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La publication des articles est conçue selon une alternance entre le culinaire et la culture où prennent place des critiques de spectacles, de films, de concerts, de livres et d’expositions … pour y défendre les valeurs liées au patrimoine et la création, sous toutes ses formes.

vendredi 14 octobre 2011

Journée du patrimoine vivant à l'Hotel Plaza Athénée

Ils ne sont que trois à Paris à pouvoir prétendre au titre de palace. Celui-ci est le Plaza Athénée, dont les corbeilles de la façade débordent de fleurs rouges comme autant de lèvres vermeil, situé au cœur de la rue Montaigne, serti des marques qui font le prestige français.

L’accueil y est feutré. Le hall est intime. Des orchidées virginales se dressent comme des ballerines autour d’une piste de danse inondée par la lumière d’un lustre vénitien. Il y a ici quelque chose d’italien et de new-yorkais. L’hôtel est un lieu de repos et de travail, toujours en mouvement. On y vient aussi pour des réunions de travail au sommet. Ai-je rêvé ou était-ce bien le pas énergique et la poignée de mains décidée de celle qui est devenue la nouvelle patronne du FMI qu'il m’a semblé reconnaître ?

J'y ai passé une demi-journée dans le cadre de la célébration du patrimoine vivant que établissement a décidé de mettre en avant pour la première fois cette année. C'était il y a quelques jours, mercredi 12 octobre. dans ce premier billet je relaterai mes rencontres avec un concierge, le fleuriste, le fruitier, un cuisinier et le directeur du bar. Une autre fois ce seront le chef pâtissier, un sommelier, un maitre d'hôtel et ceux qui ont la charge de l'entretien de ce patrimoine.

Une fois le hall franchi on poursuit sur la droite, par la galerie où sont exposées les œuvres de Christophe Michalak, Champion du Monde de Pâtisserie en 2005, comme des bijoux dans des vitrines parallélipédiques. Les bisounours (qui ont différemment inspiré la cinéaste Maïwen pour le générique de son film Polisse) sont des sucettes de guimauve allégée de chocolat au lait ou d'une couverture de fraise, enrobée d'une fine couche de chocolat à croquer.

La galerie fait officie de salon de thé comme de couloir pour conduire au bar ou à la cour intérieure investie ce jour-là pour témoigner des savoir-faire de la maison.

Les fleurs sont de la première importance. Ce sont elles qui captent le premier regard. Guillaume Henry est pointilleux sur des détails comme le sens de la retombée du phalaenopsis qui est l'orchidée la plus utilisée au Plaza. Elle doit être disposée comme sur la photo et non la tête en bas comme on la voit couramment.

Le fleuriste de l'hôtel prodigue volontiers ses conseils : éviter les rayons directs du soleil sur les bouquets, couper les tiges en biseau à chaque changement d'eau, ajouter quelques gouttes d'eau de Javel pour éviter le croupissement.

Dans ses compositions il évite les lys qui laissent échapper un pollen orange parfois indélébile, et les anthuriums pour leur exotisme qui évoque davantage Punta Cana que le bon chic parisien.Par contre l'orchidée violette Vanda est la bienvenue. La durée de vie des fleurs est un critère déterminant, minimum une semaine. Les feuillages d'automne ont leur place mélangés à des chrysanthèmes. Ici ce sont, entre autres, des eucalyptus "rouillés" par des projections d'encre spéciale.Dans les chambres, la rose demeure la vedette, avec un minimum de 15 tiges pour le "FL1", nom de code du bouquet de base. Le "FL2" est multifloral sur une base de roses et le FL3 est une version plus haute, avec des orchidées.Jorge Ferreira est le fruitier du Plaza, un métier qu'il est probablement le seul à exercer sur la place de Paris. Il est arrivé dans l'hotel à 18 ans, après avoir terminé des études de packaging et il a évolué progressivement dans cette maison.La présentation qu'il a adoptée dans des cageots lui est tout personnelle. Il les décline avec des fruits de saison qui lui sont livrés jusqu'à trois fois par jour. Difficile de faire plus frais. La gamme des jaunes orangés des mirabelles a beaucoup plu aux clients. Actuellement il y a encore de la fraise Mara des bois ... rangée cote à cote comme des pâtes de fruits, avec son pédoncule évidemment et le raisin a été coupé avec son sarment. Son choix de pommes se porte sur la rubinette qui est une variété de terroir.

Arriveront dans quelques semaines les clémentines et il osera quelques mendiants moelleux, avant de proposer des branches de litchis, français bien sur, en provenance de la Réunion, et la mandarine, malgré ses pépins, pour rééduquer "gentiment" les palais à la saisonnalité et raviver la mémoire gustative.

Les clients ont été surpris de découvrir ces caissettes en chambre. Ils les ont vite adoptées. La petite serviette et le ruban plaisent beaucoup, aussi bien aux hommes d'affaires qu'aux enfants. "C'est pur jus, simplement génial" lui dit-on.

Quelle évolution depuis les vanneries qu'on montait en chambre il y a vingt ans, remplacées par l'argenterie, et aujourd'hui par du bois, dans une démarche d'épure.

