Auvergne, produits du terroir et recettes traditionnelles, voilà le dernier opus qu'Albin Michel a édité dans la collection composant l'Inventaire du patrimoine culinaire de la France. On a bien cru que l'Auvergne ne "sortirait" jamais. Et pourtant quelle richesse !
Je vais aujourd'hui faire un focus sur deux produits que j'ai eu le plaisir de déguster au Salon de l'agriculture il y a quelques semaines.
La pansette de Gersat précède le Paté aux pommes de terre dans cet ouvrage qui est une mine de renseignements, respectivement page 166 et 167. Je ne conseillerais pas de les inscrire tous les deux à la queue leu leu dans un même menu parce que l'un comme l'autre est copieux. Mais tout est question de goût. Et le second est une alternative intéressante pour ceux qui ne devaient pas consommer de viande, en particulier les vendredis.
J'ignorais tout de la pansette de Gerzat qui est une spécialité du Puy-de-Dôme. Son histoire remonte au Moyen-Âge, quand le paysage n'avait rien à voir avec les campagnes céréalières que l'on voit maintenant. La région était recouverte de marécages. Si les riches trouvaient à se nourrir correctement, pouvant s'offrir un gigot, les pauvres devaient pratiquer une économie de subsistance. Ailleurs le ventre du mouton était jeté aux chiens ou enterré. En Auvergne, il a toujours été nettoyé, préparé, cuisiné. Vous me direz qu'en Ecosse aussi on fait de la panse de brebis farcie ... le "fameux" haggis" tant raillé par l'humoriste Jacques Bodoin. Il paraitrait que là-bas on ne lave pas les ventres.
Tous les Gerzatois fabriquaient leurs pansettes, même s'ils n'élevaient que 2 ou 3 moutons. Le bonnet constituait une enveloppe d'une dizaine de centimètres de diamètre dans laquelle on mettait les autres parties de l'estomac de l'animal : le feuillet, la panse, la caillette, et puis aussi de l'oignon, du sel et du poivre. Quelquefois on ajoutait des chaudins de porc à la farce pour lui conférer davantage de moelleux. Mais faute de cet adjuvant on prenait simplement des légumes, pommes de terre, lentilles ou chou. Tout cela n'a plus cours.
La cheminée fonctionnait en continue et cela ne coutait pas plus chère d'y accrocher un chaudron. Le premier geste que l'on faisait en emménageant était de pendre la crémaillère dans la cheminée à cet effet. Le terme est resté.
La pansette cuisait entre 10 et 12 heures dans un bouillon aromatisé de thym et de laurier. Le problème aujourd'hui est de trouver ces panses qui sont des bas morceaux dont les abattoirs ne prennent aucun soin et dont le prix, paradoxalement devient élevé, de l'ordre de 13 € le kilo. Si bien que le producteur doit aller s'approvisionner jusque Millau, parfois plus loin.
C'est que, à la foire à la pansette, qui a lieu le 2ème week-end d'octobre, à Gerzat comme il se doit, il s'en vend une dizaine de tonnes. Imaginez le nombre de moutons qu'il aura fallu sachant qu'une pansette ne pèse que 300 grammes.
Une confrérie des paladins de la pansette a été créée pour défendre ce produit peu connu. A voir leur tenue on ne dirait pas que son origine ne remonte "qu'à" 1996. Avec une devise simple et percutante : la pansette, pensez-y ! A Gerzat, on en a !
Patrick Dumont est un artisan qui la fabrique de manière traditionnelle, sans conservateur ni colorant. Chez lui la cuisson des pansettes se fait toujours en marmites traditionnelles et dans leur propre bouillon afin de conserver leurs qualités gustatives. Il ne manque pas d'idées pour les consommer de diverses façons, au naturel, à la poêle, an sauce au vin blanc ou au bleu d'Auvergne.
Jacqueline, qui est une des palladiens que j'ai rencontrée au Salon de l'agriculture, recommande une moutarde produite dans l'Allier, la moutarde de Charroux.
L'inventaire du patrimoine culinaire de la France est né d'une initiative de Jean Ferniot qui dans les années 90 s'émouvait de voir disparaitre des produits qu'il fallait d'urgence sauver de l'oubli. Il souffle alors dans l'oreille de Jack Lang l'urgence de rédiger un grand inventaire national, région après région. L'Auvergne est le 23ème volume de la série des 25, la région Centre étant le 24 ème, la Réunion le dernier. Et on se demande s'il ne faudrait pas prévoir un 26ème puisque Mayotte est désormais un département français d'outre-mer.
C'est Mary Hyman qui en a assuré la rédaction avec son mari Philipp. Elle nous a dit l'essentiel de ce qu'il fallait savoir sur les spécialités avant qu'on ne commence à les déguster.
Le Paté aux pommes de terre est une spécialité de l'Allier depuis 1789. C'est là encore un plat de pauvres consommé les jours où la viande était interdite. Ils n'auraient pas eu l'argent pour acheter du poisson. Aujourd'hui c'est un accompagnement gargantuesque des gros appétit qui ne s'effraient pas de le manger avec un pavé de Charolais.
Il a l'aspect d'une tourte, recouverte d'un chapeau doré, légèrement bombé au centre. Une cheminée permet d'y glisser un ou deux verres de crème fraiche en fin de cuisson. Ne reste plus qu'à pencher le pâté dans tous les sens pour que la crème se répande. Voilà pourquoi il est moelleux. La recette traditionnelle n'emploie pas d'oignons ni de persil. Je le préfère chaud mais il reste excellent une fois refroidi, même sans pavé.
Dans quelques jours je vous parlerai de deux autres, la gentiane (à consommer avec modération) et le fromage aux artisous, et le week-end du 28 avril je reviendrai sur le sujet à travers les fromages de cette région qui est invitée d'honneur au Festival des AOC de Cambremer.
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Dimanche 22 avril 2012 : La gentiane et le fromage aux artisous
Auvergne, produits du terroir et recettes traditionnelles, de Mary et Philipp Hyman, collection composant l'Inventaire du patrimoine culinaire de la France, éditions Albin Michel 2011
Patrick Dumont, charcutier-traiteur, 29 rue Jean Jaurès, 63360 Gerzat 04 73 25 04 11
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