Associer gastronomie et argent (silver en anglais, c'est plus chic) tel est le credo de Silver Fourchette qui l'a intelligemment démontré aujourd'hui au cours de rencontres et de conférences qui ont animé cette seconde édition, sous la superbe coupole du Palais d’Iéna où siège le Conseil Economique, Social et Environnemental.
L'alimentation du... troisième, voire quatrième âge, a été au coeurs des préoccupations et j'ai appris beaucoup de choses sur la manière dont les têtes "poivre et sel" allaient pouvoir se nourrir dans les prochaines années. Ce n'est pas parce que l'on a passé 60 ans, que l'on est réduit (c'est l'cas d'le dire...) à manger de la purée.
Bien que l'on soit dans des clichés, c'est malheureusement toujours le raccourci, lorsque l'on évoque l'alimentation des personnes âgées. Or, depuis un certain temps beaucoup de cuisiniers ont un vrai statut de chef dans des EPHAD où ils oeuvrent tous les jours pour que les repas y soient de vrais moments de plaisir : l'esthétique du plat, sa texture, ses saveurs... tout est pensé pour que les seniors gardent un bon coup de fourchette.
Qui pourrait croire, en regardant la première photo de cet article, que l'assiette est composée d'aliments en "texture modifiée", autrement dit ayant la consistance d'un flan ?
De grands changements sont en marche comme vous allez le découvrir tout au long de cet article qui se terminera avec les résultats de la Finale Nationale du concours de gastronomie Silver Fourchette, après 8 mois de compétition à travers les départements partenaires, par 13 brigades finalistes, et remporté par le Haut-Rhin.
Qui pourrait croire, en regardant la première photo de cet article, que l'assiette est composée d'aliments en "texture modifiée", autrement dit ayant la consistance d'un flan ?
De grands changements sont en marche comme vous allez le découvrir tout au long de cet article qui se terminera avec les résultats de la Finale Nationale du concours de gastronomie Silver Fourchette, après 8 mois de compétition à travers les départements partenaires, par 13 brigades finalistes, et remporté par le Haut-Rhin.
Le Silver Lab
C'était un espace où différentes marques présentaient leurs produits ou une technologie adaptée à l'alimentation des seniors. Plusieurs dégustations étaient proposées. Le comptoir d’innovations culinaires d'Elior avait préparé des muffins à partir de pain sec (recette anti-gaspillage que je publierai demain).
La vache qui rit avait conçu une série de recettes. Et un espace dégustation de cocktails de fruits et légumes (sans alcool) avec Robot coupe a eu un succès constant.
J'ai été très surprise par tout ce qui concerne la texture modifiée parce que j'en ignorais l'existence et que le résultat est bluffant. Croiriez-vous que le melon et les fraises que j'ai photographiées ne sont pas de véritables fruits frais ? Ce sont à des dégustations inédites que Nutri-culture nous a invités.
Ils sont obtenus à partir d'une purée, d'un gélifiant et surtout d'un moule adéquat, comme celui-ci, très étonnant mais si évident pour donner l'illusion d'un dôme de petits pois.
Alimentation et démence
L'association des deux mots a de quoi choquer et pourtant ceux qui ont dans leur entourage quelqu'un atteint par la maladie d'Alzheimer auront peut-être remarqué que la perte de poids précède souvent l'apparition des troubles cognitifs. Plus tard la dénutrition aggravera le pronostic.
Les repas deviennent vite problématiques lorsque la démence évolue avec, à la fin, de grandes difficultés à mastiquer, puis même avaler ... quand parfois le malade oublie même comment déglutir.
La présentation des aliments joue un rôle essentiel mais tout autant que la couleur de l'assiette. Il y a trois fois plus de chance que la personne s'intéresse à un contenu qui est dressé sur une assiette de couleur que toute blanche. Et un verre rouge doublera presque l'envie de boire.
L'ergothérapie est importante. On privilégiera une assiette avec butée, sur un tapis anti-dérapant.
On sait maintenant qu'il est préférable de présenter les plats l'un après l'autre, et de ne surtout pas tout poser sur un grand plateau. Que le moment du repas doit se dérouler dans le calme et dans une ambiance la plus sociable possible.
