J'ai connu Murielle Magellan par les réseaux sociaux. Il serait d'ailleurs plus exact de dire qu'elle a fait ma connaissance bien avant que je ne la rencontre moi-même. J'avais remarqué qu'elle s'était abonnée à mon fil Twitter et j'étais étonnée de son intérêt. Son sourire accrocha mon regard au dernier Salon du livre. J'ai deviné une belle personnalité et j'ai voulu la découvrir.
J'ai vraiment été surprise d'être demeurée si longtemps éloignée d'elle et de celui qu'elle appelle l'homme slave dans son dernier roman, N'oublie pas les oiseaux. Preuve, s'il en faut, qu'il y a des chemins qui ne font que s'entrecroiser et d'autres qui poursuivent longtemps leurs trajets en lignes parallèles.
Ce livre est l'histoire d'un amour fou, d'un amour improbable et déraisonné, d'un amour comme on n'en vit peut-être qu'une seule fois. C'est le récit d'une vingtaine d'années auprès de Francis Morane, car c'est de lui qu'il s'agit, dont le nom est célèbre puisqu'il a signé la symphonie historique du château de Bidache, et de grandes mises en scène spectaculaires comme Starmania ou les fêtes du Bicentenaire de la Révolution.
Je ne savais pas qui il était. A ma décharge, je n'étais pas à Paris au moment de cette célébration. Et le théâtre que j'affectionnais alors était très éloigné de l'univers du grand spectacle... Peu importe, il n'est pas nécessaire d'avoir assisté à ces spectacles pour apprécier le livre de Murielle Magellan. Parce que, et c'est la caractéristique des grands auteurs, elle transmet au lecteur ce qu'il y a d'universel dans ce qu'elle a vécu.
Murielle n'a rien oublié. Plus les souvenirs sont anciens, plus ils sont vivants. Et si elle puise des extraits dans ses innombrables carnets de notes pour les placer en exergue du texte, un peu à la manière de didascalies, c'est pour donner un supplément de relief à des instants qui sont restés très nets. Comme le sont les évènements que l'on pressent exceptionnels avant même qu'ils se soient produits.
N'oublie pas les oiseaux, c'était une des petites phrases rituelles qu'il lui laissait en partant. Comme il aurait été trivial de lui écrire : pense au pain. Avec n'oublie pas les oiseaux l'homme slave ne déroge pas à son attitude. Il déplace et décentre le sujet principal, mais personne n'est dupe. Je le comprends comme une injonction silencieuse : pense à moi, ou plutôt pense à nous.
Et voilà cette petite phrase anodine qui accède au statut de titre d'un livre. La vérité éclate avec la légèreté d'un lâcher de ballons puisqu'il n'y a plus d'oiseaux depuis longtemps. La photo de la couverture évoque la liberté, celle qu'on se donne et celle qu'on accorde aux autres, quitte à devoir sacrifier une part de soi.
Murielle n'a rien oublié. Plus les souvenirs sont anciens, plus ils sont vivants. Et si elle puise des extraits dans ses innombrables carnets de notes pour les placer en exergue du texte, un peu à la manière de didascalies, c'est pour donner un supplément de relief à des instants qui sont restés très nets. Comme le sont les évènements que l'on pressent exceptionnels avant même qu'ils se soient produits.
N'oublie pas les oiseaux, c'était une des petites phrases rituelles qu'il lui laissait en partant. Comme il aurait été trivial de lui écrire : pense au pain. Avec n'oublie pas les oiseaux l'homme slave ne déroge pas à son attitude. Il déplace et décentre le sujet principal, mais personne n'est dupe. Je le comprends comme une injonction silencieuse : pense à moi, ou plutôt pense à nous.
Et voilà cette petite phrase anodine qui accède au statut de titre d'un livre. La vérité éclate avec la légèreté d'un lâcher de ballons puisqu'il n'y a plus d'oiseaux depuis longtemps. La photo de la couverture évoque la liberté, celle qu'on se donne et celle qu'on accorde aux autres, quitte à devoir sacrifier une part de soi.
