Marie-Charlotte Leclaire se présente pour auditionner le rôle de Dalida, et même si son interprétation de Gigi l'amoroso est d'un grand comique elle ne réussira pas à convaincre le metteur en scène (Cyril Romoli le soir de ma venue) qui cependant va l'engager, en raison de sa ressemblance avec ... Mireille.
C'est le point de départ de ce spectacle musical fort réussi parce qu'il est joyeux, imaginatif, et ... instructif. On apprend beaucoup de choses de la vie de cette petite bonne femme, petite en taille, immense en talent. Discrète et pourtant au tempérament extrêmement volontaire.
On remonte au siècle dernier et c'est cependant frais, joyeux, humoristique. En sortant de la salle on se dit que c'est bien étrange que Hervé Devolder (Molière 2019 pour la comédie musicale Chance !) n'ait pas pensé plus tôt à rendre cet hommage à celle qui a inventé la chanson de variétés française moderne.
Le trio nous montre à la fois la quantité de travail qu'il faut accepter de consacrer pour faire carrière et la difficulté de la création mais sans occulter les joies qu'elle procure. Et je voudrais sans tarder mentionner Adrien Biry-Vicente qui passe d'un personnage à l'autre avec un talent inouï et qui sera, je l'espère, récompensé à la prochaine soirée des Trophées de la Comédie musicale. Pour n'en citer qu'une, son incarnation de Françoise Hardy chantant Tous les garçons et les filles est simplement prodigieuse.
Quelle chance (pour nous) que Mireille ait eu de trop petites mains pour faire une carrière de pianiste car si elle joue plutôt bien du piano, il était inenvisageable d'espérer devenir soliste en ne pouvant pas réaliser un arpège d'une main. Elle devient donc comédienne à l'Odéon sans parvenir néanmoins à s'empêcher de jouer et de composer.
La voyant constamment au piano, Claude Dauphin, qui était alors régisseur décors, a l'idée de la présenter à son frère Jean Nohain, qui écrivait des textes, en utilisant un subterfuge pour piéger les deux protagonistes. Leur complicité ne faiblira pas. Ils se stimuleront l'un l'autre pour donner naissance à des tubes avec une inspiration nourrie du quotidien avec parfois un peu d'impertinence comme dans Papa n'a pas voulu (1961) qui laisse croire que "les enfants obéissants font tout ce que veulent leurs parents". Ils ont traversé les années sans se flétrir comme Couchés dans le foin ... dont le spectacle nous dévoile la création.
Mireille imaginait aussi des musiques publicitaires pour l'automobile (Renault, Citroën), des génériques pour la télévision (Colargol). Mais surtout le duo Nohain-Mireille composera pour Henri Salvador, Yves Montand (Une demoiselle sur une balançoire), Charles Trenet (C'est un jardinier qui boite). Même Brassens débutera sur leurs chansons.
On doit beaucoup à Mireille. C'est elle qui a introduit le swing dans la chanson française. Elle a tourné avec Buster Keaton et inventé probablement le feuilleton radiophonique. C'est pour Couchés dans le foin (musique de Mireille, texte de Jean Nohain) chanté alors par le duo Pills et Tabet que le peintre André Girard qui travaillait pour la Columbia (et dont une des filles s'illustrera au cinéma sous le nom de Danièle Delorme), réalisa la première pochette de disque illustrée, par une aquarelle. Jusque là on se contentait d'emballer les disques dans des pochettes en carton avec dessus le logo de la compagnie discographique qui éditait l'album. Mireille avait du flair en promettant que l'étui en carton cartonnera.
Elle imaginera, assez tardivement, le Petit Conservatoire, sorte de préfiguration de The Voice qui révèlera Michel Berger, Françoise Hardy, Pierre Vassiliu, Hervé Christiani, "le petit" Souchon (dont elle exigera qu'il chante ses productions au lieu de se satisfaire des reprises des autres), Yves Duteil ... et tant d'autres.
Ses poulains sont ses enfants. Elle les guide avec affection, mais fermeté, avec son complice Robert Valentino au piano. Aucune familiarité n'est permise. Pas question d'oublier de l'appeler madame. Mais la tendresse se lit sur son visage attentif.
