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vendredi 15 juin 2018

Carmen de nouveau au répertoire d'Opéra en plein air l'été 2018


Carmen est l'opéra le plus joué au monde. Ce fut pourtant ce qu'on appelle un bide à sa création. Parce qu'on jugeait tout à fait indécente la volonté de la jeune femme de séduire.

Huit ans après Patrick Poivre d'Arvor cette héroïne est de nouveau à l'affiche d'Opéra en plein air. C'est cette fois Radu Mihaileanu qui en signe la mise en scène. J'attendais un manifeste féministe, dans la lignée de La source des femmes, que j'avais tellement plébiscité au cinéma.

Cette session est un bon cru. J'ai entendu quelques reproches au décor, trop sobre au goût de certains. C'est précisément la qualité que je lui reconnais. Quand on dispose de monuments historiques comme fond de scène il n'est pas nécessaire de surcharger le plateau, surtout avec des éléments ultra contemporains.

Par contre l'accent est mis sur les costumes, et là encore j'approuve. Ils sont magnifiques et très colorés. Notamment le toréador qui sera habillé sur l'air du Quadrille. Avec cependant une interrogation sur la couleur de la jupe de Micaela que le livret annonce bleue ... et que l'on découvre totalement différente, rouge carmin. Un détail ...

Les voix n'étaient pas toutes exceptionnelles, peut-être parce que je suis venue le soir de la Première et que l'émotion a impacté certaines. Ce n'est pas un souci pour moi. C'est le jeu d'Opéra en plein air de propulser l’insertion professionnelle de jeunes artistes lyriques. J'attends une implication plus qu'une performance au sens strict du terme.

Les choeurs des enfants comme des cigarières sont très beaux, parfaitement harmonieux. Les chorégraphies tout autant réussies.

Cet opéra est marqué par la passion, la jalousie et la liberté. Les personnages osent leur sensualité. Ces sentiments sont exacerbés et paradoxalement, la musique de Georges Bizet est simple, avec une ligne mélodique d'une telle fluidité que tout le monde connait plusieurs airs par coeur, ce qui est très agréable.

C'est sur l'air célébrissime de l'amour est un oiseau rebelle que le public découvre Carmencita. Les scènes d'intimité sont jouées au premier plan, devant les musiciens et l'émotion s'en trouve renforcée.

L'acte II s'achève sur une ode à la liberté dans un nuancier de rouges. Après l'entr'acte ce sont les tons bleutés qui vont dominer. La pauvreté et la guerre civile sont sous-jacentes. La pièce mérite une lecture politique. Carmen réaffirme son point de vue : je ne veux pas être tourmentée, commandée, mais être libre.

Carmen devait initialement être une comédie mais le drame s'y est faufilé. les cartes annoncent la mort ... pour les deux protagonistes principaux.
C'est vêtue de blanc (comme une sainte) que Carmen revient. Elle n'a jamais menti, son âme est inflexible. les lumières découpent la silhouette d'un taureau sur la façade du château. Un immense drap évoque une mer déchainée.
La pièce s'achève sur l'aveu de Don José : Vous pouvez m'arrêter, c'est moi qui l'ai tuée, oh ma Carmen, ma Carmen adorée.
Nous sommes toujours surpris du nombre de personnes impliquées dans une telle entreprise. le plateau semble trop juste pour toutes les contenir.
Aux saluts, et après que l'équipe artistique ait longuement été applaudie, le metteur en scène rend hommage à tous ses collaborateurs, ce qui n'est pas si fréquent.

Cette Carmen offre encore une certaine modernité en ce sens qu'elle témoigne d'un conflit culturel entre deux mondes qui n'ont pas les mêmes valeurs ni les mêmes codes, Don José, issu de l'armée, et Carmen, née bohémienne. On aurait envie de croire le contraire mais l'amour n'évite pas le drame.


Il m'a semblé que quelques libertés avaient été prises avec le livret en faisant alterner les voix chantées avec des épisodes récités (et c'est très bien ainsi d'ailleurs). Par contre, mille fois hélas, la fin reste intangible. Carmen meurt.

Est-ce le prix à payer pour son intransigeance ? Je rêve d'un opéra qui ne s'achèverait pas dans le sang. S'il n'existe pas il faudrait l'écrire !

Une opération comme Opéra en plein air assure la promotion de cet art auprès d’un nouveau public et notamment des jeunes qui n'oseraient peut-être pas franchir la porte d'un établissement dédié à cet art. Puisse longtemps encore une telle oeuvre enchanter nos soirées estivales !
Créé en 2001, Opéra en plein air a pour vocation de drainer un public peu habitué à fréquenter les salles d’opéra. Les représentations débuteront cette année au Parc départemental de Sceaux les 15 et 16 juin 2018 à 21 heures 30. La troupe se déplacera ensuite au Château du Champ de Bataille, les 22 et 23 juin
Au Château de Vincennes, les 29 et 30 juin
Au Domaine National de Saint-Germain-en-Laye les 6 et 7 juillet
Au Château d'Haroué, les 31 août et 1er septembre
Dans la cour d'honneur de l'hôtel national des Invalides, du 5 au 8 septembre

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