Vous avez au moins jusqu'au 1er mai pour aller voir ce spectacle. Je ne vais pas aller chercher midi à 14 heures pour vous dire que, oui c'est encore le thème de la fin de vie, et même de l'euthanasie qui est ici central. Comme pour la Dernière leçon, et la Petite chambre. Mais il est traité avec un humour qui m'a franchement fait rire et je n'ai pas le moindre frein à vous recommander de passer la soirée avec les comédiens.
Il y a des personnes qui n'ont pas apprécié l'humour particulier des blagues juives que Charles sert quotidiennement à sa fille, Nicole, qui n'a plus la force d'en rire. J'en connaissais certaines. J'en ai découvert d'autres. Elles m'ont toutes amusée parce que je n'y ai pas vu malice. Je ris aussi des blagues belges sans pour autant me moquer des habitants du pays.
Allez, je vous en sers une : Quels sont les cinq juifs qui ont marqué le monde ? Le premier, c'est Moïse parce qu'il a dit tout est loi. Le deuxième c'est Jésus parce qu'il a dit tout est amour. Le troisième c'est Marx parce qu'il a dit tout est argent. le quatrième c'est Freud parce qu'il a dit tout est sexe. Et le cinquième c'est Einstein parce qu'il a dit tout est relatif.
Charles (Michel Aumont) vit chez et avec sa fille. Il a le tempérament bougon et c'est un mauvais coucheur. Toujours à se plaindre, il ressasse les vieux souvenirs de sa "satanée Pologne" comme le dit sa fille. Il se reconnait "sale vieux égoïste" mais il n'est pas prêt à changer. Ses blagues parfois sordides agissent au fond un peu comme la politesse du désespoir pour adoucir une vie devenue sordide parce que son issue est inévitablement fatale. Quand il est seul c'est le canari qui devient spectateur de son cinéma. A quoi reconnait-on une mère juive ? Tu te lèves la nuit pour pisser. Tu reviens dans ta chambre. Ton lit est déjà fait.
Nicole (Denise Chalem, l'auteur) n'a guère envie de sourire de la situation. En tant qu'infirmière de nuit à l'hôpital, dans un service de soins palliatifs, on comprend vite qu'elle porte tout à bout de bras : ses malades, son père, sa collègue Patricia (Nanou Garcia) ... alors un mari, pas question, elle n'a pas de place pour lui en quelque sorte.
Sauf que le fiancé Adrien (Philippe Uchan) n'est pas prêt de lâcher prise. Il va s'allier avec son futur beau-père potentiel pensant qu'ils vont réussir à eux deux à la faire craquer. Certes elle craquera, mais pas comme ils l'ont espéré.
Nicole est une fille prévenante, une amie délicieuse et une excellente professionnelle. On aimerait avoir autant d'humanité qu'elle, parvenir à tout gérer, et rester debout. Son entourage ne perçoit pas qu'elle traverse une crise de surmenage et qu'elle glisse doucement dans la dépression. Ce n'est pas du prince charmant qu'elle rêve mais d'un thé brûlant devant une émission de télé débile. Alors forcément, le pauvre Adrien reçoit comme une claque cette phrase pourtant très juste : Je n'ai plus de place dans mon cerveau. Où veux-tu que je nous mette ?
Nicole vit au jour le jour, suspendue sous l'épée de Damoclès que représente la fin de vie de son père. La seule force qu'elle s'impose d'avoir, c'est le courage "d'aller chercher demain" ...
L'écriture de Denise Chalem est alerte, vive, joyeuse. Les quatre rôles sont équilibrés. Le décor fonctionne en outre avec beaucoup de réalisme en faisant apparaitre le service hospitalier coté jardin par un jeu de cloisons très habile qui se déploient derrière le coin cuisine.
L'alternance des décors et la vivacité des dialogues font qu'on se laisse emporter jusqu'au bout et avec plaisir dans une pièce qui aurait pu n'être que grave et tragique. La nomination de la pièce aux Molières est amplement méritée.
