rendu célèbre à partir de 1983, Je suis rital.

L’attentat à la station Saint-Michel du RER B, le 25 juillet 1995, coïncide avec le début des trithérapies. Mais la projection des images d’archives ou l’interprétation des chansons d’époque ne respectent pas systématiquement la chronologie.

On se souvient tous de la voix haut perchée de haut de contre de Jimmy Summerville dans Small Town Boy (Le Garçon De La Petite Ville) et des paroles du refrain Run away, turn away, run away, turn away, run away (Sauve toi, détourne toi ). La chanson a été créée en 1984 mais elle arrive plus tard dans le spectacle et la sobriété de Marie Nicolle s’accompagnant à la guitare est purement bouleversante.

On revoit la sortie de Jospin après le face à face le Pen/Chirac pour les présidentielles de 2002 ; le coup de tête de Zidane (2006). Est-ce le temps qui passe ou nous qui passons … ?

La réponse nous est donnée par la voix de Diane tell chantant Si j’étais un homme (en 1980) :
Je t'offrirais de beaux bijoux,
Des fleurs pour ton appartement,
Des parfums à vous rendre fou
Et, juste à côté de Milan,
Dans une ville qu'on appelle Bergame,
Je te ferais construire une villa,
Mais je suis femme et, quand on est femme,
On n'achète pas ces choses-là.
Il faut dire que les temps ont changé.
De nos jours, c'est chacun pour soi.
La Meilleure Part des hommes d'après le roman de Tristan Garcia aux éditions Gallimard (Prix de Flore 2008)
adaptation et mise en scène Pauline Bureau
au Théâtre de la Tempête - salle Jean-Marie Serreau
du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 16h jusqu’au 7 avril 2012
Cartoucherie, route du Champ-de-Manœuvre, 75012 Paris. Tél : 01 43 28 36 36
Contact: 01 43 28 36 36 billetterie@la-tempete.fr
Rencontre-débat avec l'équipe du spectacle le 14 mars et avec Tristan Garcia le 22 mars

vendredi 1 avril 2022

Nominations de la Cérémonie des Molières 2022

La 33 ème Cérémonie des Molières 2022 aura lieu le 30 mai prochain, à 21 heures en léger différé de trente minutes, et sera retransmise sur France 3, depuis les Folies-Bergère, comme les fois précédentes.

J’aurais pu me satisfaire de découvrir la liste des Nominations sur le site de l’association mais l‘entendre de la bouche de Hugues Leforestier et de Gaëlle Billaut-Danno offre davantage de suspense. Et surtout, il était intéressant de constater les surprises et les acquiescements des personnes présentes à la conférence de presse.

Étant donné le nombre de spectacles éligibles (malgré les contraintes de nombre de représentations) et le fait que chaque catégorie (sauf trois exceptions) ne comprend que 4 nominés il est logique que les déceptions soient nombreuses, allant même jusqu’à provoquer dans la salle des réactions assez fortes.

Il était nécessaire de rappeler que la liste est le résultat du vote des membres de l’académie qui, au nombre de près de 2400 représentent au mieux l’ensemble des professions du théâtre et choisissent souverainement comme l'a précisé Jean-Marc Dumontet, un président très heureux d'annoncer la reprise et un retour à la vie théâtrale qui s'est produit avec une intensité forte.
Chaque spectacle éligible disposait de la possibilité de publier une bande-annonce sur le site de l'Académie et donc de renseigner au mieux les votants qui n'ont évidemment pas la possibilité de tout voir. J’ai beau aller beaucoup au théâtre je n’ai évidemment pas tout vu. Je vais essayer de rattraper quelques lacunes d’ici le 30 et j’ajouterai les liens vers les chroniques supplémentaires que je ferai ensuite.

Il faut parfois s'armer de patience et ne pas désespérer. Ainsi Maxime Taffanel que j’avais applaudi fortement au festival d’Avignon en 2018 aura finalement attendu 4 ans avant de passer la barre des nominations.

A noter que je n’ai pas détaillé le même spectacle à chaque fois dès lors qu’il était nominé dans plusieurs catégories. Et je n’ai également ajouté le lien vers ma chronique qu’une seule fois.

