J'ai publié essentiellement des photos dans les billets précédents, ici et là. Cette fois je vais davantage donner mon avis personnel sur le déroulement de la soirée. Si j'en crois les commentaires des spectateurs au début de la nuit, on peut penser globalement qu'elle fut réussie même si, cette année encore, la retransmission n'a pas enregistré un audimat important.
Certes la grande chaine généraliste concurrente retransmettait un match de foot. Difficile dans de telles conditions de faire le plein de téléspectateurs. La cérémonie a été bien dépoussiérée, avec une excellente pièce en lever de rideau et un nombre de remettants moins important pour éviter le coté "défilé". Laurent Laffitte, l'animateur principal de la soirée, promettait une punition à ceux dont les discours dépasserait les 2 minutes 30 mais au bout du compte la cérémonie aura duré une heure de plus que l'an dernier, ce qui n'est pas sans conséquence pour les invités qui voulaient rentrer par le dernier métro.
Il n'empêche que la critique la plus récurrente demeure une évidence : le théâtre ne peut pas faire large audience parce que c'est une affaire de spécialistes. Peut-être faudrait-il que France 2 pousse la réflexion plus loin.
Le commun des mortels aura-t-il apprécié le ton de Laurent Laffitte ? Son ironie au sujet de Pascale Arbillot lui vaut une gifle (prévue) en direct qui provoque le rire de la salle ... mais quand il annonce la pièce de Victor Aien au lieu de Haïm, on se demande si c'est par défaut de prononciation, de préparation, ou de lecture du prompteur anti-sèche. L'engin accusera d'ailleurs une panne un peu plus tard. Panne réelle ou là encore prétexte à délirer avec Guillaume Gallienne ? Je pencherais pour de la négligence parce que je l'ai entendu aussi appeler l'actrice Zazou au lieu de Zabou, un bafouillage imputable au désordre (voulu) de la coiffure de la comédienne qui partageait la scène avec Léa Drucker.
Bref la soirée oscillait sans cesse entre dérision et déraison. Entendre vanter des pièces qu'on n'a pas été voir ne peut pas fédérer les téléspectateurs. Le présentateur, qui est aussi humoriste et comédien (on l'a vu récemment dans le film de Guillaume Canet, Les petits mouchoirs), a posé d'emblée la question qui tue : Comment faites-vous pour voter, vous qui n'avez pas le temps d'aller au théâtre puisque vous êtes sur scène tous les soirs ? Je ne suis pas sûre que tout le monde ait saisi l'humour de la réponse de Françoise Fabian, d'Evelyne Bouix et de Marie-Christine Barrault : on fait comme les autres ... En clair chacun vote en son âme et conscience ... et c'est là que le bât blesse.
L'association des Molières pourrait réfléchir à un prix du public ou à quelque chose qui y ressemble. Personnellement je fais l'effort de voir au moins 80% des nominés, aussi bien dans le théâtre privé que sur les scènes publiques, même si je ne parle pas de tous sur le blog. Cela suppose une organisation assez complexe tout au long de l'année parce qu'on ne connait pas les nominations longtemps à l'avance. Lorsque la liste est annoncée il ne reste plus que trois semaines pour d'ultimes séances de rattrapage, si les spectacles sont toujours à l'affiche. Mais je ne changerai pas ma façon de faire et j'aime cocher le bulletin de vote en connaissance de cause.
Le théâtre est vivant et les captations ne sont pas toujours d'excellente qualité. Néanmoins il serait imaginable de prévoir un DVD avec des extraits de tous les spectacles nominés et qui serait envoyé aux votants du second tour afin de s'assurer davantage d'information, un peu à l'instar de ce qui se fait pour les Césars.
Ce même DVD pourrait être accessible sur Facebook ou Dailymotion et permettre un vote du public. En tout état de cause ce serait aussi un moyen de promotion formidable pour le théâtre qui souffre un peu en ce moment. Car en dehors des soirs de première les salles ne sont pas toujours comble, loin de là. Même avec des têtes d'affiche. Il est de notoriété publique qu'un grand acteur du cinéma, dit "monstre sacré", a fait annuler plusieurs représentations au motif qu'il ne voulait pas jouer devant un parterre clairsemé, sans doute de crainte de loupe sa standing ovation quotidienne.
