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mercredi 22 septembre 2021

On n’est pas là pour disparaître, dans la mise en scène de Mathieu Touzé

L’accueil se fait dorénavant en extérieur et en cette fin de septembre c’est une excellente idée. Les parasols donnent envie d’arriver en avance, de s’installer avec un bouquin, de boire un verre (en toute modération). Tout cela est possible avant et même après le spectacle. Outre le fait que la distanciation est plus commode à respecter.

Mathieu Touzé et Edouard Chapot espèrent bien offrir ce cadre le plus longtemps possible aux spectateurs. L’affichage des spectacles à venir sur le grillage de la clôture donne de la visibilité à la programmation, et interpelle sans doute les chineurs qui déambulent dans le quartier les week-ends.

Le seul reproche à faire est la courte durée de la présence de chaque spectacle.  Espérons qu'en cette rentrée pléthorique chacun puisse trouver son public. Soyez attentifs aux reprises. Elles sont une forme de prolongement, la première étant pour Moi, Malvolio, qui avait été créé au ParisOFFestival.

Le confort est également sensible dans la salle encore fraichement refaite (nous n'avons pas vraiment eu le temps de nous y habituer avec la crise sanitaire). La musicienne Rebecca Meyer a commencé à jouer et les notes de sa guitare électrique vont accompagner Yuming Hey tout au long de sa performance. Car c’en est une. Insensée. Confirmant ce que l’on sait déjà, qu’il est un immense comédien.

Pour le moment c’est Marina Hands (de la Comédie française) qui nous demande d’éteindre nos téléphones portables.

Il est beaucoup question de maladie et de mort, au cinéma comme au théâtre. La santé est devenue une préoccupation majeure de cette rentrée, et c'est compréhensible. Entre Covid et cancer il y a aussi ce foutu Alzheimer qui touche des millions de personnes, se propageant comme un incendie, alors qu'il n'a rien de contagieux.

Yuming, parfois à peine audible débite dans la pénombre ou en pleine lumière, jouant tous les personnages, avec de légères inflexions de voix différentes jamais trop appuyées. On sait très bien qui parle, cela tient au texte, à la syntaxe magnifiquement orchestrée par l'auteure Olivia Rosenthal, et surtout au jeu. On mesure l’évolution des dégâts à la capacité ou non à faire un exercice de décompte que même un être censé ne parviendrait pas à tenir très longtemps. L'angoisse monte et pourtant le pire ne s’était pas tout à fait produit.

Ce pire, on le connait dès le début. il n'y a pas mystère. Monsieur T. a planté un couteau à cinq reprises dans le corps de sa femme, sans intention de la tuer, mais par une sorte de nécessité vitale.
 
J’ai peur de toi, dit la femme. On devine l’enfer que subissent le mari comme l’épouse, chacun d’un côté du mur.

Le décor est fascinant, comme un soleil qui s'effondrerait sur un sol devenu inhabitable. Les lumières sont indissociables de la création vidéo, évoquant des programmes informatiques dont la compréhension nous échappe. Le temps s'arrête ou s'accélère. Le comédien se fossilise et pourtant une part de lui est encore en mouvement, totalement malléable, pour donner vie à chacun des personnages que l'on reconnait sans chercher à savoir de qui il s'agit. On assiste, impuissant, mais fasciné, à un émiettement.

C’est compliqué sera le mot de la fin.
Et pourtant Yuming Hey, formidablement dirigé par Mathieu Touzé qui évite une mise en scène pathologique, aura réussi la prouesse de tout rendre fluide. Et de faire oublier la difficulté de la performance, à l’instar des circassiens si agiles qu’on ne craint même pas qu'ils puissent chuter. La présence du comédien est incandescente.

Il relâche la pression aux saluts, retrouvant son sourire après cette heure aussi sportive qu’une course de ski.
On n'est pas là pour disparaitre est un spectacle dont on sort chamboulé. On s'en doutait, à cause du sujet, cette maladie d'Alzheimer dont on parle de plus en plus, et qui finit par devenir le cauchemar de tout un chacun au fil des années.

Alors on en rit s'exclamant Oh je développe le syndrome d'Aloïs (le prénom du célèbre médecin) au moindre oubli comme pour conjurer le sort. Mais là, sur cette scène, la perte d'identité est autrement cauchemardesque et splendidement incarnée.

On n’est pas là pour disparaître 
D’après le roman d’Olivia Rosenthal, publié aux Éditions Gallimard, en 2021
Mise en scène et adaptation Mathieu Touzé
Avec Yuming Hey, et la participation de Marina Hands de la Comédie-Française
Du 21 septembre au 3 octobre du mardi au samedi
Au Théâtre 14, 20 avenue Marc Sangnier - 75014 Paris
mardi, mercredi, vendredi et samedi à 20h, jeudi à 19h, dimanche à 16h
A partir de 14 ans

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