La relation que Murielle a nouée avec Francis Morane est très particulière. Elle en raconte la joie de vivre, la beauté et les secousses au travers d'un roman très vivant, avec une sincérité qui force le respect, en unissant l'extrême audace à l'extrême pudeur comme l'aurait souligné Mauriac. A aucun moment je n'ai eu envie de porter un jugement, peut-être parce que j'avais entendu Murielle en parler avant de commencer à lire et que je connaissais l'issue. Tous les lecteurs l'apprendront dès les premières pages : Francis est mort en 2002 et le livre a été commencé dix ans plus tard, quand le travail de deuil était suffisamment accompli pour prendre une distance suffisante. J'ai pu l'écrire parce que j'étais guérie dira Murielle.
Il n'est pas question d'absoudre ou de condamner. L'auteure est très claire sur cette histoire où elle estime "avoir sa part" : une éducation centrée sur le mérite et le labeur avec la certitude que l'on n'obtient rien sans peine, et surtout une parfaite inaptitude à l'amour (p. 48).
Elle insiste sur le fait qu'elle était en quelque sorte prévenue car Francis lui avait dès le début "annoncé la couleur". Il n'était pas toxique, mais prévenant et valorisant et cela n'aurait pas de sens de parler de trahison. Il n'aurait pas pu vivre autrement. Mais cet homme là, elle le voulait, ne serait-ce qu'un peu (p. 69).
Au moment de la rupture (dont Murielle prend l'initiative) la réalité devient insupportable pour cet homme, muré dans son égoïsme et peut-être prisonnier de tourments qui n'ont rien à voir avec cette relation amoureuse. L'épreuve est terrible pour lui parce qu'il vient de subir un échec professionnel dont il sort dévitalisé.
Le moment est très difficile aussi pour Murielle qui ne comprend pas comment il peut accepter de rompre tout en voulant rester tout près (il lui fait cadeau d'un bracelet hors de prix (p. 238) dans une sorte de perversité et lui propose assez cruellement de lui racheter cette maison où il ont été si heureux et où il compte s'installer avec sa nouvelle compagne).
Il faut souligner que l'histoire a commencé il y a une trentaine d'années, à une époque où les rapports entre les hommes et les femmes n'étaient pas régis par les codes que nous connaissons aujourd'hui. On pouvait rester des heures coincé chez soi à attendre un hypothétique appel téléphonique. La technologie a accéléré les sentiments comme les exigences et beaucoup d'amours n'y survivent pas.
On ne s'ouvrait pas non plus aussi facilement de ses difficultés à un psy. Murielle aurait pu le faire, Francis en était incapable. Un ami médecin donnera une clé : c'est pas toi la question. il est en train de régler ses problèmes avec la mort. (p. 266)
Cette mort qui marchait dans son pas, comme elle l'écrit dès la première rencontre (p. 36) ne cessera de pointer le bout du nez. Murielle y est sensible comme à celle des oiseaux l'été qui suivit la naissance de l'enfant (p. 216).
Je l'écrivais plus haut, la force de ce roman (qui n'est pas un récit) es d'offrir au lecteur une réflexion dont il pourra tirer profit. On trouve une analyse très fine de l'importance (relative) de la fidélité, pourvu que l'un et l'autre soit d'accord avec les termes du contrat (p. 80), sur la mécanique affective de la dépendance (p. 106) sur l'expression de la jalousie et le détachement.
Murielle Magellan raconte aussi comment elle est devenue écrivain au fil du temps pour le théâtre et la télévision avant de devenir romancière. La maison d'Orgeval où elle s'est posée avec Francis a été un lieu décisif : c'était évidemment une maison pour écrire (p. 181).
Elle fait aussi à son enfant, leur enfant, le cadeau de cette histoire si forte qui est une magnifique déclaration d'amour. Là encore le doute n'est pas permis. Il est probable qu'être le fils de Francis Morane n'est pas un héritage facile, à l'instar de ce que lui-même a recueilli de son père.