France 2 essaie chaque année de faire mieux mais les modifications n'ont pas systématiquement un effet positif. Ainsi faire remettre le trophée des nouveaux talents par ceux qui l'ont reçu l'an dernier est une idée astucieuse ... sauf si le grand public n'a précisément pas entendu parler de ces ex-lauréats depuis douze mois comme c'est très probablement le cas pour la néanmoins très talentueuse Alice Belaïdi, aussi étonnante cette année dans une robe blanche très courte et très glamour que dans la (trop) longue robe rouge qu'elle portait l'an dernier.
Et puis accorder cette fois-ci tant de temps d'intervention à Guillaume Gallienne alors qu'il était certain qu'il serait sur scène pour remettre le Molière de la révélation masculine et que la probabilité qu'il obtienne celui du second rôle était manifeste ... ne risquait-il pas de lasser le téléspectateur ?
Judith Magre, avec trois Molières précédemment gagnés était hors concours. Elle est venue avec sérénité à plusieurs reprises pour remettre quelques récompenses. Michel Galabru, déjà présent l'an dernier, assurait cette fois la présidence d'honneur, sans se départir de son humour, plutôt décapant. Jugez plutôt : il nous dit que les médailles, à son âge, c'est mauvais signe...
Était-ce d'ailleurs bien raisonnable de le faire intervenir quatre fois ? Il est reparti extrêmement fatigué en se dispensant du cocktail.
Il y a chaque année un moment d'humour. En 2010 ce fut Jean-Claude Dreyfus (là encore il était surprenant que ce soit un nominé qui fasse un numéro ... comme si on craignait à l'avance qu'il ne remporte pas de trophée). Cette fois ce fut Michel Fau qui se lança dans une interprétation kitchissime de la chanson-titre du premier album de Carla Bruni, "Quelqu'un m'a dit".
L'ironie de la situation était double. D'abord Michel Fau a mis en scène au théâtre de la Madeleine Nono, une pièce de Sacha Guitry, qui valait à Julie Depardieu une nomination pour le Molière de la comédienne et à Brigitte Catillon (absolument formidable) pour celui du second rôle féminin. Ni l'une ni l'autre n'obtinrent une récompense.
Ensuite étaient dans la salle la maman de Carla et sa sœur, Valéria Bruni-Tedeschi, nommée pour le Molière de la comédienne pour son rôle dans Rêve d'automne qui, amusées au début, n'ont guère apprécié d'être indirectement ridiculisées.
Ceux qui ont trouvé la situation franchement drôle ce sont Shirley et Dino, et surtout Jean-Michel Ribes, le patron du Théâtre du Rond-Point (venu cette année encore avec un chapeau original) où Michel Fau exécutait le fameux tour de chant intitulé "L'Impardonnable et Pathétique Revue dégradante de monsieur Fau" où figurait bien entendu la chanson en question. Programmer une telle séquence c'était s'assurer les "redif" en boucle sur you tube. N'y aurait-il tout de même mieux à prévoir ?
Les collusions entre les nominations et les apparitions devraient être évitées car elles provoquent de la confusion. De la même façon le fait d'avoir prévu un Molière d'honneur pour Peter Brook rendait très probable que sa flute enchantée reçoive le Molière du théâtre musical. Le metteur en scène était d'ailleurs visiblement gêné de toutes ces aller et venues. Il confie avec humilité n'avoir jamais su où ses créations le menaient ni par quel chemin. Désignant sa canne, il y vit une métaphore pour signifier que l'on peut toujours se dépasser.
Cassant la règle qu'il s'imposait de ne pas allonger son temps de discours en multipliant les remerciements il a tenu à rendre hommage à Sotigui Kouyaté, qui fut son acteur fétiche et qui nous a quitté il y a un an. Le comédien avait reçut l'Ours d'argent du meilleur acteur au 59e Festival international du film de Berlin, en février 2009.
