C'est haletante que, une fois arrivée, il a fallu descendre tout en bas des marches. Pour rejoindre ce qui reste une salle de cinéma. En effet le ciné 13, tel qu'il est aujourd'hui, a été construit en 1983 par Claude Lelouch qui a entièrement décoré le lieu à l’occasion du tournage du film Edith & Marcel. Je vous recommande d'occuper un des immenses fauteuils des trois premiers rangs. A cette taille là le mot sofa conviendrait davantage. C'est impérial.
Les enfers sont confortables. Nous sommes prêts pour une joute oratoire de 80 minutes entre un Montesquieu respectueux des lois, comment pourrait-il en être autrement ? et un Machiavel qui, s'il n'a pas inventé le machiavélisme, lequel existait bien avant lui (l'homme est un loup pour l'homme) en est le maitre incontestable.
C'est savoureux. Les comédiens maitrisent le sujet, leurs personnages aussi. On aimerait que la raison l'emporte. On voudrait croire comme Montesquieu, alias Jean-Pierre Andréani, que les peuples les plus libres soient aussi les plus élevés, et vice versa.
Quand celui-ci brandit le droit comme vérité fondamentale, Machiavel, alias Jean-Paul Bordes, s'en saisit comme d'un levier pour soulever le monde. Tout est bon ou mauvais selon l'usage qu'on en fait, minaude-t-il avec finesse.
Cet adepte de "la fin justifie les moyens" met son copain du moment au défi. Et celui ci pourtant intelligent va plonger avec naïveté mais la partie n'est peut-être pas terminée. le spectateur suivra le match avec attention. L'Etat, les Lois, la Constitution, la Police, la Presse pourront-ils demeurer libre ou devront-ils plier sous la pression ?
Bien entendu les deux hommes ne sont pas contemporains, mais leur dialogue est très convainquant et l'Histoire, avec un grand H fourmille d'exemples qui illustreraient les propos. Le texte a été écrit contre Napoléon III en 1865 par Maurice Joly et "malheureusement" il n'a pas pris une ride. Il n'a pas été nécessaire d'en changer une ligne. C'est à désespérer de l'être humain, surtout à la veille d'une élection présidentielle.
Heureusement qu'il nous reste le rire, car cette joute oratoire est plus savoureuse qu'un grand débat télévisé. Seul bémol à cet excellent affrontement, les intermèdes musicaux sont grinçants, assourdissants. On en ressort en se demandant si on ne pourrait pas imaginer un Dialogue au Paradis ... c'est qu'on prend toujours les enfants du bon dieu pour des canards sauvages.
Dialogue aux Enfers au Ciné 13 Théâtre, jusqu'au 19 mai 2012 à 19 heures
1 avenue Junot, 75018 Paris
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