Il ne reste que quelques jours pour voir l'exposition au Quai Branly. Le 28 janvier il sera trop tard pour entreprendre ce voyage dans la vallée de la Bénoué. C'est la rivière qui est le principal affluent du grand Niger qu'elle traverse sur plus de 1000 km.
Statues féminines ou maternités, statues-colonnes, masques-heaumes, récipients anthropomorphes en terre cuite ... tous ces objets ont joué un rôle primordial pour les habitants de la vallée.
Les récipients en terre cuite anthropomorphes de la haute Bénoué se démarquent des sculptures en bois et des mascarades de la basse et moyenne Bénoué. Ils étaient conservés dans un sanctuaire communautaire pour invoquer la protection des hommes qui partaient au combat ou à la chasse au gibier.
Ce récipient, à gauche, est le plus ancien objet collecté sur le terrain et présenté dans l'exposition. Il a été rapporté par l'expédition allemande de 1894 menée par le baron Von Uechtritz et le géographe Siegfried Passarge.
On peut admirer beaucoup de sculptures de femme assise anjenu comme celle que l'on voit ci contre, à droite. Les parties blanches sont obtenues avec du kaolin, qui se trouve facilement près des fleuves.
On rapporte que des femmes avaient le pouvoir d'attirer les esprits naturels masculins et féminins appelés anjenu, qui résidaient dans la Bénoué et les petits cours d'eau de la région.
Ces esprits demandaient à leurs disciples endormis de se joindre à eux et, en échange de leur loyauté, promettaient de guérir leurs infirmités. Ils avaient aussi la vertu de préserver la fertilité des femmes et la santé de leur progéniture.
D'autres révèlent des maladies, comme celui-ci où l'on distingue la proéminence d'un goitre.
L'originalité de ce masque composite en bois et pigment qui a été porté lors des mascarades de Noël réside dans un assemblage élaboré anthropomorphe et zoomorphe, ce qui le différencie particulièrement des autres types de masques de la région.
Les éléments permettent de supposer qu'il a été fabriqué ailleurs et laissent apparaitre de fortes similitudes avec les masques boki. Il illustre l'importante circulation des objets de la région.
Ce masque éléphant en bois, pigment et peinture, a été photographié dans un village d'Otobi en 1958, 1976 et 1986. Il date d'environ 1944 et appartient aux collections permanentes du Quai Branly. Il symbolisait la grandeur et le pouvoir destructeur du chef local.
La personne qui le portait était vêtue d'un linceul indigo, jeté sur le coprs comme une cape, par dessus d'autres vêtements qui lui donnaient une apparence plus imposante. Sa danse était dangereuse : il faisait irruption dans le village, renversait les plates-formes sur lesquelles séchaient les aliments faisait tomber des pots pour la cuisine ici ou là et dispersait la foule des spectateurs qui se tenaient à une distance respectueuse.
Cet éléphant Itrokwu, très stylisé, porte trois longues extensions représentants les deux défenses de l'animal et sa trompe. Il est également doté de deux petites oreilles sur le haut du masque, ainsi que deux autres "oreilles" plus longues se projetant à l'arrière.
Cet autre présente une large scarification faciale, de longues "moustaches de chat" qui s'étendent de part et d'autre de la bouche jusqu'aux oreilles. Il est typique des masques Igala.
Cette coiffe élaborée rappelle un autre masque-cimier en alliage cuivreux. Celui qui la portait, lors de funérailles, était entièrement enveloppé de tissus et de filets.
La création de ce type d'objets a cessé dans les années 1850, après l'implantation en royaume Ebira, des forces islamiques du nord et la conversion à l'islam des chefs ebira, interdisant ainsi toute fabrication d'objets rituels non musulmans.
On peut voir aussi une figure marionnette Tiv antérieure à 1931, en cuir et pigment. Cette "poupée" était associée aux cérémonies biamegh durant lesquelles le crâne d'un nouveau défunt était ajouté aux reliques de ses ancêtres.
Des sculptures en argile très élaborées étaient confectionnées, l'une à l'image du défunt de son vivant, l'autre une fois mort. Il est difficile de déterminer l'usage de ces figures en cuir. Elles attestent d'une probable évolution de fabrication des sculptures en argile vers de nouvelles matières. L'ornementation est finement réalisée. De grands cercles dessinés autour du nombril, dépeint les modèles caractéristiques de scarifications féminines Tiv.
Cette "poupée" en cuir très ouvragée a été collectée par R.C. Abraham, ancien distict officer chez les Tiv à l'époque coloniale britannique.