Juliette Binoche affirma que son Ubu roi lui valut d'avoir ressenti une révélation pour le théâtre. Nous avons tant voyagé avec vous ! Un chiffon suffisait à nous faire croire ... lui dit-elle en souriant avant de se sauver en coulisses où elle posa en coup de vent devant la meute des photographes.
Meute est bien le terme idoine pour qualifier le comportement de ces professionnels de l'image hurlant sans cesse pour capter le regard des invités qui eux avaient la tête ailleurs. Je m'étonne toujours de la nécessité qu'ils ont à employer des flashs (par respect pour les personnes que j'ai en face de moi je ne l'utilise jamais) alors qu'ils ont des appareils bien plus sophistiqués que le mien. Mon Pentax suffit entièrement à mes besoins d'ailleurs. Quand je compare ce que j'obtenais avant de l'avoir, je n'arrive pas à comprendre l'indulgence des lecteurs. L'article sur les Molières 2010 est illustré de façon piteuse.
Je promets encore de m'améliorer en potassant le mode d'emploi car j'ai trop tendance à me reposer sur ses performances automatiques. Mais revenons à nos professionnels ... il y a même eu un esclandre au moment où, dans la bousculade, une photographe, la seule femme de l'assistance, hormis moi, s'est retrouvée sur le dos les quatre fers en l'air, moment que je n'ai pas immortalisé, par respect, tout simplement. Un cliché, intentionnellement flouté, retrace l'ambiance de la salle de presse où on se pressait effectivement beaucoup.
Vous pouvez parcourir la presse. Vous verrez partout des prises de vue semblables, comme si on avait dupliqué le même tirage alors qu'il était sans doute possible de faire preuve de caractère ou d'imagination, ce que je me suis amusée à tenter de temps en temps, au risque de louper la photo classique qui aujourd'hui manque pour illustrer la chronique. La belle affaire !
Je préfère vous montrer les plus beaux pieds du monde que Bulle Ogier serrant sa statuette. Un reporter de mode aurait sans nul doute été attiré par le sac de l'une, les hauts talons de l'autre, la cravate des politiques (beaucoup de rose, curieusement) et les rayures très jean-paulgaultiennes de Christian Hecq, Molière du meilleur comédien, assorti à la tenue marinière d'Arthur Jugnot.
Il était venu remettre le Molière du théâtre jeune public à Vy, une création de Michèle Nguyen dont quatre nouvelles représentations auront lieu à Paris en ouverture du festival Ô4vents, le festival Jeune Public du 4e arrondissement, les lundi 23 mai à 10h & 14h et Mardi 24 mai à 14h & 18h30, au Centre Wallonie-Bruxelles.
Parmi les photos que je regretterais presque de ne pas avoir prise il y aurait celle d'Édouard Baer, tout frais sorti du maquillage, venu plaisanter en salle de presse en ayant encore autour du cou la collerette de papier protégeant sa veste de la poudre.
Je suis ravie que le Repas des fauves (dont j'avais dit beaucoup de bien sur le blog avant la cérémonie) soit récompensé au bout de cinq ans d'effort pour convaincre des producteurs d'accepter la pièce. Sans l'aide de Dominique Paturel, qui jouait dans le film éponyme, nous n'aurions pas eu ce plaisir. Et comme le faisait remarquer Julien Sibre avec humour, le théâtre Michel (à deux pas du très connu théâtre des Mathurins) se fait un prénom ... Mais lui attribuer 3 Molières c'est beaucoup. Il serait opportun de distinguer donc mieux les trophées individuels des récompenses collectives. Il serait astucieux qu'un spectacle ne puisse pas concourir dans plusieurs catégories car on sait bien que lorsqu'on est excellent on l'est en tout. Alors on assiste au trust des nominations et au final le nombre de spectacles récompensé est faible. Il est dommageable pour l'ensemble de la profession de donner l'impression qu'il n'y a qu'une toute petite poignée de bonnes pièces, ce n'est pas vrai.