S'agissant de la texture il faut retarder le moment où on passera au mixé mais ne pas craindre non plus de proposer des textures modifiées (le mixé qui est reconstitué dans la forme de l'aliment) lorsque c'est devenu crucial. Et même accepter le "manger main" pour ceux qui ont du mal à tenir une
fourchette.
L'assaisonnement est déterminant. Il faut plus de sucre, plus d'épices, comme le poivre, le ketchup, la moutarde, la mayonnaise. Il n'y a plus d'interdit à cet âge, y compris le sel. On peut manger de tout à partir de 75 ans pour maintenir ses muscles. Maigrir ne serait pas un conseil à suivre. Il faut accepter qu'on prenne du poids en vieillissant.
C'est le plaisir de vivre qui doit primer sur tout.
La prévention de la dépendance passe par le maintien d'une activité physique importante mais aussi la stabilité du poids (en perdre serait annonciateur de dépression) et un apport conséquent en protéines. Etre vegan, voire même végétarien, n'est pas une bonne idée pour les personnes âgées. Il faut y être attentif en proposant de tout, depuis la charcuterie jusqu'aux sardines.
L'âge d'apparition de la maladie d'Alzheimer a tendance à reculer parce q'on soigne mieux les facteurs de risque vasculaire (hypertension, cholestérol) mais l'espérance de vie sans incapacité diminue. Autrement dit on vit plus vieux mais moins bien. On entre statistiquement en EPHAD à 85 ans pour un séjour moyen de deux ans.
Le point de vue de deux chefs cuisiniers
Christophe Feltin (ci-dessus à gauche) de l’EHPAD Les tilleuls de Terville / Hayange a été finaliste du concours en 2016. Eric Bonnabaud, de l’EHPAD Les Mirabelliers à Metz, a été le grand gagnant de la première édition, en 2014, avec un menu Tempura et frites de potiron ; Cannellonis de poireaux à la volaille, compotée de choux rouge aux pommes et légumes du potager ; Moelleux au chocolat cœur fondant à l’orange, poire pochée à la cannelle.
Tous deux se connaissent puisqu'ils travaillent dans le même groupe SOS Seniors et s'apprécient. Ils se sont intéressés à cette façon de cuisiner autrement pour répondre à des pathologies liées à la déglutition. Il y a encore dix ans la seule réponse à ces problèmes était de mixer les aliments. Maintenant les plats sont dérivés du menu principal et sont des préparations à part entière. Ils représentent la moitié des assiettes pour Eric, 10% seulement dans l'établissement de Christophe.
Ils se sont formés à Lausanne chez Déglutir. Ils ont appris à employer le blanc d'oeuf qui est une colle naturelle. Ainsi la viande est cuite, mixée, puis détendue avec une sauce, collée au blanc puis moulée, selon une technique proche de celle qu'on emploie pour faire un Moelleux au chocolat ou selon le principe du Millefeuille (en superposant plusieurs couches de couleurs différentes).
Ils sont toujours avides d'apprendre même si cuisiner "autrement" est plus facile aujourd'hui qu'autrefois.
L'un comme l'autre sait que les malades atteints d'Alzheimer brulent énormément de calories parce qu'ils déambulent à longueur de journée. On ne dit jamais non à la repasse.
Christophe propose des ateliers cuisine à 7 ou 8 résidents pour faire ensemble de la pâtisserie, une fois par semaine, depuis 23 ans.
Le Silver Meeting
Plusieurs sujets ont été débattus sous la coupole du CES, à travers trois table-rondes avec des personnalités politiques sur les enjeux du bien-vieillir et du bien-manger de demain
La première a démontré que les territoires s’engagent dans la transition agricole, alimentaire et écologique et en particulier contre le gaspillage alimentaire.
Nous sommes 7 milliards aujourd'hui et pour nourrir les 9 de demain il y a urgence à modifier nos modes de fonctionnement. On sait qu'on perd 30% de ce que nous produisons au niveau de la planète, uniquement en gaspillage. C'est le député socialiste de la Mayenne Guillaume Garot, qui est à l'initiative d'une loi contre le gaspillage alimentaire en février 2016 pour interdire aux distributeurs, sous peine d'amende, de rendre impropres à la consommation leurs invendus encore consommables - notamment en les passant à l'eau de Javel.
