Boys n'est pas un roman. Ce n'est pas non plus un livre de nouvelles. J'ai eu beaucoup de mal à "entrer dedans" comme on dit. Je me suis autorisée à renoncer, au motif qu'on n'est pas obligé d'aimer tous les livres ... quand j'ai remarqué que revenait le prénom de Samuel auquel je n'avais pas suffisamment prêté attention.
J'ai repris depuis le début, sautant les pages pour retrouver ce Samuel dérouler le fil de sa vie et ses tourments, jusqu'au plus terrible mais si justement restitué. Ce dernier hurlement d'amour qui clôture le livre m'a poussée, non pas à refermer l'ouvrage, mais à le reprendre en ne lisant cette fois que les "autres" histoires que j'ai d'abord piochées au petit malheur ... parce que ce serait abuser que de parler de bonheur ...
Il y a indéniablement un travail de dramaturgie dans ce recueil où la progression narrative n'est pas soulignée mais bien réelle. Chaque épisode contient la matière à un livre complet mais le choix de Pierre Théobald de les condenser sous la forme de nouvelles rend les chapitres plus nerveux et surtout jamais bavards. La plus incisive, située au milieu de l'ouvrage, condense en à peine deux pages le vide qu'elles font quand elles se tirent (Théo p.127). On s'arrêtera au passage sur le prénommé on se dira que le grand Jacques (Brel) aurait pu chanter cela.
Son écriture est actuelle, vibrante, imprégnée d'un romantisme totalement contemporain qui parle autant aux hommes qu'aux femmes. Ses mecs scannent les nanas et capturent des écrans. Leurs filles sont au Japon le temps d'un stage (Gilles et la copine de Marc ont de la chance, elles reviendront, pas la mienne). Ils torchent des cigarettes, mènent leur vie comme ils peuvent, en contrôlant tant bien que mal des trajectoires compliquées, à l'instar d'une conduite sur verglas.
Avant de lire Pierre Théobald je ne savais pas que 20% des hommes sont confrontés à l'infertilité. Je ne me doutais pas que le creusement d'une ride du lion pouvait devenir un souci masculin, je veux dire provoquer chez un homme la crainte de déplaire, de vieillir et de se sentir poussé sur le bas coté de la vie, au moment où les vies sont faites, défaites (Marc, p.172).
Le coeur des hommes de Pierre Théobald prend des décharges mais même à terre il trouve le sursaut d'un geste héroïque comme Abel qui aura l'ultime courage de liquider le passé et d'exprimer sa gratitude à celle qu'il a (mal) aimée.
Accepter la vérité n'est pas faiblesse, comme le démontre Fred. Aucun ne baisse les bras et s'il y a une leçon à tirer c'est bien de ne pas se fier aux apparences. Dans la vie comme en lecture.
Les pages enquillent les aléas et les accidents. C'est grinçant. Parfois à la frontière du polar (Nicolas), en tout cas franchement dans le roman noir. Les personnages de Pierre Théobald sont à l'image des Rescapés que chante aujourd'hui Miossec. Il sont de ceux qui ne sont pas passés de loin à côté ... et qui n'ont plus le temps ... que pour un sentiment qui relève d'une forme de tendresse (Karim).
La paternité voulue, subie, gagnée ou perdue compose la trame de fond de ces textes où il y aurait matière à bâtir une pièce de théâtre.
Né en 1976, Pierre Théobald est journaliste sportif. Il vit à Metz et Boys est son premier livre de fiction.
Boys de Pierre Théobald chez JC Lattès, en librairie depuis le 3 avril 2019
Lu dans le cadre des 68 premières fois
Lu dans le cadre des 68 premières fois
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