La cérémonie de cette "nuit" rebaptisée 400 ème en hommage à l'anniversaire de la naissance de Molière sera présentée pour la seconde fois par Alex Vizorek qui, d'ailleurs, est lui-même nominé. Il nous a annoncé d'ores et déjà qu'il travaillait à des surprises pour célébrer ce grand homme de théâtre et qu'il espérait des remettants "gourmands" de venir distribuer les statuettes.

Le record d'Alexis Michalik qui remporta 5 statuettes en 2017 pour Edmond pourrait être réédité mais par Comme il vous plaira. A signaler qu'il en collectionne déjà 13 et que ce n'est sans doute pas fini … puisque sa pièce, Les producteurs est nominé 4 fois, à égalité avec Avant la retraite, Les Gros patinent bien et Berlin-Berlin. Plusieurs sont en lice aussi pour les Trophées de la Comédie musicale qui eux aussi reprennent.

Michel Field, le patron de France 3, annonça pour sa part la programmation d'une pièce de théâtre en prime time toute la semaine de la cérémonie.
Molière du Seul/e en scène :
Le Champ des possibles - Elise, chapitre 3 d'Élise Noiraud
Mise en scène Élise Noiraud Compagnie 28

Lettres de mon moulin d’Alphonse Daudet avec Philippe Caubère
Mise en scène Philippe Caubère pour La Comédie Nouvelle

La Métamorphose des cigognes de et avec Marc Arnaud
Mise en scène Benjamin Guillard à La Scala et au Théâtre Comédie Odéon

La Promesse de l’aube de Romain Gary, avec Franck Desmedt
Mise en scène Stéphane Laporte et Dominique Scheer au Théâtre Le Lucernaire

mardi 2 avril 2019

Les nommés de la 38 ème Nuit des Molières

Pour la première fois ce ne sera pas la captation d'une pièce mais un film qui sera proposé aux téléspectateurs en début de soirée, avant la retransmission, en léger différé de la cérémonie des Molières.

C'est une fiction politique et religieuse, historiquement documentée sur les cinq années de la vie de Molière entre 1664 et 1669, qui a été retenue, Brulez Molière! de Jacques Malaterre, avec Dimitri Storoge dans le rôle de Molière et Jules Pélissier dans celui de Louis XIV.

Les téléspectateurs découvriront des propos tenus par Molière et jamais révélés qui témoigne de son combat pour pouvoir rire de tout et présenter son Tartuffe, dont je garde pour ma part un souvenir particulier dans la mise en scène de Jacques Lasalle avec Gérard Depardieu dans le rôle titre.

La cérémonie sera animée par l'humoriste Alex Vizorek et retransmise en léger différé comme maintenant chaque année.

La famille du théâtre retrouvera le cadre des Folies Bergère, où la cérémonie s'était déjà déroulée en 2017 et 2016.

Cette année l'éventail de pièces honorées est plus large. Ce sont 44 pièces différentes qui sont nommées au moins une fois pour se partager 19 Molières. Il en ressort cependant que Le canard à l'orange est la pièce la plus nommée (7 fois) et vise donc plus d'un tiers des récompenses. Avec 5 nominations Kean en vise un quart.

Nous saurons le 13 mai qui recevra les statuettes dont voici les nominations, avec les liens Internet pour les spectacles que j'ai chroniqués (je mentionnerai en rouge les gagnants seulement après la fin de la cérémonie pour respecter l'embargo) :

lundi 6 mai 2024

35 ème cérémonie des Molières

(Mise à jour 23 mai 2024)
C'est toujours une émotion particulière de revenir en salle presse aux Folies Bergère pour suivre la cérémonie des Molières. Je préfère largement me trouver là que coincée dans la salle tout en sachant que le spectacle n'y a pas la même saveur.

J'apprécie trop la liberté de mouvement me permettant de descendre dans le photo-call pour féliciter les artistes que je connais et que je me réjouis de voir récompensés. Et puis, pouvoir écrire à chaud mes impressions est tout autant appréciable.

