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vendredi 24 octobre 2014

Marie d’en haut d’Agnès Ledig

Ce premier roman avait été récompensé par le coup de cœur des lectrices du Prix Femme actuelle. Le second, Juste avant le bonheur, paru en 2013 chez Albin Michel a remporté le Prix Maison de la Presse (lien en fin d'article sur la critique que j'en avais faite en mai 2013).

Agnès Ledig l'écrit en préambule Les enfants, c’est la vie. Elle campe deux personnages principaux. Le premier est le lieutenant Olivier Delombre, fondamentalement binaire, qui catégorise tout  de manière catégorique : zéro ou un. Marie est différente, inclassable et Olivier ne sait pas où la ranger ... au cours d’un premier face-à-face qui rend la virgule envisageable. (p.19) Quant à elle il serait un parpaing fourré à la frangipane. (p.26)

L’un et l’autre sont fragiles et blessés. Lui capable de chialer sur Cabrel et ses chevaliers cathares, une chanson qui, soit dit en passant ne m'émeut pas plus que ça. Ils n’ont que sept siècles d’histoire … et des charniers géants. (p. 101)

Phobique des araignées, il tombe bien avec cette femme dont le chien dévore ces petites bêtes avec délectation. Elle a le chic pour composer poésies, alexandrins et haikus. Il n'est heureux que sur son vélo et dans ses cahiers à dessin. C'est pas de chance d'être policier quand on a un tel coup de crayon.

La seconde rencontre est musclée. La frêle Marie terrasse le dur à cuire et le ligote pour l’empêcher de nuire … Ses multiples demandes (implorations) de pardon le rendent attachant à peine détaché. (p. 58) C'est que si la belle n’a pas un sale caractère, elle a du caractère. (p. 149)
Agnès Ledig a tricoté un récit choral qui permet au lecteur de se glisser dans la psychologie de chacun des personnages.

Mémé me disait qu’on ne peut pas refuser les excuses de quelqu’un, quand elles sont sincères. Il faut les utiliser comme une éponge humide sur le tableau noir et se laisser la chance de réécrire une autre leçon. (p. 67)


Pour la troisième rencontre il apportera un Cabernet d’Anjou Vendanges tardives.

Il n’y a pas que les vaches dans la vie (et Suzie). Le paysan est aussi comptable, secrétaire, météorologue, mécanicien, botaniste, tout ça pour une bouchée de pain. P. 166-167 on peut lire deux pages terribles sur la condition agricole qui rendent limpides les motivations du gars qui s’est pendu dans sa grange parce que c’est trop dur de boucler les fins de mois ou de vivre seul, ou les deux.

L'auteur ne nous épargne pas les difficultés : un vélage difficile comme un accouchement en bétaillère. On apprend les vertus du colostrum qui fait des miracles à de multiples reprises.

C'est surtout un roman psychologique sur les diverses dimensions de l'amour filial, que l'on soit le père biologique ou pas. A cet égard, Antoine, le parrain, a peur que Suzie l’oublie un peu parce qu’Olivier est là, et Olivier a peur de ne pas trouver sa place parmi eux (p. 224). C’est parce qu’ils sont fragiles que les hommes ont besoin de bomber le torse pour se rassurer … dit Marie. Ne serait-elle pas gentiment misanthrope ? Avec en tout cas un coté un peu vieille France malgré un tempérament de feu.


Elle a gardé ce qu’elle aimait de l’époque de ses grands-parents, en y ajoutant le progrès qui leur faisait défaut. (p. 188)


C'est aussi un roman qui nous parle des combats intérieurs, lesquels sont exacerbés quand on se sent prisonnier entre sa conscience et ses désirs. A force de voir la pluie tomber on se dit que le soleil est une vue de l’esprit (p. 230). Incroyable cette capacité qu’a l’homme de douter de son rêve quand il le réalise.

Le rêve est à portée de mains grâce à une somme d'argent qui tombe du ciel. Marie l'acceptera-t-il ? Se laissera-t-elle convaincre par les arguments d'Olivier : L’argent n’a ni odeur ni émotion. C’est juste un bête outil qui permet de vivre, d’échanger, d’acheter et de vendre. (p. 244)

Vu sous cet angle l’argent est une chance. On a tous nos blessures, et si on ne prend pas un peu soin les uns des autres, comment on fait pour guérir ? (p. 245)

Arrivent les projets, les enfants, un décès encore, mort in utero, mort dans l’âme. On ne s’en remet jamais. On se relève mais on reste marqué par la chute. On boite. (p. 297)

Trente ans passent. La fin, le cancer du sein, génétique, les livres de Elisabeth Kübler-Ross, et autres témoins de leur "near death experience" puisque, dit-elle, les femmes enceintes lisent bien des livres sur l’accouchement… (p. 310) Suivent quelques pages magnifiques encore pour dire le chagrin force dix.

Olivier fera imprimer un livre de haikus qu’il illustrera : il restera une trace de son cœur et de tes mains.

Antoine restera le confident, le psy, le matelas moelleux pour les soirs de chagrin. L'auteur le compare à Amma, cette Indienne qui a déjà serré dans ses bras 26 millions de personnes (p. 312).

J'ai beaucoup aimé ce livre que j'ai trouvé très fort pour un premier. Le second ne dément pas le talent d'Agnès Ledig.

Amusant, la couverture du second livre est encore un enfant, un garçon cette fois. Il a reçu le Prix en mai 2013 et je l'avais beaucoup apprécié.

Marie d’en haut d’Agnès Ledig, éditions Les Nouveaux Auteurs, Prisma Presse, 2011

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