Aller chercher demain, Une pièce de Denise Chalem
Mise en scène : Didier Long
Depuis le 21 janvier au Petit Théâtre de Paris,
15, rue Blanche, 75009 Paris
Du Mardi au Samedi à 21h
Samedi 18h, Dimanche 15h30
Nominations aux Molières 2011 : Denise Chalem (auteur francophone vivant) et Nanou Garcia (comédienne / second rôle).
Il y a des personnes qui n'ont pas apprécié l'humour particulier des blagues juives que Charles sert quotidiennement à sa fille, Nicole, qui n'a plus la force d'en rire. J'en connaissais certaines. J'en ai découvert d'autres. Elles m'ont toutes amusée parce que je n'y ai pas vu malice. Je ris aussi des blagues belges sans pour autant me moquer des habitants du pays.
Allez, je vous en sers une : Quels sont les cinq juifs qui ont marqué le monde ? Le premier, c'est Moïse parce qu'il a dit tout est loi. Le deuxième c'est Jésus parce qu'il a dit tout est amour. Le troisième c'est Marx parce qu'il a dit tout est argent. le quatrième c'est Freud parce qu'il a dit tout est sexe. Et le cinquième c'est Einstein parce qu'il a dit tout est relatif.
Charles (Michel Aumont) vit chez et avec sa fille. Il a le tempérament bougon et c'est un mauvais coucheur. Toujours à se plaindre, il ressasse les vieux souvenirs de sa "satanée Pologne" comme le dit sa fille. Il se reconnait "sale vieux égoïste" mais il n'est pas prêt à changer. Ses blagues parfois sordides agissent au fond un peu comme la politesse du désespoir pour adoucir une vie devenue sordide parce que son issue est inévitablement fatale. Quand il est seul c'est le canari qui devient spectateur de son cinéma. A quoi reconnait-on une mère juive ? Tu te lèves la nuit pour pisser. Tu reviens dans ta chambre. Ton lit est déjà fait.
Nicole (Denise Chalem, l'auteur) n'a guère envie de sourire de la situation. En tant qu'infirmière de nuit à l'hôpital, dans un service de soins palliatifs, on comprend vite qu'elle porte tout à bout de bras : ses malades, son père, sa collègue Patricia (Nanou Garcia) ... alors un mari, pas question, elle n'a pas de place pour lui en quelque sorte.
Sauf que le fiancé Adrien (Philippe Uchan) n'est pas prêt de lâcher prise. Il va s'allier avec son futur beau-père potentiel pensant qu'ils vont réussir à eux deux à la faire craquer. Certes elle craquera, mais pas comme ils l'ont espéré.
Nicole est une fille prévenante, une amie délicieuse et une excellente professionnelle. On aimerait avoir autant d'humanité qu'elle, parvenir à tout gérer, et rester debout. Son entourage ne perçoit pas qu'elle traverse une crise de surmenage et qu'elle glisse doucement dans la dépression. Ce n'est pas du prince charmant qu'elle rêve mais d'un thé brûlant devant une émission de télé débile. Alors forcément, le pauvre Adrien reçoit comme une claque cette phrase pourtant très juste : Je n'ai plus de place dans mon cerveau. Où veux-tu que je nous mette ?
Nicole vit au jour le jour, suspendue sous l'épée de Damoclès que représente la fin de vie de son père. La seule force qu'elle s'impose d'avoir, c'est le courage "d'aller chercher demain" ...
L'écriture de Denise Chalem est alerte, vive, joyeuse. Les quatre rôles sont équilibrés. Le décor fonctionne en outre avec beaucoup de réalisme en faisant apparaitre le service hospitalier coté jardin par un jeu de cloisons très habile qui se déploient derrière le coin cuisine.
L'alternance des décors et la vivacité des dialogues font qu'on se laisse emporter jusqu'au bout et avec plaisir dans une pièce qui aurait pu n'être que grave et tragique. La nomination de la pièce aux Molières est amplement méritée.
Aller chercher demain, Une pièce de Denise Chalem
Mise en scène : Didier Long
Depuis le 21 janvier au Petit Théâtre de Paris,
15, rue Blanche, 75009 Paris
Du Mardi au Samedi à 21h
Samedi 18h, Dimanche 15h30
Nominations aux Molières 2011 : Denise Chalem (auteur francophone vivant) et Nanou Garcia (comédienne / second rôle).
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