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lundi 24 septembre 2012

Monsieur Lazhar, un film formidable de Philippe Falardeau

A Montréal, Bachir Lazhar, immigré algérien, se fait embaucher au pied levé pour remplacer une enseignante disparue subitement et tragiquement. Il apprend peu à peu à connaître et à s’attacher à ses élèves malgré le fossé culturel qui se manifeste dès la première leçon. Pendant que la classe amorce un lent processus de guérison, personne à l’école ne doit soupçonner le passé douloureux de Bachir, qui risque l’expulsion du pays à tout moment.

Troix prix, quatre nominations, dont celle du Meilleur film étranger aux derniers oscars, Monsieur Lazhar est un petit bijou qu'on regretterait d'avoir loupé. Quelques dialogues vaudront mieux que les explications et éloges que je ferai ensuite :

Philippe Falardeau a travaillé en étroite collaboration avec l'auteur de la pièce de théâtre qui a inspiré le film, Evelyne de la Chenelière, à qui il a donné un petit rôle. Elle interprète la mère d'Alice, la chouchoute du prof, comme l'enfant le dit elle-même. Le scénario a été étoffé pour le cinéma en développant davantage les personnages secondaires. Mais, chose suffisamment rare pour être soulignée, on ne se sent pas dans un huis-clos comme souvent quand on adapte le théâtre au grand écran.
Pour être un immigré crédible il fallait un comédien d'origine maghrébine, ce qui, au Canada, n'existe tout simplement pas. C'est donc en France qu'on est venu chercher ... Fellag, actuellement au théâtre du Rond-Point avec Petit choc des Civilisations. Cet humoriste aborde la plupart du temps un registre plus "sérieux" voire tragique, au cinéma. Je me souviens de lui dans Dernier étage, gauche, gauche il y a deux ans.

Fellag est donc ici Bachir Lazhar, un homme qui cherche avant tout à s'intégrer, comme n'importe qui. Le cinéaste explique que son protagoniste est avant tout une métaphore de l'altérité, un homme qui cherche des solutions non pas dans la religion ou dans la morale, ni même dans ses références culturelles au sens "ethnique", mais dans une filiation de l’enseignement, dans notre rapport commun à la langue française et à la littérature, puis dans l’acte fondamental de communiquer.

La langue française occupe une importance capitale parce que sa maîtrise fait office de valeur identitaire, et que ce savoir est justement en partie véhiculé par le corps enseignant, que Bachir vient de rejoindre. A travers Monsieur Lazhar, le cinéaste a voulu faire passer un message qu'il exprime ainsi : "Je considère que l’enseignement est un acte de résistance. Pour moi, les enseignants font partie des héros modernes. C’est plus une ode à cela qu’une critique du système d’enseignement." En ce sens ce n'est pas un Entre les murs ou un Detachment de plus même si le cinéma de Philippe Falardeau est social et positionné politiquement.

Outre la question de l'intégration le scénario traite de la codification des rapports entre les enfants et les adultes en milieu scolaire. Et il est intéressant aussi de voir comment cette question est abordée au Canada. 
Les enfants sont étonnants dans leur jeu. On est également surpris de constater comme l'intégration d'un enfant à "besoin particulier" comme on dirait chez nous, est fait outre atlantique. Avec énergie, délicatesse et humour. Le jour de la prochaine photo de groupe nous ne dirons plus ouistiti mais Bachir nous aussi.

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