Après 12 hommes en colère Francis Lombrail présente l'adaptation d'un autre film mythique, 7 morts sur ordonnance. C'est un projet auquel il travaille depuis une dizaine d'années et dont il avait discuté avec le réalisateur. C'est avec Anne Bourgeois qu'il s'est attelé à cette écriture avant de lui confier la mise en scène.
Il n'y joue pas le premier rôle et c'est judicieux parce que cela permet au public de le découvrir dans un rôle dit secondaire, et néanmoins très intéressant, celui d'un commissaire qui se trouvera dans une situation complexe et lui aussi en quête d'une vérité.
Il n'y joue pas le premier rôle et c'est judicieux parce que cela permet au public de le découvrir dans un rôle dit secondaire, et néanmoins très intéressant, celui d'un commissaire qui se trouvera dans une situation complexe et lui aussi en quête d'une vérité.
Si on retrouve l'essentiel du scénario original de Georges Conchon et du film réalisé par Jacques Rouffio il y a un peu plus de quarante ans (qui est rappelé en voix off au public), on est cependant face à une vraie pièce de théâtre. Il faut d'ailleurs signaler que c'est la première fois que le film de Jacques Rouffio, nommé aux César 1976 du Meilleur Film, est adapté au théâtre.
Cette tragique affaire, qui secoua la ville de Reims, est inspirée de faits réels qui n'ont pas été résolus, en partie pour la "simple" raison que lorsqu'un assassin se donne la mort, il n'y a pas d'enquête. Les faits restent pourtant troublants et on ne sait pas comment deux brillants chirurgiens (qui ont disparu dans des conditions analogues à 15 ans d’écart) ont été précipités vers une issue fatale. Ont-ils été les premiers victimes de manipulations sournoises d’un chef de clinique concurrencé par leur réussite ?
C'est l'hypothèse du cinéaste, et elle est suivie par Francis Lombrail. Mais il se trouve qu'un descendant de l'un des médecins a relancer il y a quelques semaines un appel à témoins pour tenter de faire rouvrir le dossier. Le spectacle et l'abondante presse qu'il suscite réveilleront peut-être la conscience d'un protagoniste, ou la mémoire d'un de ses descendants ayant recueilli des confidences demeurées secrètes.
On peut néanmoins penser que pouvoir, argent et honneur ont suscité chantage et/ou harcèlement qui sont entrés en résonance avec des fragilités personnelles. En tout état de cause, et à l'heure où s'ouvre le procès concernant la vague de suicides chez un grand opérateur téléphonique, la question de la nuisance du harcèlement est tout à fait d'actualité.
Ce qui frappe d'abord, c'est la bande-son, qui tient à la fois de l'amplification (à l'instar d'un stéthoscope décuplant les pulsations cardiaques) de bruits de portes et d'une musique évoquant l'univers du metal. Régulièrement des appels téléphoniques accompagnés de la sonnerie stridente des années 70 aura sur le spectateur un effet lancinant tout à fait illustratif de la pression sur le personnage principal. Il y a de quoi être déstabilisé.
La bande-son s'accorde avec un décor aseptisé, sans accessoires, semblable à un laboratoire, sculpté par des lumières vives où le vert symbolise l'hôpital, le rouge le danger, l'orange des espaces de réception un peu mondains, alors que le bleu est dédié aux flash-backs et aux confidences.
Que ce soit Simon (Jean-Philippe Bêche), l'ami anesthésiste du chirurgien Pierre Losseray qui parle le premier installe le cadre : le spectateur est invité à recueillir des confidences. A lui de se forger ensuite son opinion. Simon donne sa version. Pierre Losseray exerce en hôpital public, excellent praticien et honnête homme. Le mot "public" nous alerte d'emblée et on ne sera pas surpris qu'il affirme plus tard : Vous voulez m’acheter, je ne suis pas à vendre.
Le spectateur comprend que le sens du devoir motivent Losseray à renfiler les gants trois mois après son infarctus. Mais son courage attise la soif de pouvoir du Professeur Christian Brézé, propriétaire de la clinique privée Ste Marie (forcément en concurrence avec le public, comme partout) de surcroit membre du Conseil de l'ordre et donc capable de le faire suspendre, même pour un motif fallacieux. D'autant que l'homme juge son fils, médecin, comme le dernier imbécile venu.