L'agitation commence dès 18 heures avec les premières arrivées. C'est le bon moment pour commencer à poser en équipe devant les photographes. Tous les espoirs sont encore permis. Tout à l'heure seuls les possesseurs de statuette monteront sur le podium décoré de costumes créés par la si merveilleuse Pascale Bordet, hélas disparue cette année et qui méritait cet hommage. J’y reviendrait au moment où la soirée consacre quelques minutes aux artistes qui nous ont quitté en 2023.
D'ailleurs voici les comédiens de Spamalot, d'Eric Idle, mis en scène par Pierre-François Martin-Laval, avec une seule nomination, celle du Molière du Spectacle musical (et qui l’obtiendra).
Et puis ceux de Un tramway nommé désir, parmi lesquels on reconnait Lionel Abelanski et Alisson Paradis (en ensemble violet), tous deux nominés (mais c’est Cristiana Réali, absente, qui sera honorée.
C’est le tour de l’équipe de C'est pas facile d'être heureux quand on va mal, avec Zoe Bruneau (robe métallisée manches courtes)  qui joue en alternance avec Ariane Boumendil, au côté de Rudy Milstein, Nicolas Lumbreras, Erwan Téréné et Baya Rehaz -elle-même en alternance avec Constance Carrelet- accompagné de Salomé Lelouch (pantalon noir, haut blanc). Le spectacle est nominé pour le Molière de la Comédie et celui de l’auteur. Il remportera les deux statuettes.
L'équipe de Denali se rassemble autour de Nicolas Le Bricquir qui, malgré trois nominations, repartira bredouille. Il faut dire que lorsque les nominations ont été annoncées Denali n’était plus à l’affiche et il s’y probable que beaucoup de votants n’ont pas pu voir le spectacle.
Et celle du Repas des Fauves, nommé une fois cette année alors que Julien Sibre avait déjà reçu trois Molières en 2011 pour ce même spectacle, celui du metteur en scène, celui de l’adaptateur et celui (très convoité) du Théâtre privé face à des concurrents très méritants cette année-là. Il est probable qu’il repartira cette nuit forcément très déçus, mais on pourrait penser que c’était une erreur d’avoir validé la nomination en 2024 même si la pièce satisfaisait tous les critères d’exigence.

Un peu comme Mamma Mia, précédemment nominée en 2014.
 
Voici encore Franck Desmedt, plutôt décontracté malgré la pression de sa nomination au Molière du Seul en scène. Il faut dire qu’il a déjà reçu la statuette pour son rôle dans Adieu monsieur Haffmann en 2018. Mais il était reparti les mains vides en 2022 pour son précédent seul en scène. On a du mal à imaginer le niveau émotionnel des artistes qui sont régulièrement nominés et pas nécessairement récompensés, même si la nomination est déjà en soi très positive. Il n’y a aucune règle puisque Cristiana Reali, nommée sept fois sans succès va enfin gagner le graal.
Puis Mélanie Page, qui est nommée pour son rôle dans Une journée particulière, accompagnée de son mari, NaguiEn cette soirée du 6 mai, choisie de manière à ce que le palmarès puisse profiter aux gagnants avant la fin du printemps, le brouhaha est intense dans le hall des Folies Bergère qui résonne des clameurs des photographes, pressés de saisir les équipes des nominés. Malgré deux sonneries et une annonce au micro, le parterre de la salle, sur lequel j’ai une vue directe, par écran interposé, reste encore très clairsemé.
Mais arrivent Rachida Dati, ministre de la Culture, Delphine Ernotte,  présidente de France Télévisons et Jean-Marc Dumontet, Président des Molières. La 35ème cérémonie peut commencer, dédiée à la mémoire de Bernard Pivot, décédé aujourd'hui, présentée par Caroline Vigneaux au théâtre des Folies Bergères, et retransmise sur France 2 en léger différé le soir-même.

Je vais "raconter" la soirée en me permettant quelques commentaires intégrés par la suite. Il me semble intéressant de formuler l’hypothèse que les votants ont accordé plus d’attention à ceux qui n’ont jamais reçu de Molières et que les voix ont été, davantage que les années précédentes, réparties plus largement.

