Il y a quelques jours je présentais des spectacles pour enfants. En voici deux autres, que j'ai vus au 11 Gilgamesh Belleville (11 boulevard Raspail - 84000 Avignon) qui s'adressent à un public au moins adolescent.
J'avais manqué Le Dernier Ogre au Festival Le Grand Dire de Chevilly-Larue mais il y a des rendez-vous qui se rattrapent ici pendant le festival d'Avignon.
Ensuite je vous parlerai de Vilain!, auquel je n'avais pas prévu d'assister et où je suis entrée suite à une erreur d'orientation. J'ai été bluffée par la performance. Je ne peux pas l'occulter même si je suis désolée d'avoir manqué un autre spectacle que je n'ai jamais pu reprogrammer dans mon agenda.
Le Dernier Ogre est la dernière création du conteur et metteur en scène Marien Tillet (compagnie Le Cri de l’armoire) et est programmé à 14 h 45. Lauréat en 2000 du Prix du public dans le cadre du Grand Prix des conteurs de Chevilly-Larue, cet artiste a participé ensuite au Labo de La Maison du conte pendant une dizaine d’années et également animé son atelier de formation. La compagnie est maintenant associée au Théâtre des Sources de Fontenay-aux-Roses.
C'est donc en toute légitimité qu'il avait présenté le 29 mars dernier au Théâtre André Malraux de Chevilly-Larue un spectacle qui combine le jeu (sous forme de conte ou de récit), les arts plastiques et la musique, les trois arts étant interprétés sur scène parallèlement et en direct, dans un mélange des genres pour le moins original. Sa proposition est contemporaine, intelligente, poétique, mais elle peut être perçue comme violente.
C'est d'abord aux paroles de Marien Tillet que le spectateur est sensible même si le guitariste est d'emblée impressionnant. L'histoire commence par un coup de foudre pour une maison, perdue au milieu d'un champ d'orge. Notre esprit en alerte a envie de tiquer et d'entendre les mots chant et ogre mais notre conscience nous interdit d'aller si loin alors que le comédien continue de semer ses petites graines : il y a mille bonnes raisons pour faire tel ou tel choix mais c'est toujours le motif irrationnel qui fait pencher la balance. Il peut suffire d'un rayon d'un soleil ...
Alors que l'homme explique sa décision, a priori rationnelle, de quitter la ville pour la campagne et tenter un changement radical de mode de vie un ogre va raconter, en alexandrins, l'irruption de sept garçons dans sa maison et ses efforts pour en protéger ses filles.
La très longue toile qui occupe le fond de scène s'anime au fur et à mesure. Ça commence imperceptiblement et notre esprit (décidément toujours à l'affut) croit discerner une maison perdue dans un vaste paysage. J'apprendrai plus tard que le scénographe et dessinateur Samuel Poncet (également concepteur des lumières) a recours à des projections liquides pour faire surgir un décor qui sera (hélas ?) éphémère.
Le geste artistique a quelque chose de magique puisque le résultat est en constante évolution -d'où son nom de live painting- et quelque chose de musical car il progresse au rythme de la musique sur une toile où les taches s'inscrivent comme des notes sur les lignes d'une portée en reliant le destin de l'homme à celui de l'ogre.
Le musicien et guitariste Mathias Castagné compose un univers sonore enveloppant, un peu angoissant mais tout à fait supportable sans doute parce qu'on le voit en chair est en os.
Quant au comédien, il alterne des passages chantés et slamés avec des adresses directes au public qui se trouve dérouté en permanence. Il parle seul mais il joue plusieurs personnes à travers des monologues qui ont des allures de dialogues. Textes et paroles sont magnifiques et l'envie de les lire (à tête reposée) est très forte afin d'en savourer toutes les inférences. Ils ont été partiellement publiés. On repère des histoires connues mettant en scène la figure de l'ogre. On hésite à prendre l'homme pour un fou ou un monstre mais on réfléchit inévitablement à notre position d'omnivore, voire de carnivore, en tout cas au rapport qu'on entretient avec la nourriture en général, avec la viande en particulier, sujet ô combien d'actualité.
Il y a tant de manières de cannibaliser ... ou d'être des parents abusifs ...
Dans une autre salle de ce même théâtre on pouvait voir à 10 h15 un autre spectacle combinant lui aussi (est-ce un hasard ?) les trois disciplines.
C'est Nelly Pulicani qui interprète le personnage principal de Vilain! Encore une histoire conçue dans le terrain fertile d'un conte, en l'occurrence Le vilain petit canard, qu'il n'est pas nécessaire de connaitre pour apprécier le moment.
La jeune femme avait fait l'adaptation et la mise en scène de Cent mètres papillon que j'avais vu (et immensément apprécié) l'an dernier en Avignon. Elle m'a autant enthousiasmée comme comédienne.
Alexis Armengol a imaginé là un spectacle d’une rare intelligence pour faire s’envoler les oiseaux et craquer l’écorce des arbres. Il y a de la peinture, là encore en live painting, du slam, du rap, et partout de la poésie. L’utilisation des outils modernes de sonorisation est optimale (c’est si rare). Sampling et beatboxing sont parfaitement exécutés à vue et en direct.
