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La publication des articles est conçue selon une alternance entre le culinaire et la culture où prennent place des critiques de spectacles, de films, de concerts, de livres et d’expositions … pour y défendre les valeurs liées au patrimoine et la création, sous toutes ses formes.

dimanche 10 juin 2018

Une journée à Thoiry, premier épisode : la traversée en camion brousse

J'ai passé en famille une journée entière à Thoiry et c'est une expérience que je recommande amplement quel que soit l'âge de votre tribu.

Le parc entre dignement dans sa cinquantième année. Les lieux ont bien changé depuis quelques mois, mais sans perdre du tout la philosophie du projet originel, né en 1968 quand Monsieur de la Panouse a imaginé "sa" révolution, en décidant de présenter les animaux en inversant le processus, les laissant en semi-liberté et enfermant en quelque sorte les visiteurs (dans leur véhicule).

J'avais déjà suivi plusieurs fois le parcours Safari avec mon propre véhicule mais cette fois c'est en camion brousse que j'ai pu pleinement profiter de la visite.

Un autre article sera consacré à un moment privilégié auprès des lémuriens, en compagnie de leur soigneur. Un troisième retracera une visite plus classique et un dernier présentera d'autres nouveautés et perspectives de développement du parc.
Pour le moment nous partons rejoindre le camion brousse stationné près de l’enclos des hyènes qui ressemblent à de gros nounours bien repus. Il est conseillé d'être à l’heure. Le véhicule est équipé de vitres (pour la sécurité des visiteurs) surmontées de grillage, ce qui permet de percevoir toutes les odeurs et d'entendre ce qui se passe. Un marchepied est prévu pour faciliter l'accès. On peut dire qu'on se trouve dans un quasi grand confort.
Nous allons traverser le continent africain, puis américain. On reviendra ensuite dans la partie africaine et on fera une incursion dans le territoire des lions. Cet espace est ultra sécurisé avec un sas fermé par deux portes électriques. Les autres sont ouverts mais les animaux ne risquent pas d'en sortir soit parce qu'un passage canadien (une série de tubes) dissuade les animaux à sabots de s'y aventurer en raison de leur instabilité, soit, pour les autres, par des plaques métalliques électriques posées sur le sol.

On entend parfaitement la voix de notre chauffeur-guide, Philippe, qui va nous donner des renseignements rigoureux sur chaque espèce rencontrée, à commencer par les antilopes presque cachées dans le sous-bois.
Il est leur soigneur et les connait donc parfaitement. Il nous apprend qu'il en existe une quinzaine d'espèces. Les premières que nous croisons sont des oryx algazelle, qui vivent d'habitude en groupe mixte de 40 individus menés par un mâle dominant (il y a ici un mâle pour deux femelles et ils sont régulièrement changés pour éviter les consanguinités). Ce sont les plus grosses antilopes au monde.
Autrefois répandu dans tout le nord de l’Afrique, cet oryx a été déclaré éteint à l’état sauvage depuis l'an 2000, en raison de la chasse excessive et de la perte de leur habitat au profit du bétailLes changements climatiques qui sont à l’origine de l’extension du Sahara ont également causé l’isolement des populations puis leur disparition. Il a cependant été réintroduit dans des zones protégées en Tunisie, au Maroc et au Sénégal.

L'oryx algazelle peut rester plusieurs semaines sans boire, et il est capable d’augmenter sa température corporelle pour limiter les pertes via la transpiration.

On croise quelques voitures mais on se sent tout de même privilégié parce qu'on bénéficie de commentaires passionnants et d'une grande liberté de mouvement pour pouvoir photographier.
Philippe précise que la machoire d'un rhinocéros noir est en forme de V car il ne mange que des broussailles. Il nous indique que nous voyons donc trois rhinocéros "blancs", reconnaissables à leur mâchoire rectangulaire, plus adaptée pour des animaux qui broutent l’herbe.

Il nous présente, de droite à gauche, Jessie, 40 ans, puis Bruno un mâle de 5 ans et à l’extrême gauche un mâle de 3 ans, Unesco. Dans la nature mâle et femelle ne vivent pas ensemble. Ils sont bêtement menacés parce qu’on croit que leur corne a des vertus alors qu’elle n’est que de la kératine, comme un simple poil. Leur peau est très sensible au soleil. Dès qu’il devient brûlant ils se roulent dans la boue pour se protéger.

