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La publication des articles est conçue selon une alternance entre le culinaire et la culture où prennent place des critiques de spectacles, de films, de concerts, de livres et d’expositions … pour y défendre les valeurs liées au patrimoine et la création, sous toutes ses formes.

mercredi 8 mai 2019

Un Garçon d’Italie, mise en scène Mathieu Touzé

Le spectacle commence dans le noir absolu. Apparaît ensuite un comédien, probablement de dos, puis un autre non loin de lui. Ils sont ensuite trois, toujours dans un noir profond, disposé en triangle, puis de nouveau il n'en subsiste qu'un et la lumière commence à monter.

Luca (Mathieu Touzé) est face à la mer, mais c'est peut-être un fleuve (sans doute  les rives de l’Arno mais rien ne nous le prouve à ce stade), alors que retentit une musique dite classique. Il apprécie le parfum de la terre, qui est une bonne odeur de glaise, qui lui rappelle l’atelier de sculpteur de son grand-père.

Il y a du plaisir à devenir de la bouillie dit-il. Le spectateur a compris qu'il vient ou qu'il est en train de mourir. Il est invité d'emblée à remonter le cours de l'histoire pour percer l'énigme de ce jeune homme qui se déclare ordinaire.

Noir. C'est ensuite à Anna de nous relater (Estelle N’Tsendé) qu'elle a été appelée par la police pour reconnaitre le cadavre qui a été retrouvé noyé.

Noir. Dans la gare de Florence, Léo (Yuming Hey) s'étonne et s'inquiète de pas avoir vu son ami depuis une semaine. Il apprend dans la presse sa disparition. Aurait-il eu un accident ? Se serait-il suicidé ? Ou pire, a-t-il été assassiné ?

Le spectateur suivra Anna et Leo dans leurs hypothèses et entendra leurs confidences. Luca interviendra aussi, témoignant qu'on peut être mort et avoir des choses à dire… Nous assisterons tous à l'enterrement, en variant les points de vue, celui d'Anna qui n'est pas vraiment sa veuve, et celui de Léo qui aura peut-être été son plus grand amour. On devinera l'enfer dont les parents ne se remettront pas et on percevra dans chaque tête la part du chagrin et du devoir.

On entend un air d'opéra alors que Luca reprend avec dérision les paroles de la chanson d'Aznavour : ils sont venus, ils sont tous là.

Le comédien danse sur l'air de Ti amo de Sara Perche. Aucune voix ne l’emportera sur l’autre. Luca n’a jamais su choisir. Lorsqu’Anna rencontre Léo, l’équilibre est perdu et Luca n’aura plus qu’à s’effacer : on ne peut rien changer alors je vais laisser le vent emporter tout.

La musique tient une place importante dans ce spectacle fascinant où le spectateur doit faire des déductions pour reconstituer toute l'histoire qui va bien au-delà de savoir pourquoi ou comment Luca est mort. le public est en effet interrogé sur la responsabilité de chacun dans le bonheur de l'autre et sur la construction du modèle classique à deux.

A la fin le titre des Pretenders, I go to sleep, annonce la révélation.

Les émotions sont transmises sans artifice de mise en scène, sans décor, et avec peu de moyens. Il aura suffit par exemple que Leo retire sa casquette pour que l'atmosphère évolue. Chaque comédien est formidable et fait résonner le texte de Philippe Besson comme un poème.

En décembre 2018, Mathieu Touzé a été nommé co-directeur du Théâtre 14 - Théâtre Municipal de la Ville de Paris. Nous allons donc bientôt le voir à l'oeuvre dans l'élaboration de son propre lieu d'émotions et de sensations.
Un Garçon d’Italie
D'après Philippe Besson, édité aux Éditions Julliard
Mise en scène Mathieu Touzé
Avec Estelle N’Tsendé, Mathieu Touzé, Yuming Hey
Création lumière Renaud Lagier
Du dimanche 5 au mardi 28 mai 2019
Les lundis à 19h, les mardis à 21h15, les dimanches à 17h30
Au Théâtre de Belleville
94 rue du Faubourg du Temple 75011 Paris
Mardi 21 mai : bord de scène, rencontre avec l’équipe artistique

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