Il est interprété par Claude Aufaure, aussi malin qu'un renard salivant devant une proie. Le chirurgien est soutenu par son épouse (Julie Debazac), et on remarquera que la version théâtrale n'a prévu qu'un seul rôle féminin, ce qui témoigne d'une dramaturgie intentionnellement ancrée dans des luttes de pouvoir très masculines) et par un ami, psychiatre et collectionneur d'art, le Docteur Mathy, lequel a bien connu (et encouragé ?) le docteur Berg qu'il qualifiera de chirurgien virtuose mais archétype du héros négatif, qui s'est suicidé dans des circonstances non élucidées.
La construction est digne d'un polar. On assistera à la descente aux enfers de Losseray tandis qu'on remontera parallèlement le cours de l'histoire pour restituer les circonstances de la mort de Berg.
On devinera comment l'étau va se resserrer sur Losseray, fragilisé par sa crise cardiaque, tiraillé entre son travail et la pression sociale des soirées mondaines où, parce qu'on est en province, on est plus sensible à l'opinion et au qu'en dira-t-on.
Par un astucieux effet, la mise en scène fait surgir la victime comme un tableau tombé du ciel. On verra Berg (Valentin de Carbonnières, nommé aux Molières dans la catégorie Révélation masculine) en conversation avec son "ami" crânant qu'il n’a peur de rien. Ecoutez alors attentivement la réplique apparemment banale mais qui, a posteriori pourrait être décodée comme de la manipulation : Pas mal, mais c’est pas suffisant, si t’es pas devant, t’es derrière, n’oublie jamais.
Losseray cherche à savoir ce qui est arrivé à son ancien confrère. Le commissaire voudrait comprendre pourquoi sa femme a brutalement succombé. Mathy tire les ficelles. le professeur Brézé arbitre le jeu. Le spectateur compte les points, effaré que la vérité n'ait jamais éclaté sur les vraies responsabilités.
Du grand théâtre, servi par des acteurs très justes.
Cette tragique affaire, qui secoua la ville de Reims, est inspirée de faits réels qui n'ont pas été résolus, en partie pour la "simple" raison que lorsqu'un assassin se donne la mort, il n'y a pas d'enquête. Les faits restent pourtant troublants et on ne sait pas comment deux brillants chirurgiens (qui ont disparu dans des conditions analogues à 15 ans d’écart) ont été précipités vers une issue fatale. Ont-ils été les premiers victimes de manipulations sournoises d’un chef de clinique concurrencé par leur réussite ?
C'est l'hypothèse du cinéaste, et elle est suivie par Francis Lombrail. Mais il se trouve qu'un descendant de l'un des médecins a relancer il y a quelques semaines un appel à témoins pour tenter de faire rouvrir le dossier. Le spectacle et l'abondante presse qu'il suscite réveilleront peut-être la conscience d'un protagoniste, ou la mémoire d'un de ses descendants ayant recueilli des confidences demeurées secrètes.
On peut néanmoins penser que pouvoir, argent et honneur ont suscité chantage et/ou harcèlement qui sont entrés en résonance avec des fragilités personnelles. En tout état de cause, et à l'heure où s'ouvre le procès concernant la vague de suicides chez un grand opérateur téléphonique, la question de la nuisance du harcèlement est tout à fait d'actualité.
Ce qui frappe d'abord, c'est la bande-son, qui tient à la fois de l'amplification (à l'instar d'un stéthoscope décuplant les pulsations cardiaques) de bruits de portes et d'une musique évoquant l'univers du metal. Régulièrement des appels téléphoniques accompagnés de la sonnerie stridente des années 70 aura sur le spectateur un effet lancinant tout à fait illustratif de la pression sur le personnage principal. Il y a de quoi être déstabilisé.
La bande-son s'accorde avec un décor aseptisé, sans accessoires, semblable à un laboratoire, sculpté par des lumières vives où le vert symbolise l'hôpital, le rouge le danger, l'orange des espaces de réception un peu mondains, alors que le bleu est dédié aux flash-backs et aux confidences.
Que ce soit Simon (Jean-Philippe Bêche), l'ami anesthésiste du chirurgien Pierre Losseray qui parle le premier installe le cadre : le spectateur est invité à recueillir des confidences. A lui de se forger ensuite son opinion. Simon donne sa version. Pierre Losseray exerce en hôpital public, excellent praticien et honnête homme. Le mot "public" nous alerte d'emblée et on ne sera pas surpris qu'il affirme plus tard : Vous voulez m’acheter, je ne suis pas à vendre.