On remarque leurs oreilles en forme de cornet, qui bougent sans cesse pour capter les sons, car ils ont une très mauvaise vue, ce qui explique leurs mouvements parfois brusques s’ils sont surpris.
Voici maintenant le plus gros mammifère terrien, l’hippopotame. Quatre individus vivent ici. Les trois premiers sortent de l'eau en file indienne. Le "cheval des rivières" ne nage pas. Il se laisse couler et marche sur le fond. Lorsqu’il plonge, ses narines se ferment et ses oreilles se replient. Un adulte peut rester immergé jusqu’à 5 minutes d’affilée.


Il semble balourd mais il peut charger sur la terre ferme tout de même à 35 km/heure. C’est un animal très agressif et fort dangereux. On aperçoit une grande mare de boue au loin où il passe l’hiver.


Thoiry compte trois girafes mâles. Elles jouent un rôle d’alerte dans la savane grâce à leur cou qui leur permet de scruter l'horizon. Quand elles s'arrêtent pour boire elles doivent faire vite parce que lorsqu’elles ont la tête en bas elles sont en grand danger d’être attaquées par des prédateurs, qui sont d’ailleurs à l’affut. Ils peuvent la craindre car son sabot, formé de corne dure, peut fracasser le crâne d’un lion ou lui briser la colonne vertébrale.

Et comme on le sait, avoir un coeur situé deux mètres en dessous du cerveau peut poser problème quand l'animal est obligé de se pencher. Son système cardiaque est donc adapté.

Elles adorent les acacias, dont elles dévorent les feuilles avec une langue très longue (plus de 50 cm) et bleutéeElle est également très utile pour se nettoyer les yeux, les narines et les oreilles !

Les soigneurs leur coupent des branchages parce qu’elles ont tout taillé. On complète avec de la luzerne. Et Philippe nous fait remarquer que les zèbres, qui sont totalement libres et adorent la luzerne, se régalent de ce qui tombe des paniers.

Lorsqu’elle est sur le point de mettre bas, la girafe reste debout, et le girafon tombe la tête la première d’une hauteur de 2 m environ. Avec son corps élastique, il ne souffre pas de cette chute, c’est même grâce à elle qu’il prend sa première respiration. Il est capable de se tenir debout et de marcher une heure après sa naissance.

Nous croisons trois nouvelles espèces d’antilope, et on remarque un gnou à queue blanche qui se frotte le long d'un arbre pour accélérer sa mue.
Nous voici maintenant dans l'enclos américain, qui est le royaume du bison d'Amériqueun mammifère de la famille des bovidés, et surtout des ours, Baribal ou à lunettes. Un bison peut vivre de 20 à 30 ans. Le mâle pèse à peu près le double de la femelle qui oscille autour de 500 kg. Il possède un épais et long pelage d’hiver brun foncé qu'il commence à perdre au profit d'un pelage plus léger et plus clair. Mâle et femelle possèdent des cornes courtes et recourbées. La tête et le train avant de l’animal sont très volumineux et témoignent de sa puissance. Herbivore, il peut ingurgiter jusqu’à 25 kilos de végétaux par jour.
A l'origine, des millions de bisons peuplaient les plaines herbeuses du Mexique au Canada. Les bisons étaient des animaux essentiels pour les tribus amérindiennes. La chasse au bison s’est développée dans des proportions extrêmes, au XIX° siècle pour sa viande et sa fourrure. Ce fut un moyen politique de déplacer et d'affamer les indiens qui dépendaient des troupeaux pour se nourrir. En un siècle la population de bison est passée de centaines de millions à moins de 1000 animaux. On estime aujourd’hui leur nombre à 500 000 mais l'espèce reste quasi-menacé.
On a jeté pour les ours, avant notre passage, des pommes rouges, des sandwichs invendus (mais ils trient, dévorant la viande et abandonnant le pain). Ils sont omnivores en fait et ils marchent tout le jour.
L'hiver ils hibernent et si la femelle est gestante elle met bas dans la tanière. On découvrira au printemps suivant 1 à 4 petits.
Un loup blanc surgit, disputant un poulet à un ours. Cette fois ce sera l'ours qui l'emportera et le loup se jettera sur un autre poulet. Il est maintenant seul depuis la mort de la femelle mais un couple se reformera bientôt.
Les échanges sont encouragés et se font via Internet, plus précisément sous forme de dons, sans contrepartie, pour des parcs, quelle que soit leur taille. Depuis la convention de Washington il n’y a plus de razzia en Afrique pour aller "voler" des animaux.