Il imposait aussi aux supermarchés de plus de 400 mètres carrés de conclure une convention avec des associations pour leur faire don de ces produits. Et empêchait que des dispositions contractuelles ne fassent obstacle au don par les industriels de produits de marques distributeurs (MDD).
De plus en plus souvent, la date limite de consommation (DLC) approchant, les articles sont soldés. Poussant parfois le consommateur à jeter, elle a même été supprimée sur certains produits secs ou le vinaigre qui n'en avaient pas besoin. Quant aux fruits et légumes "moches", autrefois jetés, ils sont aujourd'hui soit vendus, soit transformés en soupe ou compote.
Le principe "donner plutôt que jeter" devrait être bientôt étendu à la restauration collective dans le cadre de la future loi sur l'agroalimentaire, même si, "redistribuer des repas s'avère plus complexe que de redistribuer des produits". C'est ce qu'a souligné Joëlle Martinaux, présidente de l'Unccas, au cours d'une conférence-débat. Il y a là un souci administratif à explorer.
On constate un énorme retard sur ce qu'on pourrait faire dans la restauration collective. Il suffirait de ne plus poser le pain sur la table en début de repas, de servir des portions raisonnables (en acceptant bien entendu la repasse) et surtout de former, pour les cantines scolaires, les animateurs au bien manger.
Dans un établissement pour personnes âgées, 20 kilos de nourriture sont jetés par jour, soit 7 tonnes par an et l’équivalent de 12 300 repas qui partent à la poubelle. Lancée en 2016, la campagne Silver Fourchette Anti-gaspi permet à tous les établissements participants d’identifier des leviers simples et efficaces pour limiter la production de déchets à travers des formations permettant aux établissements de se former à la mise en oeuvre de solutions vertueuses (pesée des déchets, etc.).
D'une façon générale l'enjeu est de mieux manger, même en situation de pauvreté ou de grand âge. Il est important de savoir qu'on ne peut réutiliser que ce qui n'est pas sorti de la cuisine? D'où l'intérêt de portionner astucieusement en s'habituant à un service en deux fois.
François Pasteau et Alessandra Montagne, tous 2 chefs engagés dans la lutte contre le gaspillage alimentaire, ont réalisé plusieurs recettes à partir des déchets alimentaires de la finale.
La deuxième table-ronde a démontré que "Santé et Nutrition" pouvait rimer avec "Plaisir et Cohésion" parce que comme Se restaurer c'est se faire du bien, comme le dit Thierry Marx, parrain de la manifestation, pour résumer la situation en s'appuyant sur ce verbe (restaurer) qui s'applique aussi à la remise en état d'un meuble ancien.
Mais on pourrait aussi citer Hippocrate : que tes aliments soient ta seule médecine.
Préserver son capital bien-être et santé grâce à l’alimentation, comprendre les dimensions culturelles et sociétales qui la composent et comment rester acteur au fil du temps, tels étaient les enjeux de l'après-midi.
Agnès Giboreau, directeur de la recherche à l'Institut Paul Bocuse, nous a appris que le Curry d'agneau coco-gingembre était inscrit au patrimoine socio culturel. Il faut avant de le proposer à une population âgée, en travailler le gout, la texture, la saveur.
Le plaisir de manger passe par les cinq sens : la vue et l'odorat (que l'on perd en vieillissant), l'ouïe (une croute craquante sera plus tentante qu'un pain mou), le goût (on épicera).
L'ARS a intégré que le bien manger est un élément essentiel du bien vieillir :
L'intervention de Maryse Duval, Directrice Générale de Groupe SOS Seniors, était très pertinente à ce sujet en affirmant que la citoyenneté passait aussi par l'ouverture des EPHAD sur l'extérieur, à commencer par leur salle de gymnastique et leur espace de restauration.
On attend beaucoup des actions que Agnès Buzyn, Ministre des Solidarités et de la Santé, pourra proposer pour le maintien des personnes âgées à leur domicile.
Une dernière table-ronde a mis l'accent sur l’emploi et la formation professionnelle
La Finale Nationale du concours de gastronomie Silver Fourchette
Elle s'est déroulée toute la journée parallèlement aux rencontres et débats. C'est le point d’orgue de toute la programmation du Silver Fourchette Tour qui s’est déroulé dans 14 départements partenaires, pendant un an, sous l'égide de Gourpe SOS Seniors qui a développé tout un programme d’actions qui a touché 32 000 personnes, dont 86% de seniors de plus de 60 ans, qu’ils soient à domicile ou en établissement, en multipliant les concours de gastronomie, conférences-débats, ateliers de cuisine, projets pédagogiques, rencontres avec des Chefs engagés et des partenaires engagés dans le champ de l’alimentation et de la Silver Economie.
