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samedi 23 mars 2013

Frères de sang de la Compagnie Dos à Deux en création à l'Onde (78)


(mise à jour 2 avril 2013)
S'il existait un Molière du théâtre sans paroles il serait décerné à Frères de sang sans contestation possible. C'est un des spectacles les plus aboutis que j'ai vus.

On ne dit pas théâtre sans paroles, mais théâtre gestuel. Je le sais. Je préfère ma tournure parce qu'il y a de très beaux moments où l'action n'est pas corporelle. Certains désignent aussi cela sous le terme de théâtre d'objets. On pourrait tout aussi bien parler de théâtre d'ombres et de lumières, comme faire allusion à la danse.

André Curti et Artur Ribeiro ont fondé la Compagnie Dos à deux en 1997. Ils combinent l'évocation et la narration en composant des tableaux qui tiennent parfois de la magie ou de l'illusion d'optique. Chapeau bas en premier lieu (même si ce n'est pas leur objectif) pour la performance physique et la prise de risques qui ne passe pas inaperçue à un oeil exercé.

Que l'absence de dialogues ne déroute pas les non initiés. L'histoire est très écrite, et ne laisse place à aucune improvisation une fois qu'elle a été fixée. On comprend immédiatement que le spectacle obéit à un scénario, et que les séquences ne sont pas découpées au petit bonheur.

Si comme moi vous avez vu Fragments du désir, vous croirez savoir à quoi vous attendre. Et pourtant, je vous prédis une surprise à la mesure de leur talent. Immense.

Je suis partagée entre deux positions. L'envie de vous décrire la beauté des images, car c'est bien de cela qu'il s'agit, d'évocations oniriques qui font écarquiller les yeux. Et, au contraire, garder le silence sur cette histoire très particulière.

Le moindre mal serait que je me limite à la description communiquée aux spectateurs mais alors à quoi sert-il que j'écrive ce billet ?
Imaginez un noir intense. Deux hommes, dos à dos, dont le profil est progressivement mis en lumière. Ils se retournent, semblent se découvrir ... Ils se tournent autour. On ne voit pas qu'ils se rapprochent l'un de l'autre pour s'étreindre ... ou se frapper ...

Des voix d'enfants se font entendre au loin. Flash back. Le ballon est démesuré dans les bras d'un homme qui se revoit enfant. Le doudou- chien en peluche est toujours là pour exacerber la joie ou la jalousie mais les vêtements du Père ne sont plus qu'une coquille vide dans le fauteuil roulant.
Après des années d’éloignement, les deux frères se retrouvent le jour de son enterrement. Une épreuve qui commence par la toilette.
Les retrouvailles sont tendues, à la limite de l’implosion, leurs relations étant tissées de sentiments d’amour et de haine. Alterneront des séquences très joyeuses, portées par une musique enlevée comme le Rhum and Coca-cola des Andrews Sisters avec d'autres images quasi surréalistes comme l'arrivée du choeur des pleureuses.
Les secrets sont vite perceptibles. Le public devine le drame qui se tait. Parce qu’il y a eu un autre concernant le troisième frère, celui qui n’est plus ... et dont leur mère n'a pas encore fait le deuil dans la maison familiale, boite évoquant un castelet.
Le récit s'accélère dans une surenchère insensée, souvent drôlissime, entre les deux frères, ou les trois, parce qu'on se laisse volontiers embarquer dans leurs souvenirs sans chercher à prendre parti. Ils revivent les jeux de l'enfance comme des gosses, le tourniquet, le ping pong, la promenade du chien ... ressuscitant leur frère, et leur mère, dans un nuage de fumée.
Comme le dit la sagesse populaire, jeux de mains ... jeux de ... bref, c'est l'accident. Chatouilles et réanimation ne feront pas de miracle.
S'ils sont concurrents, ils n'en sont pas moins complices et la ronde reprend avec son cortège de chamailleries, de bataille de polochons (absolument magnifique) et de goûter d'anniversaire.

Le récit devient haletant, très cinématographique jusqu'à nous faire revivre la pièce entière en accéléré. C'est une performance, rendue possible grâce à un travail d'écoute intense entre les comédiens.
Frères de sang
écriture, mise en scène, chorégraphie et scénographie André Curti et Artur Ribeiro
avec Cécile Givernet, Matias Chebel, André Curti et Artur Ribeiro
Musique originale : Fernando Mota
Marionnettes et costumes : Natacha Belova
Accessoires, perruques et maquillages : Maria Adelia et Marta Rossi, assistées de Morgan Olivier et Camila Moraes; Décors : Demis Boussu; Lumières : Bertrand Perez et Artur Ribeiro
Direction de production : Nathalie Redant

La création a eu lieu sur la scène de l'Onde le jeudi 21 mars 2013 et le spectacle sera en tournée tout le mois d'avril. Voir les dates sur le site de la compagnie. Les lecteurs de la banlieue sud retiendront la date du mercredi 3 avril à La Piscine de Chatenay-Malabry (92)
Les photos qui ne sont pas logotypées A bride abattue sont de Xavier Cantat.

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