Azume fut une artiste renommée et très sollicitée en son temps pour ses sculptures en terre cuite principalement féminines. Elle est décédée en 1951. Voici une de ses oeuvres en céramique.
On ne sait pas aujourd'hui si ses sculptures étaient essentiellement destinées aux femmes goemai et à l'élite locale pour des fins rituelles ou simplement considérées comme des objets très prestigieux. Le style artistique d'Azume est naturaliste et se différencie ainsi de l'approche schématique de la maternité sculptée par un artiste masculin.
Sculpture Mumuye féminine en bois, de la première moitié du XX° siècle.
Sculpture Montol, datant de 1950, en bois, pigment et matières végétales. Les Montols utilisaient des figures simples ou par paire dans une association masculine appelée Komtin, dont la vocation première était curative. Ces figures pouvaient être utilisées afin de déceler les causes d'une maladie.
Les masques verticaux mumuye étaient portés avec des costumes complets. Une petite ouverture à l'avant permettait au porteur de voir. Ce masque, ci contre, à gauche, appelé Sukuru, a été sculpté par l'artiste Lenke, originaire du village de Zinna.
Sur la droite, un masque-heaume anthropomorphe Mumuye de la fin du XX° siècle en bois, fibre végétale et kaolin.
On voit aussi beaucoup de masques anthropo-zoomorphes horizontaux qui rappellent la configuration tripartite des autres masques présentés dans l'exposition, mais leur plus grand raffinement sculptural leur procure une remarquable couleur locale. Des cornes de bovins verticales ainsi qu'un large museau leur donnent un aspect zoomorphe, tandis que les rayures du cimier faisaient probablement référence à des tresses de cheveux, leur conférant une dimension anthropomorphe.
Des photos permettent de se représenter concrètement l'emploi des masques., surtout ceux qu'on désigne sous le nom de poterie surmontée. On y attachait directement une cape fluide en fibres d'hibiscus et le porteur déambulait pendant la mascarade mumuye Vaa-Bong qui se déroulait à la fin de la saison des pluies dans le village de Pantisava. Cette performance coïncidait avec un rite funéraire durant lequel des pots, ornés d'un sommet en forme de buffle nain, semblable aux masques eux-me^mes, étaient brisés afin d'éloigner les morts des vivants.
Rien de surprenant à ce que le suivant soit un masque-antilope. Il provient du village de Sha, et est en bois. Il est antérieur à 1952.
Cette tête relativement naturaliste surmontait jadis un récipient à bière (béji) exposé par les Tula sur une place rituelle où il pouvait être utilisé lors des cérémonies destinées à protéger les chasseurs. Elle est en céramique et est antérieure à 1970. La sobriété des visages des récipients tula constraste acec l'aspect davantage extraverti des objets conçus par les jen, les Longuda et els Cham-Mwana.Ci-dessous ce récipient en céramique était destiné à guérir les maladies infantiles(jina kwimtiyu) Cham-Mwana fin du XX° siècle.
Ce masque-heaume royal (Agba) Igala de la basse Bénoué de la fin du XIX° siècle en bois et peinture polychrome est une des pièces que je préfère.
Ces remarquables sculptures de basse Bénoué présentent des traits stylistiques similaires avec des incisions faciales élaborées et de grands yeux à lourdes paupières.
C'est que les idées et les objets se transmettaient de communauté en communauté, ce qui complique le travail de recherche sir elurs auteurs etou leurs utilisateurs, probablement différents.
Ce type de masque-heaume était porté lors de mascarades en l'honneur des membres royaux du peuple igala. D'autres ont été documentés chez les Jukun qui vivent à près de 320 km en amont de la Bénoué.
Profitez de votre venue pour explorer le plateau des collections dont je vous rappelle qu'il présente des oeuvres rassemblées par continent, les Amériques, l'Afrique, l'Asie et l'Océanie.
Certaines oeuvres sont gigantesques, comme cette façade de maison cérémonielle et ce tambour horizontal à fente du Bas Sépik (Papouasie) tous deux du XX° siècle.
Cette grenouille est un détail d'un énorme tambour en bronze provenant de Java et datant du IV° siècle.
Voici des poteaux funéraires australiens qui eux ont été sculptés au XX° siècle ci-dessus, et une statue androgyne pré-dogon ci-dessous.
Autres articles relatant des manifestations du Quai Branly : un "Before" le 6 juillet 2012, une cérémonie du thé le 8 juillet 2012, un "autre Noël" le 26 décembre, la peinture Aborigène le 4 janvier 2013 ... et l'exposition Cheveux chéris jusqu'au 14 juillet prochain.
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