Il y avait 85 nominations pour 19 statuettes (sachant que la 20 ème serait un Molière d’honneur). Mais, alors qu’on aurait pu espérer logiquement que 85 spectacles soient distingués, ils n’étaient que 26 à figurer une seule fois sur les listes qui avaient été annoncées le 3 avril dernier, réjouissant les uns, décevant les autres car de nombreux spectacles remarqués au cours de la saison n’avaient pas franchi ce premier barrage.

En fait, si on se concentre sur le théâtre (en excluant donc le spectacle musical, l'humour, et même les seul en scène car ils ne peuvent pas prétendre à figurer dans plusieurs catégories) on ne compte que 36 spectacles remarqués. Parmi eux 17, soit la moitié ne sont nominés qu'une fois, les autres pour plusieurs (ce qui les plaçait en meilleure posture) 10 le sont pour 2 Molières, 1 seul pour 7.

Si on observe dès maintenant les résultats, seuls 14 spectacles seront lauréats dont 5 recevront deux Molières, ce qui est loin malgré tout des années où un ou deux trustaient la majorité des récompenses. Le résultat est donc plus équilibré et on peut se réjouir de ce qui n’est peut-être qu’un hasard. Remarquons toutefois une logique contre laquelle il faudrait agir. C’est le même spectacle qui remporte le Molière du Théâtre Public et celui de la mise en scène dans un théâtre public. C’est aussi le même qui reçoit le Molière de la Comédie et celui de l’auteur. J’entends par "logique" le fait que lorsqu’on atteint l’excellente c’est rarement dans une seule catégorie.

Néanmoins le nombre de nominations n’est pas un gage de succès. Courgette, favori dans 7 catégories, ne remportera qu’un Molière. Et beaucoup, nominés deux fois, n’en recevront aucun. Mais revenons à la soirée :

Le public installé dans la salle a sans nul doute ressenti quelques frissons avec la mise en place de l’orchestre des Sapeurs Pompiers de Paris, magnifiquement chorégraphiée, interprétant un medley où l’on reconnaît l’indicatif de la célèbre émission Champs-Elysées sur laquelle Caroline Vigneaux fait une entrée plutôt tonitruante qui dénote avec le flegme que l’on reconnaissait à Michel Drucker, mais le ton est donné : Ce soir c'est à mon rythme que la soirée se déroulera.

lundi 13 mai 2019

La cérémonie de la 38 ème Nuit des Molières


Ayant assisté à la cérémonie en contre-jour, les réactions de la salle me sont arrivées de loin, par écran interposé, mais j'ai par contre senti les vibrations des artistes récompensés qui sont venus à la rencontre de la presse après la réception de leur statuette ou qui se sont exprimés ensuite en fin de soirée, quand la pression a commencé à se relâcher.

Puisque telle est mon habitude je ne dirai pas ce qui doit demeurer de l'ordre du privé malgré la tentation de partager la surprise et l'amertume (légitime) de certains. Sans remettre en cause son talent je dirai tout de même à ceux qui se sont étonné que Blanche Gardin puisse recevoir un Molière deux années de suite que le règlement n'exclut pas cette opportunité.

Il prévoit "simplement" qu'un spectacle ayant reçu un Molière n'est plus éligible (or elle présentait un autre spectacle). Je ferai observer aussi que l'humoriste a semblé défier l'assistance en terminant son intervention en donnant rendez-vous l'année prochaine (ne dit-on pas jamais deux sans trois ?). Quel chemin accompli par celle qui se plaignait en mai 2017 que l'humour était un sous-genre et où elle se qualifiait alors de petite humoriste de rien du tout.

Nous ne sommes sans doute pas au bout de nos surprises avec celle qui l'an dernier avait insisté pour remettre (je cite Zabou) le Molière de sa catégorie, le Molière de l'Humour. Elle qui était la seule femme nommée l'année de l'affaire Weinstein avait conclu : le jour où j'ai un prix il n'a aucune valeur.

Impossible de faire semblable conclusion cette fois ci puisque toutes les nominées étaient des femmes, ce qui a fait dire à Alex Vizorek qu'il y avait peut-être urgence pour les hommes à se renouveler, et donnait raison à Blanche Gardin qui compare l'humour à de la médecine d'urgence plus qu’au divertissement. C'est un peu ce qu'on pourrait dire du spectacle de Caroline Vigneaux, au Grand Point Virgule.

