Darius a été créé au Théâtre du Chêne Noir dans le festival d'Avignon Off en juillet 2016 avec Clémentine Célarié et Pierre Cassignard. Il est maintenant à l'affiche au Théâtre des Mathurins.
Ce texte, lauréat du prix Durance-Beaumarchais SACD 2014, est une correspondance entre un grand parfumeur déchu et une mère qui cherche à faire vivre à son fils une vie exaltante, malgré son handicap et une fin de vie qui s'annonce proche.
Au commencement, Claire écrit à ce cher Monsieur Lagarce, comme elle l'appelle, une lettre lui demandant de concevoir un parfum pour que son fils Darius, pluri-handicapé, à qui il ne reste que le toucher et l'odorat pour voyager, puisse encore vibrer. On craint alors l'artifice puisqu'on entend un air de piano alors que l'actrice se trouve elle-même devant un orgue à parfums où manifestement elle ne peut être. Mais scène après scène, le spectateur sera touché par la sincérité qui émane de cette correspondance insolite, ce qui ne l'empêchera pas de sourire souvent, de rire parfois.
Mis en scène par Anne Bouvier, le spectacle réussit à nous toucher sans verser dans le pathologique. C'est que Darius a le moral robuste, dira sa mère et que celle-ci est d'une détermination sans faille, prête à forcer la main du parfumeur. Son refus sera de courte durée et on comprendra plus tard quel malheur l'a coupé de la création. Il acceptera de faire revivre au jeune homme des moments précieux à travers les odeurs d'une maison, d'une ville qu'il a traversée quand il était encore vaillant comme Rochefort sous la pluie et bien plus encore.
Le texte de Jean-Benoît Patricot est très juste : l'odeur et la saveur restent encore longtemps quand d'un passé ancien rien ne subsiste.
On en ressort en ayant réactivé nos propres madeleines proustiennes. Je me suis précipitée en rentrant sur un vieux fond de Magie noire dont l'effluve orientale, boisée et chyprée me propulse toujours instantanément à Washington en 1979. Mais j'aurais adoré pouvoir humer deux des créations commandées par Claire, le marché de L'Isle-sur-la-Sorgue et surtout celui de la rue Daguerre où j'ai longtemps habité et qui ne me semble pas être demeurée dans son jus, comme on dit.
Le jeu de séduction entre l'homme et la femme est subtile. Les demandes de Claire semblent sans bornes, tout comme les réponses du créateur qui restitue jusqu'au soleil sur la Villa Médicis, provoquant chez Claire des accélérations du rythme cardiaque et des hallucinations. Après Proust, c'est Stendhal qui est invoqué à travers ce syndrome psychosomatique.
Nous sommes prêts à suivre leurs échanges, émouvants, parfois sensuels, jamais tristes malgré une issue qu'on s'apprête à fatalement accepter ... après plusieurs rebondissements.
Clémentine Célarié joue en finesse, ce qui lui vaut d'être nominée pour le Molière 2017 de la comédienne dans un spectacle du théâtre privé. Son partenaire, Pierre Cassignard ne démérite pas pour autant.
Mise en scène Anne Bouvier
Avec Clémentine Célarié et Pierre Cassignard
Scénographe-plasticienne Emmanuelle Roy
Musique Raphaël Sanchez, Lumières Denis Koransky
Jusqu'au 30 avril 2017
Théâtre des Mathurins, 36 rue des Mathurins, 75008 Paris - 01 42 65 90 0
Reprise à la Comédie des Champs-Elysées avec Dominique Pinon
Du 23 juin au 1er juillet 2018
Du mardi au samedi à 21h, Dimanche 16 h
Puis à partir du 3 juillet 2018
Du mardi au samedi à 20h30, Dimanche à 16 h
Relâche le 21 juillet
Photos Richebé
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