La première photo annonce le double sujet de cet article.
Il sera question de ce phare, le seul qui s'élance à 43 mètres de hauteur au-dessus de l'île d'Oléron, à la pointe septentrionale, et la subsistance d'étranges constructions marines que sont les écluses à poissons. C'est une spécificité régionale qui est en cours de disparition, pour de multiples raisons et ce n'est pas la force de l'érosion qui arrangera les choses.
Le Phare de Chassiron est situé près de la ville de Saint-Denis-d'Oléron. Il se découvre de loin, depuis les terres en toute logique mais il a été bâti sur une falaise rocheuse pour alerter les marins et leur permettre de rentrer sans trop de crainte dans les eaux du pertuis d'Antioche, lieu semé de récifs et réputé pour ses nombreux naufrages.
Il fut électrifié en 1930 et il est aujourd'hui équipé d'une lampe halogène 1 500 de 28 miles de portée (52 km).
C'est d'ailleurs toute l'île qui est dangereuse, même si on ne saurait la comparer au Finistère. J'ai vu des épaves au sud.
Un voilier s'est récemment échoué sur la plage de Saint-Trojan en se fracassant sous la dune qui soutient la voie de chemin de fer du petit train touristique.
Chassiron est le plus ancien phare de France encore en activité après celui de Cordouan. La première tour du phare de Chassiron, de 33 mètres de haut, a été construite sur ordre de Colbert en 1685. C'est le second feu bâti sur les côtes française après celui de Cordouan, élevé lui en 1355. À l'époque, Rochefort était un arsenal militaire de la marine royale. Ce dernier avait une position stratégique car il était protégé côté terre par la Charente et côté mer par les pertuis charentais et les fortifications maritimes (Fort Louvois, Fort Enet, Fort de Fouras, …).
De nombreux naufrages ont eu lieu sur la côte découpée du nord de l'île. Il devenait alors essentiel de construire un phare pour orienter les marins et pour baliser l'entrée du pertuis. De façon à le différencier de ses voisins, que sont le phare des Baleines sur l'île de Ré et le phare de Cordouan dans l'estuaire de la Gironde, la tour Colbert était éclairée par deux feux de bois.
Deux siècles passèrent. La tour Colbert n'était plus assez efficace pour faire face au trafic maritime qui augmentait. Elle se situait trop près de la falaise qui recule très rapidement à cause de l'érosion à cet endroit de la côte, comme on le voit sur la photo ci-dessus.
Le deuxième phare de Chassiron, tel qu'on le connaît aujourd'hui, a été construit en 1834 et mis en service le 1er décembre 1836. Les fondations ont 18 mètres de diamètre et 3 mètres de profondeur sous le rocher. Les pierres proviennent de la carrière de Crazannes (Charente Maritime). Les marches, les perrons et la plate-forme sont des blocs de granit de Vendée. Ces matériaux ont été acheminés par gabares jusqu'au port de Saint-Denis.
La tour Colbert était blanche. Chassiron fut peint en 1926 de 3 bandes noires de 6 mètres de hauteur pour le rendre plus visible par mauvais temps, en particulier en cas de brouillard. Elles permettent aussi d'éviter de le confondre avec le phare des Baleines, situé à la pointe ouest de l'île de Ré, et qui est demeuré tout blanc.
Depuis 1998, il n'est plus gardé à demeure mais automatisé et contrôlé à distance. Il est entretenu par le bureau des phares et balises et surveillé par un contrôleur des Travaux Publics de l'État.
Ses 224 marches en colimaçon ne m'effrayaient pas et je me serais réjouie d'admirer les villes de La Rochelle, l'île de Ré, ainsi qu'une partie nord de l'île d'Oléron. J'aurais aimé visiter la rotonde qui abrite un musée. Les six salles du musée s’orientent, d’une part, autour de la découverte des pêches traditionnelles (pêche embarquée, pêche à pied, pêche à la courtine et pêche aux écluses à poissons) et d’autre part, elles évoquent l’agriculture partagée entre maraîchage et viticulture ainsi que les difficultés que rencontraient les paysans face aux vents et aux embruns qui brûlaient les récoltes. La crise sanitaire bloque tout, y compris les visites pédagogiques et les animations-spectacles. Une grosse déception pour les 165 000 visiteurs annuels. Heureusement que la reconstitution de l'écluse est à ciel ouvert, sinon nous en aurions été privé.
On peut juste tourner autour de ce monument et apprécier les plate-bandes qui s'organisent en étoile, comme celle d'une rose des vents. Il se compose de quatre bassins, de mobilier pédagogique, d'une partie jardin de type contemporain avec des graminées et autres plantes d'ornements, et d'une partie jardin traditionnel avec 21 variétés de roses, un potager et de la vigne.
L'endroit est labellisé Jardin remarquable, comme celui de la Boirie, créé il y a 25 ans par un acharné, à Saint-Pierre-d'Oléron, fermé pendant la pandémie, et qui abrite une étonnante collection de sauges, notamment la Salvia leucantha, la sauge de brousse mexicaine aux hampes violettes. A cette saison (nous sommes encore en hiver) il y a peu de fleurs. Ce sont surtout les jonquilles qui balancent leurs clochettes.
On remarque les palmiers qui suggèrent un climat d'une relative douceur car le vent doit souffler très fort sur le littoral à en juger par l'inclinaison des pins.
En repartant on est saisi par la beauté des massifs d'euphorbes dont la couleur tranche avec le gris bleuté des pieds de lavande.
Un chemin côtier, abrité des courants d'air permet de longer (prudemment) la falaise et d'apprécier le grondement des vagues sous lesquelles affleurent deux ou trois écluses, dont on devine les murs après avoir étudié le modèle réduit (mais conséquent) qui a été reproduit sur la terre ferme.
Cette construction en forme de croissant convexe face à l'océan est une réduction des pêcheries à poissons qui existaient à l'époque médiévale et dont 17 sont encore en service sur l'estran rocheux d'Oléron. Mais, attention, la pêche y est interdite pour le commun des mortels.
Recouvertes à chaque marée, les écluses, d'où la mer se retire à marée basse par des portes grillagées, positionnées au milieu du croissant, sont de véritables pièges à poissons sur la foue, plus bas que le niveau inférieur de la grille. Jusqu'au milieu du vingtième siècle, leur exploitation procure une part conséquente de la nourriture des populations insulaires.
Elles font partie du patrimoine maritime historique des îles charentaises. Leurs murs de pierres sèches doivent résister lors des tempêtes à des chocs de 20 tonnes au mètre carré. la construction et l'entretien des murs représentent un savoir-faire que les hommes se sont transmis jusqu'à nos jours.
On peut en voir un exemple encore quasi intact sur la commune de Saint Georges (ci-dessus) aux Sables Vignier. La dernière écluse, en descendant la côte, se trouve à l'Ecuissière. Les photos ci-dessous ont été prises à marée basse.
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