La surprise est venue sans doute ce soir davantage des rires que du sujet. Personne dans la salle n’ignore le thème de Pour autrui, la pièce écrite par Pauline Bureau avec l’élan qui la caractérise quand elle s’empare d’un sujet qui lui tient à coeur.
Très préoccupée par les questions de santé, elle propose une pièce qui conjugue l’intime et le spectaculaire. Beaucoup de silences, de temps qui s’étire (sans susciter le moindre ennui mais qui permet au spectateur de digérer ce qui se passe).
La scénographie est quasi insensée. Et pourtant on connait déjà le talent d'Emmanuelle Roy. On retrouve la division de l’espace en deux plans,comme on a pu le voir dans Mon coeur. Ajoutez une tournette centrale, des espaces latéraux, et coupez en deux le haut, vous obtiendrez 5 lieux, plus le bord du plateau, qui fonctionnement isolément ou en combinaison. Quelle mécanique ! Cela aurait pu être anecdotique, acrobatique, mais tout est fluide. Les images projetées sont d’un réalisme inhabituel, si fortes que parfois j’oubliais être au théâtre tant il y a dans ce spectacle un dispositif cinématographique, avec même des gros plans, je ne vous dis pas comment.
Sur le fond, Pauline Bureau confronte les interrogations que l’on peut avoir en matière de GPA, mais aussi de maternité et de parentalité, et sur la filiation. Elle les combine à des soucis d’ordre écologique, ce qui n’empêche pas ses personnages de prendre l’avion, comme quoi la mesure de l’empreinte carbone n’est pas une évidence.
J'ai été touchée de multiples façons. Par ce coup de foudre entre Liz et Alex (Nicolas Chupin), par la relation fusionnelle entre Liz et sa soeur Kate (Rebecca Finet). Par l'interprétation autant jouée que dansée de Maria Mc Clurg (Rose Hutchinson). A de nombreux moments, on oublie qu'on est au théâtre, malgré l'imposant dispositif et l'originalité du propos. Sans doute pour partie parce que l'histoire est singulière.
Pauline Bureau réussit la prouesse de nous captiver en nous racontant des faits exceptionnels (il y a de multiples hasards et coïncidences dans la pièce) qui n'ont pas en soi valeur d'exemple. Car qui a une soeur vivant au bout du monde, travaillant dans un service de prématurés à San Francisco, dont une collègue est capable de porter votre enfant ? Et de le faire dans un cadre réglementaire ? Etre marionnettiste et donc donner la vie à des poupées et ne pas pouvoir devenir père est sans doute complexe à vivre. Et bien entendu surmonter un cancer et une fausse couche tardive (qui sont deux épreuves que Pauline connait, ce qui impose encore plus de respect). On peut être dans le contrôle, hors concours en terme de perfection comme l'est le personnage de Liz, et puis être touchée par des problèmes de santé.
C'est un des points forts de Pour autrui que de ne pas être militant en démontrant que c'est facile ou généralisable. Voilà aussi pourquoi j'ai apprécié que le spectacle soit réalisé pour partie en langues étrangères. Cela reste de l'exception mais on peut (et on doit) croire à une circulation possible de générosité et de respect. Sans faire mystère du coût et du contre-don. Car oui, donner ce n'est pas perdre. Et c'est très bien que le dossier du spectacle fasse le point sur l'évolution de la législation en matière de GPA.
On retrouve avec plaisir plusieurs comédiens avec qui la metteuse en scène a l’habitude de travailler. Comme Marie Nicolle, très juste en working-girl dont la vie bascule vers le bonheur puis dans le drame. Martine Chevallier est incroyable, entre deux rôles très différents. Sa composition de la mère devenant grand-mère est formidable.
Par contre, je ne suis pas certaine que le monologue de fin à propos des forêts et de la surdouance soit très à propos, laissant croire qu’un enfant conçu de manière exceptionnelle serait forcément exceptionnel, mais cette critique est mineure. On ne peut pas « tout » dire dans un seul spectacle.
Pour autrui, texte et mise en scène de Pauline Bureau, et dramaturgie Benoîte Bureau
Avec Yann Burlot, Martine Chevallier, Nicolas Chupin, Rébecca Finet, Sonia Floire, Camille Garcia, Maria Mc Clurg, Marie Nicolle, Anthony Roullier et Maximilien Seweryn, et à l’image les enfants Rose Josefsberg Fichera et Jason Kitching
Scénographie et accessoires Emmanuelle Roy, et costumes Alice Touvet
Composition musicale et sonore Vincent Hulot
Lumières Laurent Schneegans
Vidéo Nathalie Cabrol
Du 21 septembre au 17 octobre 2021 au Grand Théâtre de La Colline, théâtre national, 15 Rue Malte-Brun 75020 Paris
Le mardi à 19h30, du mercredi au samedi à 20h30 et le dimanche à 15h30Relâche le dimanche 26 septembre
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