On a beaucoup parlé de l'Amour et les forêts d'Eric Reinhardt, publié chez Gallimard à la dernière rentrée. Moins, me semble-t-il de Pars avec lui, le dernier roman d'Agnès Ledig, qui se trouve en librairie depuis Octobre 2014.
C'est le même thème qui en compose la trame, la violence conjugale exercée par un pervers narcissique sur son épouse démunie, mais fine et intelligente.
Le sujet n'est plus tabou, du moins dans la littérature et les ravages d'une telle relation commencent à être connus, ce qui ne veut pas dire que les victimes puissent encore parvenir à sortir de la situation d'emprise. Il était aussi au coeur de Histoire naturelle, de Nina Leger, chez Lattès que j'avais plébiscité et qui, depuis, a été primé au Salon du premier roman de Draveil (91). L'approche était malgré tout différente puisqu'il s'agissait d'une perverse narcissique qui exerçait sa domination dans le milieu professionnel.
Je n'ai guère envie de m'appesantir sur le livre d'Eric Reinhardt, auteur médiatique, ultra reconnu, et pour cause d'ailleurs. Je l'ai lu d'une manière peu conventionnelle, à environ 75%, et dans le désordre. Parce que cette lecture est souvent insoutenable pour qui connait ce mode de relation. Je me suis interrogée sur les motivations de l'auteur. Cherchait-il à produire "simplement" un roman ou à dénoncer quelque chose ?
Celles d'Agnès Ledig sont parfaitement limpides.
Elle exerce le métier de sage-femme libérale en Alsace. En 2011, son premier roman, Marie d'en haut, a connu un succès immédiat. Ce fut le coup de cœur du Grand prix des lectrices de Femme Actuelle. En 2013, Juste avant le bonheur a obtenu le prix Maison de la Presse et est entré dans la catégorie des best-sellers (160 000 exemplaires vendus en France).
D'ouvrage en ouvrage, Agnès Ledig se focalise sur les mêmes valeurs un peu à l'instar de celles que défend Martin Winckler, notamment dans le Choeur des femmes. On trouvera la comparaison logique : tous deux exercent dans le milieu médical. Ils défendent les mêmes idées à propos de l'avortement, ou de l'implant comme moyen contraceptif. Il y a quelque chose de l'ordre du militantisme dans leurs romans, car ce sont bien de romans qu'il s'agit, et remarquablement écrits qui plus est.
Il y a du fonds (et pas de l'anecdote) et de la forme. Agnès déroule un même mode opératoire. On retrouve avec Pars avec lui des personnages blessés, au sens propre comme au sens figuré d'ailleurs. Le héros masculin était policier dans le premier. Il est pompier dans le dernier. Les jeunes femmes ont du caractère et elles n'ont pas été ménagées dans leurs premières années de vie d'adulte.
Il y a du fonds (et pas de l'anecdote) et de la forme. Agnès déroule un même mode opératoire. On retrouve avec Pars avec lui des personnages blessés, au sens propre comme au sens figuré d'ailleurs. Le héros masculin était policier dans le premier. Il est pompier dans le dernier. Les jeunes femmes ont du caractère et elles n'ont pas été ménagées dans leurs premières années de vie d'adulte.
Les paysages ont un rôle d'apaisement. La fin est toujours heureuse même si les dégâts qui ont été constatés laissent des cicatrices. L'auteur martèle un message qui est devenu sa philosophie de vie. Elle parle en son nom dans une sorte de prologue : L'amour sans respect n'est pas l'amour. En prendre conscience et le fuir ne constitue ni un échec, ni même une défaite, mais une grande, une très grande victoire.
Elle place des termes semblables dans la bouche de Malou, la grand-mère à la fin du roman : Promets-moi de toujours te respecter et te faire respecter, de vivre de belles choses et de fuir ce qui ne te fait pas de bien.
Le respect c'est ne pas accepter d'être dévalorisé(e) par son conjoint, son patron, par quiconque. Cette injonction devrait entrer dans le crâne de tous les parents ... en lieu et place de sois belle, sois sage et tais-toi.
Il n'y a aucun hasard dans la vie (p. 215). Nous sommes la somme de nos choix.
On comprend alors pourquoi elle alerte le lecteur en affirmant que se poser en victime n'est pas une solution. Mais ce qui est aussi clairement démontré c'est que personne ne peut y parvenir tout seul. L'auteur fait une nouvelle fois explicitement allusion à la compassion par l'étreinte (le Free Hug) qui devrait entrer dans le référentiel du métier d'infirmière, parce qu'on soigne un corps qui abrite une âme (page 21), tout en soulignant le risque de l'attachement qu'elle mentionne en lettres capitales. Elle recommande (page 157) de remarquer trois jolies choses de la journée qui m'ont immédiatement fait penser aux 3 kifs par jour de Florence Servan-Schreiber.
Et surtout, surtout, elle préconise d'écouter la voix intérieure à l'instant où elle suggère pars avec lui dès qu'un ange croise sa route comme le chante de Palmas (page 334). Qu'on soit une jeune fille comme Vanessa (page 308) ou une femme comme Juliette (page 322).
Agnès Ledig connait bien les choses de la vie. Elle les vit au quotidien dans l'exercice de sa profession et elle n'a pas été épargnée elle-même, ce qui a déclenché le processus d'écriture. La lire provoque un double effet. D'abord un plaisir de lecture parce que les trames sont bien ficelées. Je n'insiste pas sur ce point mais vous pouvez me faire confiance. Il y aura forcément parmi Roméo et Juliette, Guillaume et Vanessa, Jean et Malou un couple dans lequel vous aurez envie de vous identifier. Au pire ce sera dans Babette ou Alexandre, ces amis qui sont des personnages secondaires, littérairement parlant, que vous vous reconnaitrez.
On n'a pas besoin d'une mère, on a besoin de l'amour d'une mère (page 258) et il est plus que sous-entendu que cette affection peut être délivrée par quelqu'un d'autre, pourvu qu'on soit en état de la recevoir. Agnès Ledig n'est pas à proprement parler donneuse de leçons. Elle dépeint admirablement l'aveuglement de la femme sous influence victime de violences conjugales sans (surtout pas) explorer le ressort psychologique du conjoint, ou alors à peine en glissant qu'il ne supporte pas que sa victime se détache et faire (presque) ressentir une pointe de culpabilité (page 323). Elle met l'espoir en scène et cela fait un bien fou. Elle est rassurante en pointant qu'on apprend la vie toute sa vie.
Son analyse de l'égalité des sexes est rafraichissante dans la bouche de la très jeune Vanessa : C'est de la foutaise. On a besoin qu'on nous tienne la porte, parce que, quand on nous tient la porte, ça veut dire qu'on nous lâchera pas la main au premier coup de vent. (page 202)
Elle place des termes semblables dans la bouche de Malou, la grand-mère à la fin du roman : Promets-moi de toujours te respecter et te faire respecter, de vivre de belles choses et de fuir ce qui ne te fait pas de bien.
Le respect c'est ne pas accepter d'être dévalorisé(e) par son conjoint, son patron, par quiconque. Cette injonction devrait entrer dans le crâne de tous les parents ... en lieu et place de sois belle, sois sage et tais-toi.
Il n'y a aucun hasard dans la vie (p. 215). Nous sommes la somme de nos choix.
On comprend alors pourquoi elle alerte le lecteur en affirmant que se poser en victime n'est pas une solution. Mais ce qui est aussi clairement démontré c'est que personne ne peut y parvenir tout seul. L'auteur fait une nouvelle fois explicitement allusion à la compassion par l'étreinte (le Free Hug) qui devrait entrer dans le référentiel du métier d'infirmière, parce qu'on soigne un corps qui abrite une âme (page 21), tout en soulignant le risque de l'attachement qu'elle mentionne en lettres capitales. Elle recommande (page 157) de remarquer trois jolies choses de la journée qui m'ont immédiatement fait penser aux 3 kifs par jour de Florence Servan-Schreiber.
Et surtout, surtout, elle préconise d'écouter la voix intérieure à l'instant où elle suggère pars avec lui dès qu'un ange croise sa route comme le chante de Palmas (page 334). Qu'on soit une jeune fille comme Vanessa (page 308) ou une femme comme Juliette (page 322).
Agnès Ledig connait bien les choses de la vie. Elle les vit au quotidien dans l'exercice de sa profession et elle n'a pas été épargnée elle-même, ce qui a déclenché le processus d'écriture. La lire provoque un double effet. D'abord un plaisir de lecture parce que les trames sont bien ficelées. Je n'insiste pas sur ce point mais vous pouvez me faire confiance. Il y aura forcément parmi Roméo et Juliette, Guillaume et Vanessa, Jean et Malou un couple dans lequel vous aurez envie de vous identifier. Au pire ce sera dans Babette ou Alexandre, ces amis qui sont des personnages secondaires, littérairement parlant, que vous vous reconnaitrez.
On n'a pas besoin d'une mère, on a besoin de l'amour d'une mère (page 258) et il est plus que sous-entendu que cette affection peut être délivrée par quelqu'un d'autre, pourvu qu'on soit en état de la recevoir. Agnès Ledig n'est pas à proprement parler donneuse de leçons. Elle dépeint admirablement l'aveuglement de la femme sous influence victime de violences conjugales sans (surtout pas) explorer le ressort psychologique du conjoint, ou alors à peine en glissant qu'il ne supporte pas que sa victime se détache et faire (presque) ressentir une pointe de culpabilité (page 323). Elle met l'espoir en scène et cela fait un bien fou. Elle est rassurante en pointant qu'on apprend la vie toute sa vie.
Son analyse de l'égalité des sexes est rafraichissante dans la bouche de la très jeune Vanessa : C'est de la foutaise. On a besoin qu'on nous tienne la porte, parce que, quand on nous tient la porte, ça veut dire qu'on nous lâchera pas la main au premier coup de vent. (page 202)
Pars avec lui, Agnès Ledig, Albin Michel, en librairie depuis Octobre 2014
Le livre est sorti en éditions de poche chez Pocket le 7 avril 2016
1 commentaire:
bonjour Agnès, je ne sais si vous allez lire mon commentaire...
je viens de finir votre livre PARS AVEC LUI (bibliothèque de PLOUGONVELIN°..)
Suis touché par ce livre car la "violence et le despotisme conjugal" existe plus qu'on ne le pense, du côté féminin et masculin, je suis bien placé pour le savoir..C'est bien d'avoir des livres pour nous conseiller et de trouver une lumière dans les nuages... merci
Vous avez certainement souffert aussi de la Vie pour écrire cela.
Bonne route good luck "chanz vad deoc'h) -en breton-
Hervé du bout du monde -Finistère-
ps..le pont des Suicides de Brest est sécurisé.. c'est fini (heureusement) kenavo
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