Murielle nous le montre avec humour mais il est certain que ce roman était autant nécessaire à son envol qu'à celui du fils.
Il n'est pas question d'absoudre ou de condamner. L'auteure est très claire sur cette histoire où elle estime "avoir sa part" : une éducation centrée sur le mérite et le labeur avec la certitude que l'on n'obtient rien sans peine, et surtout une parfaite inaptitude à l'amour (p. 48).
Elle insiste sur le fait qu'elle était en quelque sorte prévenue car Francis lui avait dès le début "annoncé la couleur". Il n'était pas toxique, mais prévenant et valorisant et cela n'aurait pas de sens de parler de trahison. Il n'aurait pas pu vivre autrement. Mais cet homme là, elle le voulait, ne serait-ce qu'un peu (p. 69).
Au moment de la rupture (dont Murielle prend l'initiative) la réalité devient insupportable pour cet homme, muré dans son égoïsme et peut-être prisonnier de tourments qui n'ont rien à voir avec cette relation amoureuse. L'épreuve est terrible pour lui parce qu'il vient de subir un échec professionnel dont il sort dévitalisé.
Le moment est très difficile aussi pour Murielle qui ne comprend pas comment il peut accepter de rompre tout en voulant rester tout près (il lui fait cadeau d'un bracelet hors de prix (p. 238) dans une sorte de perversité et lui propose assez cruellement de lui racheter cette maison où il ont été si heureux et où il compte s'installer avec sa nouvelle compagne).
Il faut souligner que l'histoire a commencé il y a une trentaine d'années, à une époque où les rapports entre les hommes et les femmes n'étaient pas régis par les codes que nous connaissons aujourd'hui. On pouvait rester des heures coincé chez soi à attendre un hypothétique appel téléphonique. La technologie a accéléré les sentiments comme les exigences et beaucoup d'amours n'y survivent pas.
On ne s'ouvrait pas non plus aussi facilement de ses difficultés à un psy. Murielle aurait pu le faire, Francis en était incapable. Un ami médecin donnera une clé : c'est pas toi la question. il est en train de régler ses problèmes avec la mort. (p. 266)
Cette mort qui marchait dans son pas, comme elle l'écrit dès la première rencontre (p. 36) ne cessera de pointer le bout du nez. Murielle y est sensible comme à celle des oiseaux l'été qui suivit la naissance de l'enfant (p. 216).
Je l'écrivais plus haut, la force de ce roman (qui n'est pas un récit) es d'offrir au lecteur une réflexion dont il pourra tirer profit. On trouve une analyse très fine de l'importance (relative) de la fidélité, pourvu que l'un et l'autre soit d'accord avec les termes du contrat (p. 80), sur la mécanique affective de la dépendance (p. 106) sur l'expression de la jalousie et le détachement.
Murielle Magellan raconte aussi comment elle est devenue écrivain au fil du temps pour le théâtre et la télévision avant de devenir romancière. La maison d'Orgeval où elle s'est posée avec Francis a été un lieu décisif : c'était évidemment une maison pour écrire (p. 181).
Elle fait aussi à son enfant, leur enfant, le cadeau de cette histoire si forte qui est une magnifique déclaration d'amour. Là encore le doute n'est pas permis. Il est probable qu'être le fils de Francis Morane n'est pas un héritage facile, à l'instar de ce que lui-même a recueilli de son père.
Murielle nous le montre avec humour mais il est certain que ce roman était autant nécessaire à son envol qu'à celui du fils.
N’oublie pas les oiseaux de Murielle Magellan chez Julliard, janvier 2014
A signaler que le roman figure dans la sélection pour le Prix Orange du livre 2014 et que Murielle Magellan co-signe la prochaine comédie d’Audrey Dana Sous les Jupes des Filles, qui sortira au cinéma le 4 juin 2014
Le livre est sorti format poche aux éditions Pocket le 4 février 2016
2 commentaires:
J ai hâte de lire ce livre.j ai connu Francis de 1974 à 2001.
Personnage hors du commun!!
Et moi hâte d'avoir votre avis après lecture
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