Les fruits tranchés, frais, épluchés à la minute, ont beaucoup de succès au petit-déjeuner, en particulier la papaye, et le nombre d'assiettes servies à ce moment là est en constante croissance. On commence à les choisir comme on commanderait une salade. Jorge aime tous les fruits mais avec une faiblesse toutefois pour une orange douce vanille, venant de Sicile, qui est un produit endémique, rare et précieux.
La conciergerie est une autre fonction importante pour le confort des clients. Le plus difficile est de conserver la mémoire de tout qui est fait, comme de se souvenir d'un paquet posé dans une chambre il y a trois mois.

Savez-vous l'étendue des compétences de e personnel ? Ainsi Marc-Antoine qui officie ici depuis 2 ans et demi (après l'excellente référence du Loti) peut aussi bien conseiller sur le meilleur restaurant "trendy" du moment, que vous souhaitiez manger un hamburger exceptionnel ou des coquilles Saint-Jacques sur un risotto. Mais il a aussi une bonne adresse de cuisine française traditionnelle aux portions généreuses. Et si vous préférez japonais, c'est égal. (je peux moi-même vous donner les bons tuyaux en message direct)

La règle d'or est de ne jamais dire non et de toujours proposer une solution. A deux exceptions près. Inutile de l'interroger pour obtenir des substances illicites ou ce qu'on appelait il a trente ans "un oreiller supplémentaire" car la prostitution, même de luxe, n'est plus de mise dans les grands hôtels. Et si elle existe encore c'est de manière invisible.

Par contre, évitez le coup de feu qui, dans cette profession, a lieu de 18 à 20 heures quand les clients dépourvus veulent organiser une soirée mémorable.

Les tenue sont très codifiées. Sur le portant se trouvent la veste blanche du voiturier l'été, puis celle au col rouge qu'il porte l'hiver. Ensuite celle du concierge, puis du groom, avec son col mao caractéristique. Enfin le bagagiste qu'on appelle aussi chasseur. celui-ci et chargé de faire les courses à l'extérieur alors que le groom porte les paquets et se chargent des courses à l'intérieur de l'hotel.

Quant au vélo il est à disposition des clients, comme une petite voiture pour quelques privilégiés.

Chacun parle au moins trois langues, dont le français et l'anglais. Ils sont au moins 3 en permanence sur une équipe de 11 au service des hôtes des 191 chambres (fois 2 ou 3 occupants). L'hôtel est complet chaque soir, ce qui évite d'avoir à accueillir un client qui arriverait sans avoir réservé aux alentours de 4 heures du matin, et qui serait, de toute évidence, une source de problème. Ce genre de chose ne se produit donc qu'au cinéma.

C'est un personnel discret, par déontologie, mais qui conserve de beaux souvenirs. Comme l'organisation des fiançailles surprise d'un client qui a voulu un dîner de fromages français dans un restaurant prestigieux. Le Pavillon Ledoyen ouvrit spécialement ce soir-là. Un quatuor à cordes assura la musique à la demande et une voiture avait été réservée pour suivre le couple qui rentrait à pieds ... au cas où la fatigue les aurait brutalement assaillis. Le lendemain l'heureux fiancé complimentait le concierge en lui annonçant qu'elle avait dit oui.C'était probablement poins romantique mais les amoureux auraient pu dîner sur place. Le Plaza dispose de plusieurs salles où se restaurer. A commencer par la Brasserie du Relais Plaza dans un décor arts déco depuis 1936. La salle à manger est une réplique de celle du paquebot le Normandie. Philippe Marc et sa brigade y travaillent 24 heures sur 24. Ce sont eux aussi qui préparent les plats servis en room-service. L'oeuf mollet est une de leurs nombreuses spécialités, à cuire 2 minutes dans une eau frémissante et immédiatement refroidi dans une eau glacée pour en stopper net la cuisson. Leur secret : une goutte de vinaigre blanc dans l'eau de cuisson.Difficile d'imaginer le nombre d'œufs cassés dans l'établissement où l'omelette à la truffe blanche est une des spécialités ... que nous avons eu l'honneur de partager ce matin. Quant aux œufs à la coque, ils sont prestement tranchés avec un "toc œuf" particulièrement efficace qui agit dans un mouvement de percussion et, parait-il, disponible dans les grands magasins.Le maitre mot des cuisiniers c'est d'arrondir les angles. Comme en atteste la photo ci-contre les légumes sont tournés avec un soin quasi maniaque puisque l'élégance de cette présentation n'a aucune incidence sur le gout. Il set certain qu'on n'aurait pas le temps chez soi de consacrer plusieurs heures à l'épluchage. On peut néanmoins retenir que le résultat sera incomparable si on sale au moment du braisage "pour sortir l'eau" et veiller à servir des légumes "cuits fondants".