Les brigades qualifiées lors des sélections départementales ont été jugées sur un plat et un dessert sur le thème "Voilà l’été" qui devaient mettre à l’honneur les produits de la saison estivale, grâce au panier d'ingrédients qui leur sont intégralement fournis par l'Agence Bio. Le jury était composé de Chefs réputés de la gastronomie française et internationale, parmi lesquelles j'ai reconnu Guilaine Arabian, Pierre Hermé, et un MOF primeur.
C'est dans une ambiance de folie que ce concours s'est terminé dans la salle des pas perdus du CES. Des supporteurs venus de toute la France étaient installés sur les estrades et n'hésitaient pas à hurler leurs encouragements en agitant des drapeaux et des ballons. On se serait cru au centre d'une compétition sportive.
Chaque équipe était composée d'un chef, un commis et un volontaire gastronome. Les assiettes furent toutes exposées et très franchement dignes d'intérêt.
La brigade Haut-Rhin s'est hissée à la première place. Autour de David Schultz, Chef de l'EHPAD La Roselière de Kunheim, avec Melissa Beyer, élève en formation au Lycée Hôtelier Blaise Pascal et Marie Carde, volontaire gastronome (en photo) qui n'en revenait pas d'avoir gagné ... elle qui ne cuisine pas beaucoup mais qui a promis de s'y mettre davantage.
Guilaine Arabian a salué leurs assiettes gourmandes, colorées et joyeuses :
Volaille en trois cuissons, gâteau de légumes et pommes de terre confites (ingrédient mystère le vinaigre de Melfor), dessert Tartelette soufflée au fromage blanc et fruits rouges
On trouvait à la deuxième place la brigade Hauts-de-Seine (qui a du faire face intelligemment à quelques imprévus) composée d'Alexandre Roussel, Chef du Centre de Gérontologie Les Abondances de Boulogne-Billancourt, Sébastien Droit, volontaire gastronome et Benjamin Gaisard, étudiant au Lycée Hôtelier Théodore Monod, (un établissement situé à Antony et que je connais bien).
Volaille en deux cuisson, légumes du jardin et petits pois (de Clamart, ingrédient mystère) et en dessert un Granité Menthe-melon et fruits rouges.
A la troisième place la brigade Doubs composée de Romain Bondenet, Chef de la Résidence Domitys l'Art du Temps de Besançon, Dominique Briccola, volontaire gastronome et Lucas Da Costa, élève du Lycée Condé. J'ai admiré leurs assiettes : Volaille farcie en croute de cerfeuil, jus réduit et pommes nouvelles rôties, dessert : sablé au sapin et fruits rouges (ingrédient mystère : jeunes pousses de sapin) :
Tous trois ont été généreusement récompensés par les partenaires de la manifestation, par des articles variés allant jusqu'à ce pot de miel, sans doute très gouteux. J'ai appris à cet égard que des ruches étaient installées sur le toit du CES où nous nous trouvions.
Mais les autres n'ont pas démérité et la tablée était très appétissante, répondant parfaitement au défi lancé.
Au final une journée bien remplie qui laisse augurer une troisième édition aussi forte que celle-ci l'an prochain. On verra alors si les promesses d'engagement écrites sur des post-it colorés et positionnés sur l'arbre symbolique de Silver Fourchette par les participants avant de partir auront été réalisées.
L'association des deux mots a de quoi choquer et pourtant ceux qui ont dans leur entourage quelqu'un atteint par la maladie d'Alzheimer auront peut-être remarqué que la perte de poids précède souvent l'apparition des troubles cognitifs. Plus tard la dénutrition aggravera le pronostic.
Les repas deviennent vite problématiques lorsque la démence évolue avec, à la fin, de grandes difficultés à mastiquer, puis même avaler ... quand parfois le malade oublie même comment déglutir.
La présentation des aliments joue un rôle essentiel mais tout autant que la couleur de l'assiette. Il y a trois fois plus de chance que la personne s'intéresse à un contenu qui est dressé sur une assiette de couleur que toute blanche. Et un verre rouge doublera presque l'envie de boire.