On a même entendu Muriel Mayette, l'administratrice de la Comédie française, conclure que les Molières avaient d'une certaine manière récompensé la grande maison en additionnant les trophées de tous ceux qui appartenaient à ce théâtre ... sauf tout de même celui de Catherine Hiégel dont on sait dans le milieu qu'elle en a été éjectée (c'est le mot juste) il y a quelques mois. Le satisfecit de l'administratrice, à propos de la complicité extraordinaire qui règne dans la troupe sonnait étrangement.
Catherine Hiégel, avec beaucoup d'émotion, a joliment dédié sa récompense à sa fille, Coline Berry, signifiant par là qu'il ne faut jamais baisser les bras, même si, en coulisses, elle refusait d'avancer sur le terrain de la revanche. C'est la reconnaissance du public qui la motive le plus, et elle a bien raison.
Et puis, au risque de fâcher certains, et même si le règlement le permet pour l'instant, il n'est pas logique non plus qu'un spectacle puisse être nominé deux années consécutives. Que penserait-on si Cannes ou Hollywood remettait une statuette à un long-métrage qui serait sorti l'année d'avant sous prétexte que le film vient d'être disponible en DVD ?
Quand on observe les photos des invités et qu'on remarque la longueur de la prestation sur scène de Valérie Bonneton on se dit que France 2 a perdu une belle occasion de promouvoir la saison 3 de Fais pas ci fais pas çà et qui du coup aurait pu jouer à fond sur ce tableau et se garantir une audience record.
On a vu en effet Valérie alias Fabienne Lepic depuis 2007, la femme de Guillaume ... Guillaume de Tonquédec alias Renaud Lepic, Eva Darlan, alias Marie Françoise, la mère de Valérie (ci-contre en robe manteau noire), Pascal Légitimus et Mathilda May, invités de la saison 2, qui tous étaient dans le public ce soir.
France 2 avait renouvelé l'option "lever de rideau" avec peu après 20h35 la pièce Jeux de Scène de Victor Haïm, (ci-contre avec sa fille Mathilda May), adaptée et mise en scène par Zabou Breitman et interprétée par elle-même et Léa Drucker, revenues en fin de soirée "en tenue de dames".
C'était drôle, excellent, alerte ... mais si est-ce que ce morceau est de nature à gagner des spectateurs ? Le souci est que cela retarde d'autant les remises des trophées. Ne vaudrait-il pas mieux la diffuser en différé, en "tomber de rideau", pour ceux qui voudront rester devant leur poste en fin de soirée, ou qui pourront l'enregistrer et la regarder ultérieurement ? Du coup les invités pourraient arriver à Créteil en milieu d'après-midi, assister en direct à la totalité de la cérémonie, et ne pas subir de problème d'horaires de transports pour leur retour.
Ou mieux encore, programmer la diffusion d'une pièce gagnante dans la foulée de la cérémonie, ce qui n'est pas si difficile puisque le Repas des fauves était retransmis la veille sur Paris première, et en direct !
Au moins n'a-ton pas entendu huer le ministre de la culture qui écouta et applaudi l'intervention rituelle sur les intermittents du spectacle qui, malheureusement, finissent par se fondre dans les décors.
Rendez-vous l'année prochaine ... et d'ici là éteignez votre télévision et allez au théâtre qui le vaut bien.
Vous retrouverez la liste des nominés et des récompenses dans ce billet.
2 commentaires:
Il a effectivement appelé Zabou "Zazou", mais il a également appelé Léa Drucker "Marie Drucker". Oui, bien sûr, c'était une blague !
Le plus énorme moment est quand même, à mon sens, celui où Binoche dit à Brook qu'elle a vu son UBU d'Alfred Jarray ! J'a ri !
Il y a blague ... et lapsus ... Il peut y avoir l'effet de l'émotion, même pour des comédiens. Le plus énorme reste pour moi l'aveu concernant le vote par des jurés qui majoritairement n'ont pas vu les spectacles.
Ce serait facile de contrôler et modifier les choses mais la profession ne veut pas de changement.
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