Une des astuces facile à copier sera d'associer les couleurs. Si l'on a l'habitude d'employer la carotte, on pense moins à la betterave, qui est délicieuse si on se donne la (petite) peine de la cuire soi-même, 35 à 40 minutes dans une cocotte, et sur un matelas de gros sel, jusqu'à ce que sa peau se retire sans forcer, décollée sous l'effet de la chaleur.

Le "plus" incomparable de la haute-restauration est d'ajouter des raisins dans le glaçage des légumes ... raisins qui ont tout de même été lavés et séchés 5 heures durant dans un four à 85° et dont les pépins auront été retirés avec un trombone. On se situe dans le même degré d'exigence que la confiture de groseilles épépinées à la plume d'oie, spécialité lorraine de Bar-le-Duc, et gourmandise préférée d'Orson Welles dont j'ai entendu dire qu'il ne descendait que dans des hôtels lui en assurant un pot au petit déjeuner.

La qualité des produits est la première condition de l'excellence. Alain Ducasse y veille scrupuleusement et en toute transparence, allant même jusqu'à ouvrir son carnet d'adresses grandeur nature dans cette même cour jardin en avril 2010.

S'il est un endroit sur lequel le jugement est capital c'est bien le bar d'un grand hôtel. Celui du Plaza fait figure d'exception puisqu'il a reçu cette année, et pour la seconde fois depuis 2007, la distinction de meilleur bar au monde, ce dont Thierry Hernandez a toutes raisons d'être fier.

Ouvert de 18 heures à 2 heures du matin, et sans réservation, dans un décor combinant classicisme et contemporéanité, l'endroit est prisé par une clientèle à 80% extérieure à l'hotel, et comptant la moitié d'étrangers.

La carte existe en version papier mais c'est le format électronique qui est présenté en premier et qui permet de choisir d'une manière moderne et ludique, parmi le top ten de la maison ou de chercher une association plus originale.

Deux must se disputent la première place. D'abord la Rose royale dont le barman prépare mensuellement quelque 1500 verres. On traverse des océans m'a dit Thierry pour ce mélange de champagne et de coulis de framboises, associé à des ingrédients secrets.

Si vous le consommez en couple goutez le verre de votre "moitié", non pas pour en connaitre les pensées intimes mais pour tenter de percevoir la différence de breuvage, puisqu'il parait que celui ci est adapté à la personnalité de celui ou de celle à qui il est servi.

Le Black Mojito est un autre succès de la maison, devant sa couleur à une liqueur de mûres, un jus de ces mêmes baies et une vodka anglaise également noire. Untrait de citron, de la menthe et du soda complètent la recette.

L'établissement navigue entre tradition et innovation, n'hésitant pas à revisiter le B52 version solide malgré la difficulté, non pas à solidifier l'alcool, encore que, mais surtout d'en conserver le degré alcoolique au cours de l'opération.Ou encore à déstructurer les classiques, ici la Pina colada, présentée façon suhis. Les français se servent avec les doigts. seule la clientèle asiatique se risque à prendre les baguettes pour tremper les guimauves surmontées d'ananas confit dans l'une puis l'autre coupelle.
D'autres présentations insolites ont été mises au point. Le Bellini ice en est une illustration étonnante associant un esquimau conçu pour ne pas fondre immédiatement à sa sortie à l'air ambiant malgré son degré d'alcool. Vous aurez top chrono 10 à 15 minutes pour le savourer.

Les Duo cocktails ont leur part de surprise puisqu'à la moitié du verre, le barman apportera une sorte de cuillère spéciale pour infuser un ingrédient supllémentaire qui changera radicalement la couleur et le gout du breuvage. Ainsi le Hibiki Bliss (ci-contre), réalisé sur une base de whisky japonais exhalera d'abord l'osmanthus et le patchouli, puis, dans un second temps la rose de Turquie.

Des cocktails sans alcool figurent aussi à la carte, sous la dénomination de mocktails, au nombre de 4 et tout est au même prix, pour ne pas être un critère de choix. Sauf bien entendu si on demande une préparation particulière avec un alcool millésimé.

Tout est possible en respectant quelques principes : on ne mélange pas deux eau-de-vie de grain, on n'associe pas plus de 5 ingrédients, et on combine un alcool (pour donner du corps), une liqueur (pour le sucre et le parfum) et un jus ( pour le lien). Hormis cela il n'y a ni règles, ni proportions.

Pour accompagner, des olives en provenance d'arbres de plus de 600 ans, divers mélanges salés, et pourquoi pas des petites madeleines aux lives noires.

Thierry Hernandez s'empresse d'en faire la démonstration en shakant un Apple Martini composé de vodka, liqueur de pomme, jus de pome frais qu'il recommande de boire d'un trait, ... sinon cela n'a pas d'intérêt.L'animation était à son comble dans la cour en fin de matinée. Il reste plusieurs corps de métier à aborder, qui feront l'objet d'une seconde partie.

La pâtisserie bien sur,


Les arts de la table, évidemment


La sommellerie, avec quelques conseils donnés par de grands spécialistes. Et puis les trucs et astuces d'un personnel hautement qualifié, et toujours souriant.

Rendez-vous dans quelques jours ...

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