Le week-end est décidément très festif. Après le Before de vendredi soir, les visites, ateliers et rencontres de samedi, c'est aujourd'hui une cérémonie du thé qui est proposée au Café Branly, toutes les demi-heures de 15h à 18h, et que je prolongerai par une sieste acoustique.
Véritable institution en Chine, le thé n'a pas le statut de simple boisson d'agrément. C'est, à l'instar des grands vins français, autant un art qu'un fleuron de la gastronomie, qui a sa place dans l'exposition les Séductions du Palais, sous-titrée cuisiner et manger en Chine. Le thé se déguste également en toute convivialité. Le musée du Quai Branly a convié un spécialiste du thé pour initier les visiteurs dans la découverte de cette cérémonie du thé telle qu’elle est pratiquée en Chine, et dont l'aboutissement fut une séance de dégustation pour tous.
La préparation des instruments est un préalable essentiel. Le matériel également. Il faut une table spéciale munie d'un écoulement des eaux mais on se satisfera chez soi d'une pierre d'évier. La théière est individuelle et plutôt petite, toujours, et on prévoit un pot pour y verser le thé après infusion. La tasse ou le bol seront affaire de goût. Nous eûmes ici des bols de dégustation de petite taille.
On chauffe la théière en l'ébouillantant. On casse un petit morceau de la brique de thé. On y place alors une quantité généreuse de feuilles et on attend quelques instants pour qu'elles se tempèrent. L'importance de la dose permet de concentrer les arômes. On hydrate une fois et on jette l'eau aussitôt. On reverse de l'eau bouillante jusqu'à débordement avant de poser le couvercle. On arrose aussitôt la théière pour maintenir la température la plus élevée possible. Vous comprendrez mieux l'importance du réchaud à proximité, et d'une belle quantité d'eau de source.
Le temps d'infusion est plutôt court par rapport à ce qui se pratique classiquement. Et le pot (blanc) recueille la boisson pour éviter qu'elle n'infuse trop longtemps. Si la méthode a son importance, c'est néanmoins le thé qui est le plus essentiel. Le maitre de cérémonie avait apporté un Kang Zhuan, un thé du Setchouan, typique de la Chine du Sud. Son histoire est très importante pour expliquer ses propriétés aromatiques.
Dans le sud de la Chine on millésime les thés. Celui-ci est né en 1992. Une fois ses feuilles préparées il a voyagé jusqu'au Tibet. Il a passé une vingtaine d'années dans un monastère à plus de 4000 mètres d'altitude, donc en atmosphère sèche et froide, pauvre en oxygène. Ce sont les conditions de stockage qui déterminent son arôme, ou plutôt ses arômes.
Autrefois les briques de thé, de 500 grammes chacune, étaient rassemblées par 20 dans des nattes pesant 10 kilos et noués entre elles. Ces charges de plus de 100 kilos voyageaient à dos d'homme, et à pieds jusque vers les monastères.
La boisson est très claire, très limpide. Nous sommes invités à oublier nos repères habituels pour la découvrir à l'instar d'une liqueur.
Les accents forestiers sont tout de suite perceptibles, avec des notes automnales de champignons, évoquant la girolle fraiche et la morille séchée, le bois ciré, la pierre chauffée au soleil après la pluie.
La finale est sucrée avec un léger parfum de bâton de réglisse. Aucune amertume ni astringence. La dominante est minérale comme les soirs d'orage que la capitale parisienne connait depuis quelques jours. Et plus on infuse les mêmes feuilles (jusqu'à 7 fois) plus les notes sucrées se développeront. Ainsi 4 grammes suffiront pour obtenir 1 litre à 1 litre et demi de thé, ce qui relativise l'investissement de départ. C'est une boisson très faible en théine qui peut se consommer à longueur de journée. Difficile de regretter le "surdosage" initial.
Si vous avez manqué cette initiation vous pouvez toujours vous rendre à la Maison des Trois thés avec qui cette après-midi était organisée. Des séances sont régulièrement programmées dans leur cave à thés qui est tout de même la plus grande cave à thés au monde ... Qui aurait cru qu'elle pouvait être française ? La M3T est une véritable institution dans laquelle on pénètre après avoir sonné à la porte, comme chez les diamantaires.
3 T comme Taiwan, Thé et Tseng, du nom de la propriétaire, Maître Yu Hui Tseng, unique femme maitre-thé au monde, et d'une expertise sans égal ... Certains de ses thés ont fait l'objet d'une vente aux enchères chez Artcurial en décembre dernier pour plusieurs dizaines de milliers d'euros.
Par contre les siestes électroniques se poursuivent tous les dimanches du mois de juillet, de 16 à 18 heures, dans le jardin du musée pour des DJ sets à écouter "à l'horizontale" ... ou, rassurez-vous, en intérieur si la météo est aléatoire comme aujourd'hui. Inutile de prévoir un coussin, vous en trouverez sur place.
Hicham Chadly (à gauche sur la photo) commença à 16 heures avec une play-list où il glissa du raï et des ambiances sonores enregistrées dans les rues du Caire.
Alan Bishop, fondateur du label Sublime Frequencies, prit la relève à 17 heures et tourna nos oreilles vers l'Asie du Sud-Est.
Le Quai Branly offre aussi une série de jardins où il est très dépaysant de se promener, et bien sûr toujours ses jardins verticaux créés par Patrick Blanc.
Et toujours aussi l'exposition Les Maitres du désordre jusqu'à la fin du mois.
Maison des Trois Thés, 1 rue Saint-Médard 75005 Paris, tel 01 43 36 93 84
du mardi au dimanche, de 11 heures à 19 heures 30, dégustation de 14 à 18 heures 30
1 commentaire:
article génial. plein d'infos et super intéressant
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