L'ergothérapie est importante. On privilégiera une assiette avec butée, sur un tapis anti-dérapant.
On sait maintenant qu'il est préférable de présenter les plats l'un après l'autre, et de ne surtout pas tout poser sur un grand plateau. Que le moment du repas doit se dérouler dans le calme et dans une ambiance la plus sociable possible.
S'agissant de la texture il faut retarder le moment où on passera au mixé mais ne pas craindre non plus de proposer des textures modifiées (le mixé qui est reconstitué dans la forme de l'aliment) lorsque c'est devenu crucial. Et même accepter le "manger main" pour ceux qui ont du mal à tenir une
fourchette.
L'assaisonnement est déterminant. Il faut plus de sucre, plus d'épices, comme le poivre, le ketchup, la moutarde, la mayonnaise. Il n'y a plus d'interdit à cet âge, y compris le sel. On peut manger de tout à partir de 75 ans pour maintenir ses muscles. Maigrir ne serait pas un conseil à suivre. Il faut accepter qu'on prenne du poids en vieillissant.
C'est le plaisir de vivre qui doit primer sur tout.
La prévention de la dépendance passe par le maintien d'une activité physique importante mais aussi la stabilité du poids (en perdre serait annonciateur de dépression) et un apport conséquent en protéines. Etre vegan, voire même végétarien, n'est pas une bonne idée pour les personnes âgées. Il faut y être attentif en proposant de tout, depuis la charcuterie jusqu'aux sardines.
L'âge d'apparition de la maladie d'Alzheimer a tendance à reculer parce q'on soigne mieux les facteurs de risque vasculaire (hypertension, cholestérol) mais l'espérance de vie sans incapacité diminue. Autrement dit on vit plus vieux mais moins bien. On entre statistiquement en EPHAD à 85 ans pour un séjour moyen de deux ans.
Le point de vue de deux chefs cuisiniers
Christophe Feltin (ci-dessus à gauche) de l’EHPAD Les tilleuls de Terville / Hayange a été finaliste du concours en 2016. Eric Bonnabaud, de l’EHPAD Les Mirabelliers à Metz, a été le grand gagnant de la première édition, en 2014, avec un menu Tempura et frites de potiron ; Cannellonis de poireaux à la volaille, compotée de choux rouge aux pommes et légumes du potager ; Moelleux au chocolat cœur fondant à l’orange, poire pochée à la cannelle.
Tous deux se connaissent puisqu'ils travaillent dans le même groupe SOS Seniors et s'apprécient. Ils se sont intéressés à cette façon de cuisiner autrement pour répondre à des pathologies liées à la déglutition. Il y a encore dix ans la seule réponse à ces problèmes était de mixer les aliments. Maintenant les plats sont dérivés du menu principal et sont des préparations à part entière. Ils représentent la moitié des assiettes pour Eric, 10% seulement dans l'établissement de Christophe.
Ils se sont formés à Lausanne chez Déglutir. Ils ont appris à employer le blanc d'oeuf qui est une colle naturelle. Ainsi la viande est cuite, mixée, puis détendue avec une sauce, collée au blanc puis moulée, selon une technique proche de celle qu'on emploie pour faire un Moelleux au chocolat ou selon le principe du Millefeuille (en superposant plusieurs couches de couleurs différentes).
Ils sont toujours avides d'apprendre même si cuisiner "autrement" est plus facile aujourd'hui qu'autrefois.
L'un comme l'autre sait que les malades atteints d'Alzheimer brulent énormément de calories parce qu'ils déambulent à longueur de journée. On ne dit jamais non à la repasse.
Christophe propose des ateliers cuisine à 7 ou 8 résidents pour faire ensemble de la pâtisserie, une fois par semaine, depuis 23 ans.
Le Silver Meeting
Plusieurs sujets ont été débattus sous la coupole du CES, à travers trois table-rondes avec des personnalités politiques sur les enjeux du bien-vieillir et du bien-manger de demain
La première a démontré que les territoires s’engagent dans la transition agricole, alimentaire et écologique et en particulier contre le gaspillage alimentaire.