On peut bien entendu glaner des informations sur le site du Parc mais c'est nettement plus agréable de les apprendre de notre guide. Je n'avais jamais remarqué que le dromadaire était pourvu de sabots larges pour ne pas s’enfoncer dans le sable. Ni qu'il était équipé d'une paupière spéciale bordée d'une double rangée de cils qui ferme bien son œil et qu'il pouvait en quelque sorte se pincer les narines pour empêcher le sable d’entrer. Je savais par contre que sa bosse contient de la graisse pour combler ses besoins énergétiques dans le désert.
L'épaisseur de ses lèvres l'autorise à consommer des plantes épineuses. Loin d'être un goinfre, il a l'habitude de chercher sa nourriture sur de grandes zones. Il ne prélève que quelques feuilles de chaque plante, ce qui réduit le stress alimentaire sur les communautés végétales et favorise leur repousse.

Nous croisons encore des antilopes, cette fois une trentaine de Cobe de Lechwe, un animal qui est assez lent sur la terre ferme mais exceptionnellement rapide et puissant dans l’eau. Leur arrière-train sur-élevé par rapport aux épaules leur permet de bondir très vite dans l’eau et elles nagent très bien. Et par chance leurs sabots sont allongés pour permettre une meilleure stabilité dans la boue. De ce fait ils ont l'habitude de vivre près des points d'eau, pour se protéger de leurs prédateurs. On sent le musc dégagé par ces animaux.
Voici les éléphantsBen est un éléphant d'Afrique de 40 ans, de 7 à 8 tonnes, qui vit avec la femelle Djelly, 30 ans. Dans la nature il serait solitaire alors que les femelles vivent en groupe avec leurs petits. Inutile à Thoiry d'effectuer des dizaines de kilomètres pour trouver leur ration quotidienne de 90 à 100 kilos d'herbe haute et de branchages. Si la branche est trop grosse ils ne mangeront que l'écorce comme on le voit abandonné à coté de l'animal qui adore arracher l'herbe avec sa trompe.

Nous nous inquiétons de la taille des défenses. Elles sont courtes parce que dès que Ben s'ennuie il les use le long du mur et il doit tourner toujours dans le même sens puisqu'elles sont biseautées. Plus haut sur la butte on devine quatre phacochères.
Il y a presque une vingtaine d'autruches qui déambulent avec flegme et adorent se poster devant les voitures pour regarder les conducteurs droit dans les yeux, amusées sans doute de créer des petits embouteillages, que le camion-brousse double allègrement. L'animal semble placide mais ne vous avisez pas de vouloir lui tendre un morceau de pain (formellement interdit d'ailleurs) : il peut donner un coup de bec pour se défendre, ou même un coup de patte avec son doigt aiguisé.

On distingue les femelles des mâles par la couleur de leurs plumes, grises pour elles, noires pour eux. Il faut attendre un an pour que s'affirme la maturité sexuelle. Jusque là les autruches ne seront ni grises, ni noires ... Elles appartiennent au groupe des ratites (nadou, émeu, casoar) qui ont comme particularité de courir vite mais de ne pas voler. Leurs parades de séduction sont parait-il impressionnantes. Elles pondent dans chaque nid, vaste creuset dans le sol, une quinzaine d'oeufs de 1 à 1, 5 kilos dont on peut apercevoir des exemplaires abandonnés (après une inondation), laissés là juste pour montrer de quoi il s'agit. Le soigneur déplore des vols stupides, évidemment.