Le spectateur comprend que le sens du devoir motivent Losseray à renfiler les gants trois mois après son infarctus. Mais son courage attise la soif de pouvoir du Professeur Christian Brézé, propriétaire de la clinique privée Ste Marie (forcément en concurrence avec le public, comme partout) de surcroit membre du Conseil de l'ordre et donc capable de le faire suspendre, même pour un motif fallacieux. D'autant que l'homme juge son fils, médecin, comme le dernier imbécile venu.
Il est interprété par Claude Aufaure, aussi malin qu'un renard salivant devant une proie. Le chirurgien est soutenu par son épouse (Julie Debazac), et on remarquera que la version théâtrale n'a prévu qu'un seul rôle féminin, ce qui témoigne d'une dramaturgie intentionnellement ancrée dans des luttes de pouvoir très masculines) et par un ami, psychiatre et collectionneur d'art, le Docteur Mathy, lequel a bien connu (et encouragé ?) le docteur Berg qu'il qualifiera de chirurgien virtuose mais archétype du héros négatif, qui s'est suicidé dans des circonstances non élucidées.
La construction est digne d'un polar. On assistera à la descente aux enfers de Losseray tandis qu'on remontera parallèlement le cours de l'histoire pour restituer les circonstances de la mort de Berg.
On devinera comment l'étau va se resserrer sur Losseray, fragilisé par sa crise cardiaque, tiraillé entre son travail et la pression sociale des soirées mondaines où, parce qu'on est en province, on est plus sensible à l'opinion et au qu'en dira-t-on.
Par un astucieux effet, la mise en scène fait surgir la victime comme un tableau tombé du ciel. On verra Berg (Valentin de Carbonnières, nommé aux Molières dans la catégorie Révélation masculine) en conversation avec son "ami" crânant qu'il n’a peur de rien. Ecoutez alors attentivement la réplique apparemment banale mais qui, a posteriori pourrait être décodée comme de la manipulation : Pas mal, mais c’est pas suffisant, si t’es pas devant, t’es derrière, n’oublie jamais.
Losseray cherche à savoir ce qui est arrivé à son ancien confrère. Le commissaire voudrait comprendre pourquoi sa femme a brutalement succombé. Mathy tire les ficelles. le professeur Brézé arbitre le jeu. Le spectateur compte les points, effaré que la vérité n'ait jamais éclaté sur les vraies responsabilités.
Du grand théâtre, servi par des acteurs très justes.
7 morts sur ordonnance
Adaptation théâtrale Anne Bourgeois et Francis Lombrail
D’après le film réalisé par Jacques Rouffio et le scénario original de Georges Conchon
Mise en scène Anne Bourgeois
Avec Bruno Wolkowitch, Claude Aufaure, Valentin de Carbonnières, Jean-Philippe Puymartin, Julie Debazac, Francis Lombrail, Jean-Philippe Bêche, Bruno Paviot
Décors Jean-Michel Adam
Lumières Laurent Béal
Costumes Juliette Chanaud
Création sonore François Peyronny
Théâtre Hébertot - 78 bis bd des Batignolles - 75017 Paris
À partir du 29 janvier 2019
Prolongations du 12 avril au 5 mai les Vendredi et samedi à 21h
Dimanche à 15h30
Molière 2019 de la Révélation masculine pour Valentin de Carbonnières
Les photos qui ne sont pas logotypées A bride abattue sont de Laurencine Lot
Adaptation théâtrale Anne Bourgeois et Francis Lombrail
D’après le film réalisé par Jacques Rouffio et le scénario original de Georges Conchon
Mise en scène Anne Bourgeois
Avec Bruno Wolkowitch, Claude Aufaure, Valentin de Carbonnières, Jean-Philippe Puymartin, Julie Debazac, Francis Lombrail, Jean-Philippe Bêche, Bruno Paviot
Décors Jean-Michel Adam
Lumières Laurent Béal
Costumes Juliette Chanaud
Création sonore François Peyronny
Théâtre Hébertot - 78 bis bd des Batignolles - 75017 Paris
À partir du 29 janvier 2019
Prolongations du 12 avril au 5 mai les Vendredi et samedi à 21h
Dimanche à 15h30
Molière 2019 de la Révélation masculine pour Valentin de Carbonnières
Les photos qui ne sont pas logotypées A bride abattue sont de Laurencine Lot
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