Zoé est orpheline et prisonnière de son passé qui, à l'instar d'un miroir déformant lui fait ressentir l'abandon après une tempête. Elle va s'emparer de ses souvenirs avec une énergie folle. Elle va nous les dire et les chanter tandis que la plasticienne Shih Han Shaw les dessinera et que Romain Tiriakian les soutiendra en musique.
La jeune femme raconte une histoire incrustée comme des ronces à l’intérieur de ses joues mais rassurez-vous tout va (vraiment) bien. Son imaginaire semble sans bornes.
On la comprend aussi bien quand elle s'exprime en français ou en coréen.
Allez y en famille ! Il n’y a pas d’âge pour apprécier cet univers inénarrable et néanmoins facile d’accès. Une tournée est prévue à partir de décembre prochain. Ne manquez pas ce spectacle !
C'est d'abord aux paroles de Marien Tillet que le spectateur est sensible même si le guitariste est d'emblée impressionnant. L'histoire commence par un coup de foudre pour une maison, perdue au milieu d'un champ d'orge. Notre esprit en alerte a envie de tiquer et d'entendre les mots chant et ogre mais notre conscience nous interdit d'aller si loin alors que le comédien continue de semer ses petites graines : il y a mille bonnes raisons pour faire tel ou tel choix mais c'est toujours le motif irrationnel qui fait pencher la balance. Il peut suffire d'un rayon d'un soleil ...
Alors que l'homme explique sa décision, a priori rationnelle, de quitter la ville pour la campagne et tenter un changement radical de mode de vie un ogre va raconter, en alexandrins, l'irruption de sept garçons dans sa maison et ses efforts pour en protéger ses filles.
La très longue toile qui occupe le fond de scène s'anime au fur et à mesure. Ça commence imperceptiblement et notre esprit (décidément toujours à l'affut) croit discerner une maison perdue dans un vaste paysage. J'apprendrai plus tard que le scénographe et dessinateur Samuel Poncet (également concepteur des lumières) a recours à des projections liquides pour faire surgir un décor qui sera (hélas ?) éphémère.
Le geste artistique a quelque chose de magique puisque le résultat est en constante évolution -d'où son nom de live painting- et quelque chose de musical car il progresse au rythme de la musique sur une toile où les taches s'inscrivent comme des notes sur les lignes d'une portée en reliant le destin de l'homme à celui de l'ogre.
Quant au comédien, il alterne des passages chantés et slamés avec des adresses directes au public qui se trouve dérouté en permanence. Il parle seul mais il joue plusieurs personnes à travers des monologues qui ont des allures de dialogues. Textes et paroles sont magnifiques et l'envie de les lire (à tête reposée) est très forte afin d'en savourer toutes les inférences. Ils ont été partiellement publiés. On repère des histoires connues mettant en scène la figure de l'ogre. On hésite à prendre l'homme pour un fou ou un monstre mais on réfléchit inévitablement à notre position d'omnivore, voire de carnivore, en tout cas au rapport qu'on entretient avec la nourriture en général, avec la viande en particulier, sujet ô combien d'actualité.
Il y a tant de manières de cannibaliser ... ou d'être des parents abusifs ...
Dans une autre salle de ce même théâtre on pouvait voir à 10 h15 un autre spectacle combinant lui aussi (est-ce un hasard ?) les trois disciplines.
C'est Nelly Pulicani qui interprète le personnage principal de Vilain! Encore une histoire conçue dans le terrain fertile d'un conte, en l'occurrence Le vilain petit canard, qu'il n'est pas nécessaire de connaitre pour apprécier le moment.
La jeune femme avait fait l'adaptation et la mise en scène de Cent mètres papillon que j'avais vu (et immensément apprécié) l'an dernier en Avignon. Elle m'a autant enthousiasmée comme comédienne.
Alexis Armengol a imaginé là un spectacle d’une rare intelligence pour faire s’envoler les oiseaux et craquer l’écorce des arbres. Il y a de la peinture, là encore en live painting, du slam, du rap, et partout de la poésie. L’utilisation des outils modernes de sonorisation est optimale (c’est si rare). Sampling et beatboxing sont parfaitement exécutés à vue et en direct.
Zoé est orpheline et prisonnière de son passé qui, à l'instar d'un miroir déformant lui fait ressentir l'abandon après une tempête. Elle va s'emparer de ses souvenirs avec une énergie folle. Elle va nous les dire et les chanter tandis que la plasticienne Shih Han Shaw les dessinera et que Romain Tiriakian les soutiendra en musique.
La jeune femme raconte une histoire incrustée comme des ronces à l’intérieur de ses joues mais rassurez-vous tout va (vraiment) bien. Son imaginaire semble sans bornes.
On la comprend aussi bien quand elle s'exprime en français ou en coréen.
Allez y en famille ! Il n’y a pas d’âge pour apprécier cet univers inénarrable et néanmoins facile d’accès. Une tournée est prévue à partir de décembre prochain. Ne manquez pas ce spectacle !
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