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mercredi 4 avril 2018

Un déjeuner au Layon, 139 rue du Château, 75014 Paris

J'adore découvrir de nouveaux lieux, non pas parce qu'ils sont nouveaux mais parce que c'est là que j'ai le plus le sentiment de faire quelque chose de vraiment utile ... à condition bien entendu que je sois enthousiaste (au "pire" je n'écris rien), ce qui est largement le cas pour ce Layon situé 139 rue du Château dans le 14ème arrondissement, tout près de la maison où j'ai habité une dizaine d'années.

Deux passionnés y ont établi leur quartier en osant une association qui sorte des sentiers battus ... tout en choisissant pile un intitulé qui évoque ce chemin particulier, un petit sentier forestier.

Candyce Piotin, la parisienne, officie en salle et Phildera Diazabakana, le normand, est aux fourneaux. La première a exercé dans le luxe et est tombée en amour pour les vins. Le second est passé par l'école Auguste Escoffier, a fait escale au Citrus Etoile et chez la Mère Catherine, et ne sent pas de grandes limites à son inspiration.

Tous deux respectent la cuisine française qu'ils n'ont de cesse de dynamiser avec un ou deux ingrédients inattendus. Leur cuisine est un voyage que tout le monde a apprécié unanimement ce midi. Le restaurant affichait complet, et visiblement avec un certain nombre d'habitués.

Phildera est très soucieux de ménager la surprise. Ne comptez pas choisir en fonction de ce que vous voyez dans l'assiette de votre voisin. Le midi c'est possible mais le soir, deux tables proches ne recevront pas les mêmes plats. Ça implique la confiance mais c'est très malin. Hormis les obsessionnels qui mangent toujours la même chose (j'en connais, quelle tristesse) rien n'est plus agréable que d'être étonné.
Je connais le jus d'hibiscus. J'aurais pu me dispenser de goûter celui que la maman de Phildera prépare. Je me serais privée d'un réel plaisir. On sent la vanille et je parierais qu'il contient de la grenade. Il est excellent.
Le duo sait s'adapter à la clientèle, mais sans précipitation ni effet de mode. La musique est jazzy, plutôt douce, respectant les conversations. On prend le temps ici. La preuve, la pendule est encore à l'ancienne heure. Les codes sont brouillés.  Les plateaux de bois sont robustes. Il n'y a pas de nappe mais les serviettes sont en tissu. La décoration est raffinée. Le cuivre s'accorde au wax qui devient oeuvre d'art et garnit les corbeilles de pain, lequel vient de Thévenin, un boulanger installé dans la rue voisine, rue Daguerre, Porte d'Orléans, et à Saint Placide. Le pain blanc côtoie le pain aux graines, pour que le client choisisse selon sa préférence. Les deux relèvent de la gourmandise.

J'ai entendu dire que la cuisine du Layon était exotique. Elle est d'abord très française. Celui qui veut absolument un qualificatif devra se satisfaire du terme "néo-bistrot". Mais venons-en à ce que j'ai vu dans les assiettes.