Notre regard fait des aller retour entre la gauche et la droite pour surprendre, ici un troupeau de zèbres, là d'énormes taureaux aux magnifiques cornes pouvant atteindre les 2,5 mètres d'envergure.  Elles ont beau être creuses elles pèsent très lourd et un des mâles a eu des problèmes de cervicales. Ce sont des boeufs Watussi remarquables par leur robe rouge à acajou pouvant être parfois noire, avec des taches plus ou moins importantes.
On suppose qu'il est issu du croisement du zébu et du boeuf du Nil. Il a été domestiqué par les tribus Massaï et Watussis, d’où vient son nom. Il est utilisé pour les travaux de labour. Sn lait est récupéré pour faire du fromage, ses bouses sèches constituent les murs des maisons ou servent de combustible et son urine sert de désinfectant. Une petite femelle d'un mois marche d'un bon pas le long de sa mère (à droite sur la photo).
Il est temps de rentrer dans l'enclos très sécurisé des lions. Les trois femelles nous attendent au bord de la route, indifférentes à notre présence. Ce sont généralement elles qui chassent en groupe et plutôt la nuit afin d’être moins visibles, des zèbres, gnous, gazelles, surtout des jeunes parce que ce sont des proies faciles. Lorsqu’une proie est repérée, elles l’isolent et la pourchassent en se relayant. Une fois qu’elles ont réussi à la faire tomber, un individu se charge de la tuer en la mordant à la nuque ou au cou.

Ce sont ensuite les mâles qui mangent en premier, d'où l'expression "se tailler la part du lion" , c’est-à-dire se réserver les meilleurs morceaux. Les femelles ont ensuite accès à la carcasse, puis en dernier viennent les jeunes.

Les mâles mangent les meilleurs morceaux parce qu’ils sont chargés de la défense du groupe. Ils se doivent donc d’être les plus vifs afin de protéger le mieux possible le clan. En second viennent les femelles car elles sont chargées de donner naissance aux générations suivantes. En cas de famine, il vaut mieux que ce soient les jeunes qui n’aient pas accès à la nourriture car leur perte a moins de conséquences sur le groupe.
Le mâle est un peu plus loin, d'un calme olympien. Ne vous y trompez pas, me dira plus tard Philippe qui a perdu un de ses amis soigneurs dans de tragique circonstances : le lion n'attend qu'une chose, que vous ayez un moment d'inattention pour vous sauter à la gorge. Pas question, plus que jamais de descendre du véhicule pour s'approcher. On est malgré tout au plus près, derrière notre vitre.
Les lions sont les seuls animaux de la savane à vivre en groupe. Ils communiquent d'abord en rugissant, et leur cri s'entend à plusieurs kilomètres à la ronde. Ils peuvent aussi griffer les arbres. et bien entendu marquer leur territoire en urinant.

La crinière du mâle est d'autant plus foncée qu'il est âgé. Les quatre animaux sont rentrés le soir et dorment séparément pour que chacun ait sa quantité de nourriture, environ 4 à 5 kilos de viande.

Ils sont certes en captivité mais on ne se sent pas coupable de leur enfermement parce qu'on ne les sent pas stressés à faire les cent pas le long d'une grille.Il nous reste à remercier notre guide pour sa gentillesse et la qualité de ses commentaires.
Le métier de soigneur est en pleine évolution depuis que les contacts se multiplient avec les publics (je l'écris au pluriel parce qu'on ne s'adresse pas de la même manière à des familles, des scolaires et des groupes d'handicapés ...). De nombreuses émissions de télévision popularisent la profession mais il faut savoir qu'elle réclame un fort investissement. Philippe en tout cas appartient à une génération de passionnés comme il y en a beaucoup ici à Thoiry. Il est heureux de partager ses connaissances et cela se sent.

Je recommande vraiment cette expérience, pour laquelle le supplément de 8 euros par personne est amplement justifié. A savoir : le prix de l'entrée varie en fonction de la période. Renseignez-vous sur le site.
Nous reprenons le cours de la visite libre ... qui n'a pas de rapport avec ce que nous venons de vivre. Les animaux sont moins proches, mais il nous reste de belles découvertes à venir avec le millier que compte le parc. Et notamment un moment (très) privilégiés sur l'île où vivent les lémuriens.

Je rappelle les règles du safarien voiture ou en camion brousse
Durée de l’aventure : environ 1 h00 à 1 h30
Ouvert tous les jours
Pour votre sécurité : gardez vos fenêtres fermées et restez dans votre véhicule
Les animaux domestiques ne sont pas acceptés sur le domaine
Ne nourrissez pas les animaux, les rangers s'occupent bien d'eux !

Prochain épisode : un moment privilégié en compagnie des lémuriens.
Troisième : quelques autres animaux que l'on peut aussi voir à Thoiry

Parc de Thoiry, Rue du Pavillon de Montreuil, 78770 Thoiry · 01 34 87 40 67

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