Il n'y a guère que Janine Boissard à être prévisible parce que coté météo c'est plus ce que c'était. Seule Janine est invariablement stable. Avec un roman annuel, une fois chez Robert Laffont, une fois chez Fayard (qui donc publiera le prochain, je peux déjà vous le certifier).
Les lecteurs la suivent quel que soit la tournure du scénario, thriller psychologique chez l'un, ou roman familial chez l'autre. Et ils ont bien raison. D'abord parce que la différence est subtile et surtout parce que les livres de cet auteur se lisent avec bonheur.
Même quand ils ne se concluent pas sur une vraie happy end on a l'assurance d'avoir touché l'universalité des sentiments. Avec elle on réfléchit à la question qui anime toutes les scènes de théâtre en ce moment : qu'aurions-nous fait à leur place ?
Le dernier n'échappe pas à la règle. Il s'agit d'un cas de conscience et chacun pèsera ce qu'il y a à gagner et à perdre à faire des révélations. Toute vérité n'est pas bonne à dire ... mais Chuuut! je vous en ai déjà trop dit.
C'est elle qui a choisi la couverture. Sans doute en songeant à la petite fille qu'elle fut et qui a supporté elle aussi le poids de très lourds secrets familiaux. Ce n'était pas dans la région productrice de Cognac mais dans un château situé dans les Ardennes. Les adultes croyaient sincèrement protéger les enfants en leur cachant ce qui ne correspondait pas à leur idéal de vie. Mais chuuut ... vous n'en saurez pas davantage.
Ne croyez pas que Janine Boissard soit adepte du grand déballage. Il n'est pas question de tout dire. La tactique n'est pas meilleure. Par contre ne comptez pas sur elle pour édulcorer la réalité. Elle se lâche carrément pages 211 et suivantes en lançant une diatribe contre les mille et une façons d'édulcorer la vérité. Elle s'énerve de la manière dont on travestit les problèmes. Par exemple un aveugle ne voit pas et ce n'est pas en le désignant sous le terme de déficient visuel que sa condition se trouvera améliorée.
Sa colère est savoureuse et salutaire. Appeler un chat un chat n'a jamais rendu souffrant. C'est le handicap qu'il faut combattre, pas son nom.
Les lettres argentées ou dorées du titre, selon la lumière qui se profile sur la couverture, font l'effet d'un clignotant incitant à démarrer la lecture. On entre dans une grande famille et pour nous faciliter le repérage, Janine a exigé de l'éditeur la présence d'un arbre généalogique en page 8. Ce n'est pas indispensable et même si on ne s'y reporte que rarement il est utile de savoir qu'il existe.
Des grands-parents bienfaisants. Quatre frères et soeurs aux tempéraments bien trempés dont trois seulement vivent au château avec leurs six enfants ... Parmi eux deux jeunes filles qui s'aiment comme des soeurs, un garçon différent qui se révèle autiste ... Tout ce petit monde vit un bonheur relatif jusqu'à l'arrivée inattendue d'un septième cousin dont le prénom est le nom de code du livre.
Depuis l'enfance son lot est de survivre. Nils a vécu à l'étranger, loin de cette famille qui va l'accueillir comme l'un des sien et qui va soudain commettre un crime impardonnable. On devine dès la lecture du résumé, parce qu'on est intuitif ou parce que l'auteur l'a bien voulu, que ce jeune homme n'est pas coupable de ce qu'on lui reproche. On porte les soupçons sur un autre mais ne va-t-on pas trop vite en besogne ?
Saurez-vous décrypter l'amertume du Tout ça pour ça (p. 76) avec lucidité ? Penserez-vous encore que la société se compose simplement de deux groupes, les bons et les méchants ? Reconnaitrez vous les types de silence qui se superposent au fil des pages ?
Dans ce nouveau livre, l'auteur tricote les relations familiales comme à son habitude, sans concessions mais avec bonté. Les personnages ne sont pas des héros extraordinaires mais ils ont des convictions et ils se débattent dans des questionnements modernes. Il y a peut-être pas de Wonder woman comme on en voyait dans Une vie en plus mais il y a tout de même des caractères féminins bien trempés, et qui n'ont pas peur d'affronter les problèmes.
Le thème de la filiation demeure au coeur de l'intrigue. C'est un leitmotiv dans l'oeuvre de Janine Boissard qui rappelle volontiers qu'on n'est pas responsable de sa naissance. On retrouve le motif de Loup-y-est-tu ? (p. 44) avec cette petite voix qui ordonnait : sauvez-le !
L'auteur va chercher le détail, une odeur qui vont rendre la scène authentique. Brusquement tout est là et l'émotion est clouée net. On peut tous être assassin, innocent ou juge et il suffit parfois de peu de chose pour libérer notre violence. C'est important de ne pas l'oublier.
Chuuut! de Janine Boissard est publié par Robert Laffont
en librairie aujourd'hui
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