Nous sommes 7 milliards aujourd'hui et pour nourrir les 9 de demain il y a urgence à modifier nos modes de fonctionnement. On sait qu'on perd 30% de ce que nous produisons au niveau de la planète, uniquement en gaspillage. C'est le député socialiste de la Mayenne Guillaume Garot, qui est à l'initiative d'une loi contre le gaspillage alimentaire en février 2016 pour interdire aux distributeurs, sous peine d'amende, de rendre impropres à la consommation leurs invendus encore consommables - notamment en les passant à l'eau de Javel.
Il imposait aussi aux supermarchés de plus de 400 mètres carrés de conclure une convention avec des associations pour leur faire don de ces produits. Et empêchait que des dispositions contractuelles ne fassent obstacle au don par les industriels de produits de marques distributeurs (MDD).
De plus en plus souvent, la date limite de consommation (DLC) approchant, les articles sont soldés. Poussant parfois le consommateur à jeter, elle a même été supprimée sur certains produits secs ou le vinaigre qui n'en avaient pas besoin. Quant aux fruits et légumes "moches", autrefois jetés, ils sont aujourd'hui soit vendus, soit transformés en soupe ou compote.
Le principe "donner plutôt que jeter" devrait être bientôt étendu à la restauration collective dans le cadre de la future loi sur l'agroalimentaire, même si, "redistribuer des repas s'avère plus complexe que de redistribuer des produits". C'est ce qu'a souligné Joëlle Martinaux, présidente de l'Unccas, au cours d'une conférence-débat. Il y a là un souci administratif à explorer.
On constate un énorme retard sur ce qu'on pourrait faire dans la restauration collective. Il suffirait de ne plus poser le pain sur la table en début de repas, de servir des portions raisonnables (en acceptant bien entendu la repasse) et surtout de former, pour les cantines scolaires, les animateurs au bien manger.
Dans un établissement pour personnes âgées, 20 kilos de nourriture sont jetés par jour, soit 7 tonnes par an et l’équivalent de 12 300 repas qui partent à la poubelle. Lancée en 2016, la campagne Silver Fourchette Anti-gaspi permet à tous les établissements participants d’identifier des leviers simples et efficaces pour limiter la production de déchets à travers des formations permettant aux établissements de se former à la mise en oeuvre de solutions vertueuses (pesée des déchets, etc.).
D'une façon générale l'enjeu est de mieux manger, même en situation de pauvreté ou de grand âge. Il est important de savoir qu'on ne peut réutiliser que ce qui n'est pas sorti de la cuisine? D'où l'intérêt de portionner astucieusement en s'habituant à un service en deux fois.
François Pasteau et Alessandra Montagne, tous 2 chefs engagés dans la lutte contre le gaspillage alimentaire, ont réalisé plusieurs recettes à partir des déchets alimentaires de la finale.
La deuxième table-ronde a démontré que "Santé et Nutrition" pouvait rimer avec "Plaisir et Cohésion" parce que comme Se restaurer c'est se faire du bien, comme le dit Thierry Marx, parrain de la manifestation, pour résumer la situation en s'appuyant sur ce verbe (restaurer) qui s'applique aussi à la remise en état d'un meuble ancien.
Mais on pourrait aussi citer Hippocrate : que tes aliments soient ta seule médecine.
Préserver son capital bien-être et santé grâce à l’alimentation, comprendre les dimensions culturelles et sociétales qui la composent et comment rester acteur au fil du temps, tels étaient les enjeux de l'après-midi.
Agnès Giboreau, directeur de la recherche à l'Institut Paul Bocuse, nous a appris que le Curry d'agneau coco-gingembre était inscrit au patrimoine socio culturel. Il faut avant de le proposer à une population âgée, en travailler le gout, la texture, la saveur.
Le plaisir de manger passe par les cinq sens : la vue et l'odorat (que l'on perd en vieillissant), l'ouïe (une croute craquante sera plus tentante qu'un pain mou), le goût (on épicera).
L'ARS a intégré que le bien manger est un élément essentiel du bien vieillir :
- 6 à 10% des personnes vivant chez elles sont en dénutrition
- 15 à 35 % en établissement
- 70 % en hôpital
L'intervention de Maryse Duval, Directrice Générale de Groupe SOS Seniors, était très pertinente à ce sujet en affirmant que la citoyenneté passait aussi par l'ouverture des EPHAD sur l'extérieur, à commencer par leur salle de gymnastique et leur espace de restauration.
