Xavier Jaillard s’était immergé dans l’œuvre d’Emile Ajar pour adapter la Vie devant soi. Travail remarquable qui lui valut un Molière l’an dernier. Les interprètes s’étaient coulés dans son texte et le public a suivi. La tournée qui s’achève a toujours fait salle comble. Je l’avais vu en début de saison au théâtre Jean Arp de Clamart (92) et j’avais énormément apprécié.
Cet immense travail avait du lui faire entrevoir toutes les facettes possibles de ce sentiment si particulier : la tendresse. C’est donc avec allégresse que je me suis rendue au théâtre du Petit Hébertot pour voir –si j’ose dire- du pur Xavier Jaillard car ces 5 pas ont été avancés en quelque sorte en toute liberté.
Il a le mérite de débusquer cette affection là où elle n’est pas ou plus naturelle comme à l’instant de sa mort, au cours d’un voyage intergalactique. Mais ce ne sont pas les épisodes que j’ai préférés.
Au risque d’être un peu mièvre il me semble que la tendresse est le sentiment de la maturité, et que son émergence ne peut pas être spontanée. On ne se lève pas le matin avec l’objectif d’être tendre avec le premier venu. Et si on fait référence aux tendres années c’est avec le recul de l’âge.
Reste qu’un bon (ne) comédien(ne) devrait pouvoir tout jouer. Le jeune Momo de La vie devant soi incarnait malgré tout davantage la candeur que la tendresse. Alors je ne sais pas s’il faut imputer la faiblesse de certaines scènes à la jeunesse des interprètes, aux dialogues ou aux situations …
Les 5 pas de Xavier Jaillard, qui en fait sont 6 séquences indépendantes sont des pas inégaux. Profondément justes et touchants dans Soixante-dix-septième étage, Une île au soleil et J'ai trouvé un oeuf de Pâques, un peu moins dans L'amour dans les étoiles et Ci-joint Rupture.
La poupée mécanique et le spationaute fleur bleue sont moins aboutis, de même que le règlement de comptes entre les deux F malgré une jolie formule : si je te quitte c’est pas pour t’oublier … mais pour acquérir de l’espace et du temps. Leur jeu est trop nerveux pour qu’on adhère à leur projet qui serait d’inventer l’amitié comme preuve que leur amour n’était pas une erreur. L’utopie n’est pas nouvelle.
La grand-mère qui visite son petit-fils en prison connait bien la vie. Pas besoin de pousser les limites pour le savoir : il faut être actif pour ne pas penser aux bêtises et hisser le drapeau blanc marquant l'abandon de la rébellion. Christian Suarez interprète le (petit) rôle du jeune toxico avec énergie. Il est disons plus discret en tant que metteur en scène des saynètes. Pourtant il en connait un rayon sur la question puisqu'il vient de signer aussi la mise en scène de Faut qu'on parle, un sujet similaire, joué en ce moment au théâtre Montorgueil, dont je ne peux rien dire de plus, n'ayant pas vu la pièce.
C’est peut-être quand il a tout pour être heureux que l’homme risque de perdre ce bonheur qu’il ne voit plus. La mère n’a jamais fini d’élever son fils. On ne dira jamais assez qu’il n’y a ni bon Dieu ni providence. Chacun fait son chemin seul.
Xavier Jaillard est aussi maintenant le directeur du théâtre du Petit Hébertot. Faire vivre un théâtre privé n’est pas une mince affaire, même à Paris. Il faut enchainer deux spectacles par jour avec un court moment pour installer des décors, forcément réduits : peu de place pour stocker, pas de cintres pour les actionner et bien sûr pas de gros budget. Le spectateur sait tout cela. Il ne demande pas à être secoué comme il s’attend à l’être en allant voir une star prendre le train à l’Odéon (toute allusion à un spectacle ayant existé sera disons fortuite). Alors s'il vient effectivement au théâtre pour y vivre le seul voyage qui dure, celui des émotions qu'il prenne son billet en confiance.
5 pas dans la tendresse de Xavier Jaillard
Au Théâtre du Petit Hébertot, 78 bis boulevard des Batignolles, 75017 PARIS
Du mardi au samedi à 21 h et le dimanche à 16h30. Relâche le lundi.
Location et renseignements: 01 55 63 96 06
Crédit photos: Tchavdar Pentchev
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