Ce spectacle très documenté nous fait revivre des moments d'anthologie. On pardonnera quelques accommodements avec la réalité. Si sa mère avait une voix d'opéra, il n'empêche qu'elle était ouvrière et que son père était couvreur. On est loin d'une famille d'artistes comme on nous le présente sur la scène, même si elle fut la nièce de Charly King, inventeur des claquettes qu'il fait connaitre en France.
Sa rencontre avec Emmanuel Berl, qu'elle appellera toute sa vie Théodore, est savoureuse. Intuitivement gentille et pourtant d'ironie pouvant être mordante, la jeune femme pensait ne supporter cet homme que 10 minutes. Il a déployé des trésors d'imagination pour la séduire, l'invitant au Ritz, lui faisant connaitre Colette (qui lui trouvera sa coiffure), André Malraux, Sacha Guitry.
En la demandant en mariage par journal interposé, ces deux là ont en quelque sorte inventé la presse à sensation. Elle lui dit oui le 26 octobre 1937 et leur chemin se déroulera heureux pendant pendant 40 ans, mais en respectant toujours leurs territoires respectifs de création, littéraire pour lui, musical pour elle. Mireille avait posé ses limites, en faisant installer un feu entre leurs deux appartements, qu'elle seule pouvait actionner. Le rouge imposait qu'il reste chez lui. Au vert il avait le droit d'entrer. Les fenêtres de leur appartement de la rue Montpensier donnaient sur le Palais Royal et c'est en toute justice que la place voisine porte aujourd'hui le nom de Mireille.
Les trois comédiens sont autant savoureux dans le jeu que dans le chant. Marie-Charlotte Leclaire est l'interprète idéale. Elle s'est glissée avec un naturel stupéfiant dans le costume de Mireille et il se dégage d'elle un soupçon de gouaille qui évoque Arletty. Ses deux partenaires lui renvoient la balle avec pertinence et entrain. Le spectacle ne connait aucun temps mort. Les lumières de Denis Koransky sont très précises et efficaces. Et comme à son habitude Jean-Daniel Vuillermoz a imaginé des costumes de circonstance.
En la demandant en mariage par journal interposé, ces deux là ont en quelque sorte inventé la presse à sensation. Elle lui dit oui le 26 octobre 1937 et leur chemin se déroulera heureux pendant pendant 40 ans, mais en respectant toujours leurs territoires respectifs de création, littéraire pour lui, musical pour elle. Mireille avait posé ses limites, en faisant installer un feu entre leurs deux appartements, qu'elle seule pouvait actionner. Le rouge imposait qu'il reste chez lui. Au vert il avait le droit d'entrer. Les fenêtres de leur appartement de la rue Montpensier donnaient sur le Palais Royal et c'est en toute justice que la place voisine porte aujourd'hui le nom de Mireille.
La musicienne a quitté en 1996 le petit chemin qui sentait la noisette pour rejoindre le grand amour de sa vie au Montparnasse. Sur leur tombe une simple plaque "Avec le soleil pour témoin". Elle avait 90 ans.
Les trois comédiens sont autant savoureux dans le jeu que dans le chant. Marie-Charlotte Leclaire est l'interprète idéale. Elle s'est glissée avec un naturel stupéfiant dans le costume de Mireille et il se dégage d'elle un soupçon de gouaille qui évoque Arletty. Ses deux partenaires lui renvoient la balle avec pertinence et entrain. Le spectacle ne connait aucun temps mort. Les lumières de Denis Koransky sont très précises et efficaces. Et comme à son habitude Jean-Daniel Vuillermoz a imaginé des costumes de circonstance.
Ce spectacle nous fait re-découvrir avec bonheur des chansons qu'on a fredonnées ... ou pas. J'ai surpris cette réaction dans la salle : je ne connaissais pas Mireille, je suis subjugué.
Mise en scène Hervé Devolder
Avec Marie-Charlotte Leclaire, Adrien Biry-Vicente et Hervé Devolder (en alternance avec Cyril Romoli)
Musique MireilleLumières Denis Koransky
Costumes Jean-Daniel Vuillermoz
Au Théâtre du Petit Montparnasse
31 rue de la Gaité, 75014 Paris
Du 2 mars au 29 juin 2019
(Horaires à partir du 11 juin) :
Mardi, mercredi, jeudi, vendredi et samedi à 20h30
Dimanche à 15h
Le spectacle est gratifié de 6 nominations aux Trophées de la comédie musicale 2019
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