On attend beaucoup des actions que Agnès Buzyn, Ministre des Solidarités et de la Santé, pourra proposer pour le maintien des personnes âgées à leur domicile.
Une dernière table-ronde a mis l'accent sur l’emploi et la formation professionnelle
La Finale Nationale du concours de gastronomie Silver Fourchette
Elle s'est déroulée toute la journée parallèlement aux rencontres et débats. C'est le point d’orgue de toute la programmation du Silver Fourchette Tour qui s’est déroulé dans 14 départements partenaires, pendant un an, sous l'égide de Gourpe SOS Seniors qui a développé tout un programme d’actions qui a touché 32 000 personnes, dont 86% de seniors de plus de 60 ans, qu’ils soient à domicile ou en établissement, en multipliant les concours de gastronomie, conférences-débats, ateliers de cuisine, projets pédagogiques, rencontres avec des Chefs engagés et des partenaires engagés dans le champ de l’alimentation et de la Silver Economie.
Les brigades qualifiées lors des sélections départementales ont été jugées sur un plat et un dessert sur le thème "Voilà l’été" qui devaient mettre à l’honneur les produits de la saison estivale, grâce au panier d'ingrédients qui leur sont intégralement fournis par l'Agence Bio. Le jury était composé de Chefs réputés de la gastronomie française et internationale, parmi lesquelles j'ai reconnu Guilaine Arabian, Pierre Hermé, et un MOF primeur.
C'est dans une ambiance de folie que ce concours s'est terminé dans la salle des pas perdus du CES. Des supporteurs venus de toute la France étaient installés sur les estrades et n'hésitaient pas à hurler leurs encouragements en agitant des drapeaux et des ballons. On se serait cru au centre d'une compétition sportive.
Chaque équipe était composée d'un chef, un commis et un volontaire gastronome. Les assiettes furent toutes exposées et très franchement dignes d'intérêt.
La brigade Haut-Rhin s'est hissée à la première place. Autour de David Schultz, Chef de l'EHPAD La Roselière de Kunheim, avec Melissa Beyer, élève en formation au Lycée Hôtelier Blaise Pascal et Marie Carde, volontaire gastronome (en photo) qui n'en revenait pas d'avoir gagné ... elle qui ne cuisine pas beaucoup mais qui a promis de s'y mettre davantage.
Guilaine Arabian a salué leurs assiettes gourmandes, colorées et joyeuses :
Volaille en trois cuissons, gâteau de légumes et pommes de terre confites (ingrédient mystère le vinaigre de Melfor), dessert Tartelette soufflée au fromage blanc et fruits rouges
On trouvait à la deuxième place la brigade Hauts-de-Seine (qui a du faire face intelligemment à quelques imprévus) composée d'Alexandre Roussel, Chef du Centre de Gérontologie Les Abondances de Boulogne-Billancourt, Sébastien Droit, volontaire gastronome et Benjamin Gaisard, étudiant au Lycée Hôtelier Théodore Monod, (un établissement situé à Antony et que je connais bien).
Volaille en deux cuisson, légumes du jardin et petits pois (de Clamart, ingrédient mystère) et en dessert un Granité Menthe-melon et fruits rouges.
A la troisième place la brigade Doubs composée de Romain Bondenet, Chef de la Résidence Domitys l'Art du Temps de Besançon, Dominique Briccola, volontaire gastronome et Lucas Da Costa, élève du Lycée Condé. J'ai admiré leurs assiettes : Volaille farcie en croute de cerfeuil, jus réduit et pommes nouvelles rôties, dessert : sablé au sapin et fruits rouges (ingrédient mystère : jeunes pousses de sapin) :
Tous trois ont été généreusement récompensés par les partenaires de la manifestation, par des articles variés allant jusqu'à ce pot de miel, sans doute très gouteux. J'ai appris à cet égard que des ruches étaient installées sur le toit du CES où nous nous trouvions.
Mais les autres n'ont pas démérité et la tablée était très appétissante, répondant parfaitement au défi lancé.
Au final une journée bien remplie qui laisse augurer une troisième édition aussi forte que celle-ci l'an prochain. On verra alors si les promesses d'engagement écrites sur des post-it colorés et positionnés sur l'arbre symbolique de Silver Fourchette par les participants avant de partir auront été réalisées.
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