Je connais (un peu) Thael Boost dont je suis « amie » sur les réseaux sociaux. Nos points de vue s’accordent souvent. C’est donc avec un intérêt particulier que j’ai lu son premier roman tout en redoutant d’en parler ensuite (parce que c’est toujours plus difficile de chroniquer une œuvre de quelqu’un qui ne nous est pas totalement étranger).
Elle nous offre un ouvrage très personnel puisqu’elle raconte l’essentiel de ses rapports avec sa mère, une personne assez fantasque, au caractère bien trempé, et qui s’empêtre dans la maladie d’Alzheimer, cette dégénerescence qui rend double, qu’elle surnomme Schrödinger et dont elle dit aussi que sa conscience refuse de voir. La mère à côté. On en rit (p. 111).
Pourtant si, puisque La mère à côté est le titre qu’elle a donné à son roman. Le sujet a certes déjà été traité et par chance, il n’est pas l’essentiel du livre. L’important, c’est ce qui reste de la relation fusionnelle entre une fille non voulue par son père, et désirée par sa mère, alors que la mémoire se fait la malle et que tout fout le camp, pour parler comme Rosy.
A l’instar de ce qu’elle publie sur Facebook à propos des frasques de sa maman, et qui sont pour la plupart très drôles, le ton est souvent joyeux malgré la gravité de la situation. Nous sommes nombreux à savoir que nous devrons traverser semblable épopée, soit comme accompagnateurs de nos parents (je n’aime pas le terme d’aidants qui est plutôt galvaudé), soit comme combattants, avec le secours plus ou moins bienveillant de nos enfants, voire même enchaîner les deux postures à quelques années d’intervalle.
C’est dire à quel point nous pouvons nous sentir concernés. Combien de fois ai-je repéré cette manière de donner le change que l’auteure souligne. Les « je ne sais plus très bien, aide-moi. Les réponses au pif et les fulgurances aussi ». J’ai noirci des pages entières des remarques de ma mère, dans lesquelles je cherchais une cohérence que je n’ai jamais établie avec certitude mais j’avais le sentiment qu’elle avait un message à transmettre. Thael aussi a cette sorte de regret de ne pas avoir osé poser toutes les questions, ou du moins de ne pas avoir pu saisir toutes les réponses.
J’ai donc, à multiples reprises, reconnu tantôt ma mère, tantôt ma fille, et me suis sentie entre deux, pas encore à côté mais ça viendra. La lecture est de ce point de vue presque douloureuse. De même que j’ai eu parfois le sentiment de m’immiscer au sein d’une intimité qui me plaçait dans une position d’indiscrète tant la mère -comme la fille d’ailleurs- s’expriment sans filtre.
Et pourtant j’ai adoré ces instants de partage auxquels Thael m’a conviée et j’ai le sentiment d’être une privilégiée de les avoir vécus. Je pourrais jurer avoir pris un verre en terrasse avec elles deux.
Les chapitres sont courts. L’alternance irrégulière entre le présent et le passé dynamise le récit et lui apporte une certaine légèreté. On est tout le temps dans un élan vital. D’ailleurs, alors que je la redoutais, j’ai apprécié que la fin ne soit pas tragique. De toute façon, on la connait. Nul besoin de nous la raconter.
Le livre aborde aussi des sujets qu’on pourrait qualifier de périphériques comme la vieillesse en général et la condition de la femme. Rien ni personne ne nous prépare à cela, la femme âgée n’est pas qu’une petite vieille. La femme âgée est une femme comme les autres (p. 107). Et cette question du nom, dont on se demande pourquoi les politiques ne sont pas revenus sur la tradition qui prive les femmes de leur patronyme à partir de leur mariage. Et pourtant la loi est formelle : on ne change pas de nom, la preuve en est lorsqu’on vote. On demeure répertorié à son nom de naissance.
Thael Boost vit entre Paris et Nice. Elle est directrice au sein d’un cabinet de conseil et d’expertise comptable. Parallèlement, sa passion du livre l’a conduite à devenir une bookinstagrameuse reconnue dans la sphère des réseaux sociaux.
La mère à côté de Thael Boost, Anne Carrière, en librairie depuis le 13 mai 2022
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire