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jeudi 29 septembre 2016

Petit pays de Gaël Faye

Petit pays est un immense succès de librairie et d'estime. On parle de Gaël Faye pour le Goncourt. Personne ne peut être insensible à la trame du roman, inspirée par le génocide rwandais.

C'est un sujet qui est connu, notamment par le livre de Jean Hatzfeld, Dans le nu de la vie – Récits des marais rwandais, et par des spectacles comme Igishanga où Isabelle Lafon était prodigieuse en 2011.

Plusieurs artistes en ont parlé avec des mots touchants à commencer par Stromae (Tutsi par son père, mort au Rwanda en 1994) qui a beaucoup de points communs avec Gaël Faye, lui aussi musicien.

L'écrivain se défend d'avoir écrit un récit autobiographique même si le prénom de son petit héros ressemble énormément au sien. C'est un atout que d'avoir transposé la trame dans le cerveau d'un enfant, même si ce n'est pas très original. Je pense en particulier à Sothik de Marie Desplechin à propos d'une autre guerre civile, cette fois cambodgien.

En 1992, Gabriel, dix ans, vit au Burundi avec son père français, entrepreneur, sa mère rwandaise et sa petite sœur, Ana, dans un confortable quartier d’expatriés. Gabriel passe le plus clair de son temps avec ses copains, une joyeuse bande occupée à faire les quatre cents coups. Un quotidien paisible, une enfance douce qui vont se disloquer en même temps que ce "petit pays" d’Afrique brutalement malmené par l’Histoire. Gabriel voit avec inquiétude ses parents se séparer, puis la guerre civile se profiler, suivie du drame rwandais. Le quartier est bouleversé. Par vagues successives, la violence l’envahit, l’imprègne, et tout bascule. Gabriel se croyait un enfant, il va se découvrir métis, Tutsi, Français…

Lorsqu'il présente son livre, Gaël Faye explique que, contrairement à son personnage, il n'avait pas de conscience politique au moment des faits. On peut croire qu'elle s'est formée au fil du temps et des rencontres. Sa belle-famille est très impliquée dans la traque des génocidaires qui ont tenté de se faire oublier et de recommencer une nouvelle vie à l'étranger, en particulier en France.

Tout ce qui concerne le génocide est terrible, de toute évidence. Le génocide est une marée noire. Ceux qui ne s'y sont pas noyés sont mazoutés à vie (p. 185). Cependant le livre comporte de très belles pages qui font palpiter le coeur de l'Afrique. On imagine quelles couleurs et quelles odeurs y dominent, ce dont on ne parle jamais en Occident, et la joie pure des enfants vivant loin de la société de consommation sans être pour autant des petits anges. Il nous les montre volant des mangues à la voisine pour mieux les lui revendre ensuite. Et il n'hésite pas à dénoncer des pratiques violentes comme la scène de la circoncision. Quant à la description des journées "ville morte" qui s'infiltrent à la moitié du roman, elle font froid dans le dos.

Quand il ne court pas d'interview en interview Gaël Faye vit aujourd'hui au Rwanda, le pays de sa mère, un pays jeune de 22 ans, qui se relève grâce à une résilience extraordinaire alors que, l'Histoire est cruelle, le Burundi voisin, ce petit pays d'Afrique des Grands Lacs traverse une période de troubles.

Avant d'être le titre d'un roman ce fut celui d'une chanson, composée et interprétée par l'auteur qui n'a pas renoncé à ses ambitions de musicien. Il reviendra à la chanson au Café de la danse avec un nouvel album le 15 novembre prochain.

Petit pays de Gaël Faye, chez Grasset, en librairie depuis le 24 août 2016. Prix du roman Fnac 2016

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