La cérémonie aura été ponctuée par des moments assez drôles ou pour le moins caustiques. Ccomment interpréter sa reprise du sketch de Gad Elmaleh disant en substance que le point virgule est le looser de la langue française alors que c'est le nom d'une des salles de JM Dumontet ? Le début aura été difficile pour l'humoriste qui est arrivé sur scène après un court-métrage scénarisant la difficulté de recrutement d'un maitre de cérémonie. On l'aurait presque plaint d'avoir accepté l'épreuve.

Il s'est rattrapé en tirant gloire d'être le premier humoriste belge à présenter une soirée de droite honorant des gens de gauche, en remerciant pour leur présence, le ministre de la culture Jean-Marc Dumontet (Président des Molières), et son numéro deux Franck Riester (Ministre de la Culture), et en semblant s'interroger sur lequel serait le plus macroniste des deux, avant de redevenir sérieux en citant Brecht : l'avenir du théâtre c'est la philosophie.

Il tenta des pronostics en cette année où Alexis Michalik n'étant pas nommé on pouvait croire que personne ne trusterait les récompenses, même si Le canard à l'orange bénéficiait de 7 nominations. La suite des évènements démontra qu'il n'y a pas nécessairement rapport de cause à effet et on peut mesurer la déception des artistes. Il faudrait vraiment que le système d'analyse des votes soit revu afin d'élargir le nombre des récompenses. Il avait été demandé cette année aux votants de ne pas inscrire un spectacle plus de cinq fois sur son bulletin, visant Le canard à l'orange qui aurait pu repartir avec plus d'un tiers des récompenses, et Kean avec un quart ... et qui repartira les mains vides.
Alors que (je reprends ses propres mots) le maitre de cérémonie s'échinait à multiplier les blagues de cul pour récupérer le téléspectateur, la soirée a été secouée par l'irruption des intermittents venus en force (et qui sont sans nul doute entrés avec l'appui de complicités internes) et en grand nombre remettre, costumés de gilets jaunes, les Molières des oubliés : un Molière du déshonneur au Ministre, et un Molière d'honneur aux techniciens et aux artistes qui n'ont pas de statut ou qui vont le perdre.

Nous avons l'habitude d'un tel moment à un moment ou à un autre de la soirée mais leur discours, très préparé, était si naturel que j'ai cru à une parodie avant que je ne remarque le Président les raccompagner jusqu'à la rue. La séquence sera coupée au montage pour ne pas pousser le téléspectateur à zapper d'emblée la cérémonie (retransmise d'ailleurs si tardivement qu'on peut se demander qui reste devant le poste, sachant que le replay est accessible le lendemain). Je suggère que l'an prochain l'organisation fasse appel aux chanteuses d'Opérapiécé qui lanceront la soirée avec vivacité et intelligence en traitant ce thème crucial au demeurant de l'intermittence.
Je n'ai pas compris en quoi la menace d'interrompre les remerciements par une master-class de Francis Huster pouvait être comprise comme de l'humour. Il était temps que les récompenses tombent pour réchauffer l'ambiance.  Ce fut Valentin de Carbonnières, qui reçut la première, le Molière de la Révélation masculine pour son rôle dans 7 morts sur ordonnance, d’après Jacques Rouffio et Georges Conchon, adaptation Anne Bourgeois et Francis Lombrail, mise en scène Anne Bourgeois. Il laissa éclater une joie immense en coulisses après avoir pensé à remercier aussi ... les techniciens, en clin d'oeil à ce qui venait de se passer.

mardi 23 juin 2020

Les Molières attribués ce soir à 7 primo-moliérisés

Beaucoup de professionnels du théâtre vont critiquer cette cérémonie des Molières qui, il est vrai, fut étrange mais, pour avoir assisté 6 ou 7 fois en direct, soit en salle parmi les invités, soit en backstage en salle de presse, j'estime qu'elle ne fut pas du tout déshonorante.

