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La publication des articles est conçue selon une alternance entre le culinaire et la culture où prennent place des critiques de spectacles, de films, de concerts, de livres et d’expositions … pour y défendre les valeurs liées au patrimoine et la création, sous toutes ses formes.

dimanche 7 juillet 2013

La cuisine de l'Elysée racontée par Bernard Vaussion à Véronique André

A une semaine des festivités du 14 juillet, pour vous préparer à la garden party de l'Elysée, ou au contraire pour vous consoler de ne pas avoir reçu de carton, j'ai feuilleté le livre que Véronique André a écrit en recueillant les confidences et les souvenirs de Bernard Vaussion qui est le chef de ce prestigieux palais.

La cuisine des grands hommes est décidément d'actualité ces derniers temps puisque le film Les Saveurs du Palais, traitait déjà du sujet, en se limitant aux habitudes d'un locataire particulièrement exigeant, François Mitterand.

Bernard Vaussion est entré à l'Elysée en 1975. Il a tout vu, tout entendu, tout gouté bien sûr. Il ne révèle que des anecdotes dont il a été le témoin, mais qui ne sont pas des secrets d'Etat. Les informations qu'il a confiées à Véronique André, journaliste gastronomique, sont suffisamment savoureuses pour faire du livre une lecture intéressante à plus d'un titre.

D'abord parce qu'il est écrit avec honnêteté et précision, équilibre et respect ... sans pour autant verser dans la langue de bois.

Après avoir détaillé le protocole, il nous met l'eau à la bouche en restituant des menus qui ont réellement été servis sous les différents mandats. Ceux qui voudraient bluffer leurs convives en les réitérant pourront s'y risquer car les recettes ont été adaptées (par l'épouse de Bernard) et les proportions sont données pour 6 personnes. Elles restent à mon avis tout de m^me très complexes.

Le décor est grandiose. A commencer par la salle des fêtes ornée des tapisseries des Gobelins, non pas du Festin de Babette (ressorti sur grand écran cet hiver), mais de celui d'Esther.

Les chiffres sont impressionnants : 500 m2 de cuisine, une brigade de plus de vingt personnes, fonctionnant 24 heures sur 24. Trois fleuristes, une sommelière. 12 800 bouteilles dont la plus vieille date de 1906. Des nappes d'organdi de 37 mètres de long. 450 casseroles de cuivres, datant de 1845 et 1865, rétamées une ou deux fois par an. Des verres de Baccarat, de la porcelaine de Sèvres (ce qui m'a donné envie de retourner à la Manufacture) remontant jusqu'en 1826, des couverts Puiforcat, des surtouts Christofle.

Un dîner de 200 convives oblige à sortir 6500 pièces qui seront lavées à la main et séchées avec des linges de lin pour ne laisser aucune trace.

Tout est cuisiné sur place, sans fournisseur attitré, sauf pour le pain qui est livré quotidiennement par un boulanger qui change chaque année. Jamais de porc, par précaution, et pas d'alcool non lus dans les sauces.

Le protocole est codifié : les fourchettes sont posées, dents contre la nappe et les serviettes pliées en losange. Toutes les photos sont magnifiques. On s'y croirait.

La ponctualité et le tempérament économe du général de Gaulle sont sans surprise. Il a néanmoins fait installer la première cave à vins. On déjeune à 13 h 10 et on dîne à 20 h 15, précises. On apprend qu'il appréciait le sandwich jambon beurre et la bouillabaisse, et qu'Yvonne achetait elle-même les boites de petits pois en conserve dont ils raffolaient.

La gourmandise de Georges Pompidou fut légendaire. Les fromages étaient de tous les menus et il choisissait lui-même les vins. 

Valéry Giscard d'Estaing introduisit la nouvelle cuisine. L'homme fut, sur bien des terrains, le plus moderne de nos présidents. N'oublions pas que le droit de vote à 18 ans (qui lui coutera son second mandat), la légalisation de l'avortement, le premier Secrétariat d'Etat à la condition féminine, la politique familiale pour les travailleurs immigrés, c'est à lui que l'on doit tout cela.

François Mitterrand se régalait de caviar, d'où sans doute l'expression gauche caviar qui fut alors inventée. Tout le monde sait qu'il a imposé un chef personnel qu'il installa dans une cuisine parallèle. Il n'y avait pas de petite dépense avec lui et détestait dîner seul.

On apprend que Jacques Chirac avait (aussi) une passion pour le poulet rôti dominical qu'il découpait lui-même. Il a fait installer une rôtissoire dans les cuisines. Il appréciait aussi énormément els cuisines étrangères, surtout japonaise. Il fut le premier à s'intéresser au personnel des cuisines. Il réhabilite les potages pour les repas officiels.

Sous Nicolas Sarkozy on raccourcit le temps du service en ne servant plus ni fromage ni salade. C'est un gourmet mais qui reste peu de temps à table et ne boit quasiment pas de vin. Il fut économe comme le Général de Gaulle et prenait ses repas privés chez lui, à l'inverse de François Hollande qui les remet au goût du jour et qui réhabilite le service "à la française" pour les dîners d'Etat, ce qui rallongera le temps passé à table.

Etre chef de l'Elysée suppose de savoir garder des secrets, de vanter les recettes régionales, de s'adapter en toute humilité aux tendances et surtout aux desiderata de ses patrons.

Cuisine de l'Elysée - A la table des Présidents, par Véronique André et Bernard Vaussion, aux éditions Hachette Cuisine, novembre 2012

1 commentaire:

Over-cookée a dit…

Je l'ai reçu à Noël dernier et je l'aprécie beaucoup. J'ai testé la volaille en crôute notamment (mais sans les truffes) c'était très bon !

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