L'entrée Terre et mer est osée, artistiquement dressée quoique sans chichi, gustativement très réussie. Candyce expliquera à chacun l'association : andouillette de canard, seiche rôtie, sur une purée d'artichaut. La seiche est mi-croquante, mi-fondante. Les chips d'artichaut apportent une note sucrée. La sauce tonato-câpres un peu d'amertume. On se laisse convaincre par sa suggestion de l'accompagner d'un verre d'AOP Tursan, Carpe Diem, Domaine Cazalet 2016, qui est un vin blanc des Landes produit avec le cépage Baroque. Sa minéralité est agréable.
Dans la salle du fond c'est la Crème tiède de carotte veloutée qui a la préférence et qui est servie avec cérémonial dans chaque assiette en versant la préparation en pichet de chez Revol.
Les plantations d'oiseau de paradis apportent une note de dépaysement tandis que la situation de l'endroit garantit l'intimité. La banquette et ses coussins colorés est très conviviale.
Un des convives est végan et ne pourra pas consommer ce velouté puisqu'il contient un produit laitier. Qu'à cela ne tienne, Phildera improvisera quelque chose de très appétissant :
Ayant la chance de pouvoir manger de tout, je gouterai à cette crème qui est un vrai délice. Et, soyons fou, à un jus de baobab ... mais qui, lui, sera le seul article à ne pas me séduire. Je pense que les adeptes des laits végétaux seraient par contre enchantés.
Poursuivons avec un Mulet rôti, fenouil, purée (orange) de patate douce et chips de patate douce ... mais blanche. L'assiette est encore une fois élégante. Le poisson est cuit selon les règles de l'art, assaisonné avec justesse et mesure. Jean-François Piège serait aux anges. On se régale. Candyce aurait volontiers recommandé un vin blanc plus sec mais nous resterons sur le Tursan.
Les "viandards" n'auront pas hésité. L'onglet-échalottes-oignons est pour eux. Je réalise une fois que l'assiette a été posée devant moi qu'on ne m'a pas demandé quel niveau de cuisson je souhaitais. Et pour cause, le chef sait comment faire pour que la viande soit merveilleusement fondante.
Entre bleu et saignant ... il faut inventer le terme de "violet". Le boeuf Angus a été choisi par le boucher de la  rue de la Sablière et sa chair est sublime. La purée d'oignons et la compotée d'échalotes agissent comme des condiments. Les pommes rôties sont très bonnes. L'échalote dite cuisse de poulet est moelleuse. Il n'y a rien à redire.
Tous les vins sont disponibles au verre; c'est un point très positif. Un AOC (peu tannique) Coteau de Varois, le Haut des Côtes 2015, Chateau des Annibal, domaine Vallot s'accordera très bien avec le plat.
On prolongera avec une tranche de la Terrine de roquefort maison, noix-abricots secs et ciboulette qui, dans quelques jours sera remplacée par un Brie dattes et noix. C'est une bonne idée de travailler le fromage plutôt que de le servir en plateau. Elle est présentée assaisonnée, en fine tranche avec un bouquet de mâche. Vous aurez remarqué la diversité de la vaisselle, terre cuite et porcelaine de la collection Serax au design signé d’artistes renommés comme Pieter Stochmans ou Pascal Naessens.
Un dessert (sucré) figure aussi à la carte. Une combinaison de Crumble, agrumes et sorbet ananas ... maison bien sûr.
Je vous encourage à déguster un des rhums arrangés que Candyce prépare elle-même en suivant des recettes familiales réunionnaises. Je me suis laissé convaincre par le Rhum 44, au parfum subtil de tangor, un agrume qui est suspendu au-dessus de l'alcool pendant le temps de la macération de 44 grains de café et 3 clous de girofle.
Phildera et Candyce sont en passe de réussir leur pari "d'être chez eux". La cuisine d'instinct du chef séduit parce qu'elle est élaborée, légère, inventive, et parfumée. Son inspiration prend racine dans la tradition gastronomique, dont il a parfaitement retenu les cuissons, et dans la complexité de ses origines (le chef est natif de Normandie mais d’origine congolaise) qui l'amène à oser des accords audacieux, mais sans folie.
Il en résulte une carte tout à fait abordable, tant sur le plan économique (deux formules à 19, 50€ et 24, 50€ au déjeuner) que gustatif. La preuve : ils  ne sont ouverts que depuis trois mois et affichent très souvent complet le soir, et même le midi depuis quelque temps. D'ailleurs trois tables en terrasse augmenteront la capacité d'accueil.
Le soir, l’offre se traduit en deux volets pour les gourmets. Le menu à Trois Temps proposé à 32€ par personne, comprend une entrée, un plat et un dessert. Le menu à Cinq Temps appelé aussi le menu dégustation à 44€ par personne comprend deux entrées, un poisson, une viande, un dessert ou une entrée, un poisson, une viande, un fromage et un dessert. Aucune indication ne sera donnée par l’équipe. Les convives devront seulement indiquer s’ils ont des allergies ou des préférences. À partir de ces éléments, et secondé en cuisine par Messie, le chef se lance dans ses créations bien inspirées. Il sait s’adapter aux désirs de ses clients, les surprendre et les voir repartir avec les papilles en émoi.
L’endroit peut être privatisé, particulièrement les jours de fermeture le dimanche et le lundi, pour des soirées privées, des dîners d’anniversaires...
Prenez donc le chemin du Layon le temps d’un déjeuner ... ou d’un dîner, mais sachez qu'il est prudent de réserver le soir, et même le midi.

Le Layon
139, rue du Château, 75014 Paris
Tél. : 09 83 36 40 42 www.le-layon.fr
Du mardi au samedi de 12h à 14h et de 19h à 22h30
Vendredi et Samedi 23h pour la dernière commande
Fermeture : dimanche et lundi

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