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mercredi 13 juillet 2011

Ni à vendre ni à louer à Chatenay-Malabry (92)

Le Rex a voulu ouvrir l’été par un film qui corresponde à l’ambiance. Xavier Delmas, producteur du film, avait été invité pour venir rencontrer le public. Depuis Les Petits Ruisseaux il connait très bien le réalisateur Pascal Rabaté, qui vient de l’univers de la BD. Il n’est pas le seul d’ailleurs à naviguer de la bande dessinée au long métrage, comme Joann Sfar (le Chat du rabbin) ou Marjane Satrapi (Persépolis).

Xavier Delmas parle du film comme s'il l'avait fait ... ce qui est finalement plutôt normal pour un producteur exécutif passionné par son travail.

Nous avions été prévenus que le film ne comportait pas de dialogues intelligibles (même si certains mots ont été ajoutés en post-production, comme pour apporter une ponctuation). Cette absence ne dérange pas le moins du monde. Le film n'est pas muet pour autant. Il exhale de Ni à vendre, ni à louer un vrai parfum de vacances, un peu décalé, qui a réjoui la salle.

Le générique se déroule derrière les contorsions d'un escargot qui se trémousse en gros plan sur un air de musique de fanfare balkanique, donnant le la de la lenteur. Le film s’inscrit d’emblée sur le registre de la comédie un peu décalée.

Roulant à fond à son maximum de 12 kilomètres/heure, une voiturette double péniblement une autre sur la nationale des vacances, avec les raffineries de Feyzin pour décor. Les congés payés de 1936 sont loin derrière et la crise est passée au premier plan.

Pascal Baraté nous offre une photo de la France de 2011 en plein désenchantement social. On le voit à plusieurs indices : la voiturette, qui est l’auto des pauvres, soit parce qu’ils n’ont pas d’argent pour en acheter une véritable, soit parce qu’ils ne peuvent même pas financer leur permis de conduire, l’allusion aux licenciements, la lecture (par Dominique Pinon) d’un journal où il est question du rôle des syndicats, le nom de la « maison» de campagne qui s’appelle « mes ASSEDIC », et dont la modestie est à la mesure de ses 3 m², des personnages comme les punk qui sont ceux qui ont le moins, quasiment rien.

Il témoigne d’un supermarché où les produits sont exposés en un seul exemplaire, comme dans un musée, symbolisant la déïfication de la société de consommation comme la raréfaction des ressources.

La jeune punkette a « trop cher pour toi » tatoué sur le cou. La leçon est dure : ce sont ceux qui n’ont rien qui survivent le mieux à tout. Leur maison tracée dans le sable est la seule à subsister à la fin.

L’humour est constant. Les boites aux lettres sont les miniatures des caravanes de chacun. Il est écrit sur la boite aux lettres de la maisonnette : de la pub pour lire SVP. Les deux golfeurs sont anars et roublards. Ils traversent le film avec désinvolture, n’ayant cure de leurs méfaits (la balle qui assomme le lapin puis l’homme par exemple). Leur comportement rend compte de la société qui n’est plus sur la lancée optimiste des 30 glorieuses mais qui s’aménage tout de même quelques bonheurs.

La maisonnette témoigne de cette ingéniosité. Avec sa fausse cheminée. Son lit suspendu sous le plafond et qui descend avec ses jolis rideaux rouges. Son système de rangement par caisses sous le plancher qui confine au génie. Elle a été construite pour le film mais elle avait été vue en repérage dans les Petits ruisseaux.
Les plans sont très graphiques. Le réalisateur a pensé son film comme des vignettes. On voudrait s’attacher mais on n’a pas le temps de regarder plus longtemps. Ce sera un vrai plaisir de pouvoir mettre sur pause le DVD, revenir en arrière, savourer davantage les effets comiques. Ou les effets visuels. Les codes couleur bleu et rouge sont intentionnels.

Le clin d’œil à Jacques Tati est léger. Le réalisateur aurait aimé jouer à fond la filiation et filmer à l’hôtel de la plage de Saint-Marc-sur-Mer mais il y avait là-bas trop de bustes et d’hommages à Tati. Il a fallu trouver un autre bord de mer. Après la Baule, trop riche, ce fut le Croisic où l’hôtel, la supérette, les terrains de camping semblaient attendre l’équipe. Le film a été tourné dans cette région, sur l’ile de Batz et la presqu’ile de Guérande. Le blockhaus existe réellement et est un vrai musée.

C’était une évidence de faire un film un peu déconstruit avec beaucoup de personnages, une tonalité burlesque, souvent pince-sans-rire, toujours tendre, parfois limite humour noir, comme la scène où un personnage prend des tranches de saucisson avec une pince alors qu’il est assis face à un manchot.

Ou cette scène montrant une jeune femme voler de l’eau bénite ... dont les restes finiront par étancher la soif du croque-mort.

Les références à l’univers du conte ponctuent le film comme des petits cailloux. Les trois terrains de camping font penser aux 3 petits cochons, surtout avec la tempête. On voit aussi un costume évoquant le Petit chaperon rouge et la petitesse de la maison fait penser à celle qui pourrait être en pain d’épices. Les hommages sont décalés, plus noirs que les contes d’origine.

Le représentant en parapluies a l’humour vachard.

Le film s’articule autour du thème de la famille, du temps qui passe, de la transmission, de l’autonomie qu’on laisse à ses enfants, ou pas. Dominique Pinon a du mal à accepter que sa fille ait grandi. François Morel, militaire, est désemparé après la tempête. Le fils prend alors la relève. On constate que la solidarité, quand elle existe, est essentiellement familiale.

On nous montre quand même des perdants magnifiques : les cocus, les habitants de la maisonnette.

Xavier Delmas a les mêmes références cinématographiques que Pascal Rabaté. Il a acquis les droits de l’album et en tant que producteur exécutif, a participé concrètement à la production, quasiment comme coscénariste. Il a travaillé sur le casting, heureux d’avoir des noms connus dans des registres de comédie différents. Jacques Gamblin venait de tourner le Nom des gens. François Damiens est populaire depuis son passage dans Camera cachée. Dominique Pinon, François Morel, Chantal Neuwirth ont également une belle notoriété par leurs rôles au théâtre. Charles Schneider, le mari de la femme maisonnette a tourné dans Police judicaire. Maria de Medeiros , révélée par Pulp Fiction, se fait plus rare sur les écrans.

La musique est riche en cuivres, pour être alerte, un peu balkanique, à l’instar des fanfares gitanes de Kusturica. Quant à l’artiste qui est présenté à la fin du film sous le nom de Mike Brandt, il n’est pas un personnage inventé mais bien réel.

Les trucages sont très rares. Juste un petit quelque chose avec le cerf-volant, retouché par le Studio Dubois qui regroupe les grands spécialistes français de la 3 D.

Les petits ruisseaux décrivaient le voyage d’un septuagénaire redécouvrant la vie. Pour son prochain film Pascal Baraté plantera ses caméras dans l'univers d'Intervilles, et il l'a promis, il n'y aura plus de voiturette.

Le Rex, 364 avenue de la Division-Leclerc, 92290 Châtenay-Malabry - Renseignements : 01.40.83.19.81 Site du Rex : http://cinema.lerex.free.fr/

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