Je parle, évidemment, de l'émission qui a été diffusée et qui, dans les restrictions sanitaires que nous subissons, ne pouvait guère être meilleure. Par contre j'ai un avis plus sévère sur le fond.

Le palmarès démontre, une fois de plus, que le jury tourne en rond et ne voit pas qu'il y a beaucoup de nouveaux talents à récompenser. Sur les 19 statuettes attribuées ce soir, seulement 5 l'ont été à des artistes qui étaient pour la première fois nominés et qui reçoivent leur première statuette, voire deux d'un coup pour Elodie Menant.

Ajoutons néanmoins Béatrice Agenin, car s'il s'agit de sa 8 ème nomination c'est son premier Molière, 3 ans après La louve. Et Niels Arestrup, premier également, après 4 nominations les années passées (d'où sans doute sa surprise lorsqu'il fut appelé à monter sur scène).

Que Pauline Bureau n'ait toujours pas de récompense pour une pièce grand public relève pour moi du scandale même si elle a eu le Molière du Jeune Public pour Dormir cent ans. Entendons-nous bien : je ne dis pas que les artistes récompensés ne le méritent pas mais je dis qu'il est temps de mettre en lumière d'autres comédiens et d'autres metteurs en scène que les "grands" toujours nominés, toujours talentueux et donc systématiquement honorés.

Imaginez qu’un écrivain reçoive le prix Goncourt tous les cinq ans ! Le théâtre souffre suffisamment d’un manque de reconnaissance pour que les institutions qui président à sa destinée aient la clairvoyance d’honorer de nouveaux talents, à charge pour les "anciens" de maintenir le leur. Et l’audience serait sans doute plus forte.

On adore Alexis Michalik mais il devrait être "hors course". Christian Hecq également. Sans doute l'académie des Molières gagnerait à imaginer un autre podium pour donner un coup de chapeau à ceux qui enchainent succès sur succès. Ajoutez le fait que les votants vont très peu au théâtre (j'insiste, et je persiste) et vous aurez l'explication à ce phénomène. Ils votent pour leurs copains même s'ils ne sont pas allés les voir ... puisqu'ils sont eux-mêmes sur un plateau au même moment, ... la belle excuse.

Revenons à la cérémonie. C’est donc Niels Arestrup qui, en quelque sorte ouvre le bal. En recevant le premier la première distinction, le Molière du comédien de théâtre privé, il est aussi à ce titre le premier à prendre la parole. Rouge sera sans doute un de mes plus beaux souvenirs de théâtre dira-t-il. Il remercie avec délicatesse les personnes les plus impliquées dans ce spectacle en les désignant par leur prénom, ce qui est inhabituel. Ses paroles sont élégantes : Je rêve à ce qu’ait lieu un jour une fête du théâtre, sans compétition, sans hiérarchie, sans rendement.

J'ai envie de l'applaudir depuis mon fauteuil en imaginant qu'il partage mon point de vue. Sa petite phrase semble insignifiante et pourtant comme il a raison car même si on se réjouit pour lui, comme on se réjouira plus tard pour Christine Murillo et pour Dominique Blanc

Marie-Sophie Lacarrau, laquelle fait office de présentatrice et de présidente, le pousse par l’épaule pour le passage en "loge rapide". On comprendra que ce dispositif, avec le surgissement de la statuette depuis le dessous de scène, a été imaginé pour pallier les craintes provoquées par la crise sanitaire du Coronavirus. En tout cas cette mini-interview, en voix off, fait penser à celles de "la boîte" de Canal+. C’est un moment d’intimité que le téléspectateur est invité à partager avec le lauréat. Niels rappelle que la fiction imaginée entre Mark Rothko et son assistant porte le titre de rouge qui était la couleur préférée du peintre, une couleur obsessionnelle qui lui ramenait un peu d’énergie, (mais qui -je le précise- ne le sauva pas pour autant puisqu'il se donna la mort).

Le palmarès va continuer sans remettant cette année. Avec, on peut le craindre, moins de spontanéité, une émotion plus contenue, moins palpable. La tension est effacée dans la salle. On sait d’avance que personne ne la quittera poing levé en signe de protestation.

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