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mercredi 18 avril 2012

My week with Marilyn de Simon Curtis

On parle beaucoup d'elle. Il n'y a pas que sa beauté pour inspirer autant de films ou de spectacles ... elle dégageait sans doute des sentiments très contradictoires et sa disparition si brutale ajoute au mythe.

Après Poupoupidou, la charmante comédie policière de Gérald Hustache-Mathieu et Norma Jean, l'adaptation que John Arnold a faite cet hiver pour le théâtre d'après Blonde de Joyce Carol Oates, voici un nouveau regard sur l'icône américaine.

Colin Clark, qui fut troisième assistant, autant dire le grouillot de service, sur le tournage de The Sleeping Prince, par et avec Laurence Olivier, va très vite s'intéresser à l'actrice principale, qui n'est autre que Marilyn Monroe herself. Le fond de l'histoire est vrai et le scénario a été écrit à partir du livre éponyme de Colin. C'est la première réalisation de Simon Curtis pour le grand écran et c'est un film très plaisant.

D'abord pour l'aspect reconstitution historique. Il est amusant de revoir l'Angleterre du milieu du siècle dernier, les bobbys et leurs drôle de casque, les jeux de fléchettes des pubs, la passerelle qu'on avance à la descente des avions, l'incandescentes des flashs des photographes, les claps et les sonneries annonçant le début et la fin des prises de vues, les chapeaux sur la tête des femmes, et même le foulard noué sur les cheveux de Marilyn.

Les décors sont pour la plupart authentiques. Ce sont les studios de Pinewood, les mêmes que ceux où, en 1957, fut réalisé Le Prince et la danseuse, qui servent de cadre aux principales scènes. Des séquences ont également été tournées à Hatfield House, au château de Windsor, à l’université d’Eton et sur les rives de la Tamise. Enfin on reconnaitra Parkside House, qui avait été la résidence de Marilyn Monroe pendant la durée du tournage du film de Laurence Olivier.

Plus fort encore, l'actrice Judi Dench, qui interprète le rôle de Dame Sybil Thorndike dans le film, a déjà eu l'occasion de rencontrer Marilyn, en 1958, au Old Vic Theatre de Londres. Elle dit en interview en avoir gardé le souvenir charmant de sa fragilité intime comme de son art exceptionnel pour jouer la comédie. Cela donne aux scènes où elle encourage la jeune femme une authenticité qui, autrement, aurait pu être artificielle.

Le titre original, The Sleeping Prince fait nécessairement penser au titre anglais de la Belle au Bois Dormant, The Sleeping Beauty, et on est tenté d'établir des ponts entre la réalité et le cinéma. Toujours est-il qu'à partir d'une histoire vraie (Colin a réellement passé une semaine auprès de l'actrice) le réalisateur nous fait un portrait assez nouveau de cette femme dont les fragilités sont intenses.

Les dialogues sont économes et parfaitement équilibrés. C'est un vrai plaisir que de l'entendre en version originale. Michelle Williams y est une Marilyn plus vraie que nature, sans doublage pour les scènes chantées ou dansées, interprétant avec justesse sa voix, sa démarche et ses attitudes, son sourire, ses clins d'oeil ... et son désespoir aussi. Elle apparait pétrie d'angoisse, et pourtant si naturellement fraiche. Elle se sent misérable quand son entourage la juge divine. La disproportion entre ce qu'elle ressent et ce qu'elle émet est constante, ce qui la place en décalage.

On sait depuis longtemps combien les artistes peuvent souffrir de leur célébrité. Brigitte Bardot, Sheila, Claude François ont suffisamment exprimé combien il leur était difficile d'avoir une vie "privée". Mais en 1956 personne ne se rend compte de ce que doit supporter une jeune femme comme Marilyn. Les bousculades pour obtenir un autographe sont incroyables. La scène tournée à Eton contraste judicieusement, montrant une jeune femme à l'aise en société, capable de s'imiter elle-même, pourvu que le nombre de ses admirateurs soit limité.

Elle est alors capable de faire preuve d'un charme fou ... parce qu'elle se sent en confiance. Et sa manière toute particulière d'apprivoiser la caméra est éclatante. Son aura est à ce moment là à son apogée. Dans toutes les autres situations c'est la petite fille perdue, en mal de mère et de père qui habite son légendaire peignoir blanc. Absolument inconsciente de la jalousie qu'elle suscite.

Sir Laurence Olivier, Larry pour les intimes, alterne la colère et l'agacement avec une admiration béate que Kenneth Branagh rend à la perfection.

L'actrice était arrivée à Londres au bras de son troisième mari, Arthur Miller, un intellectuel qu'elle admirait mais qui la dominait. Il part après une violente dispute et l'actrice perd toute sérénité. C'est le jeune Colin qui va éviter la catastrophe en comprenant qui elle est vraiment. Ils vont s'accorder réciproquement, comme deux instruments de musique.

Mais cette femme est une attraction permanente, dans tous les sens du terme. Sans pointer le caprice le film montre néanmoins en quoi elle avait un caractère dévorant. L'expression "la plus grande star, la plus petite fille" résume assez bien le paradoxe. Et son regard enchanté devant la (très grande) maison de poupée royale est assez magique.

Un mot sur la musique du film, par un compositeur français, qui n'hésite pas à reprendre le tube de Prévert est Kosma que l'on reconnait immédiatement alors que le couple file en voiture, à peine visible derrière les vitres :
The falling leaves drift by the window
(...) I miss you most of all my darling
When autumn leaves start to fall
Ces feuilles mortes annoncent la fin de l'histoire avec nostalgie. Bien que le film ne le soit pas. C'est un regard particulier, et plutôt amoureusement bienveillant sur une femme exceptionnelle, que l'on a le sentiment de comprendre maintenant un peu mieux.

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