J'avais été invitée à une Flânerie littéraire qui m’avait placée en immersion dans la chambre de Moka, la soeur de Marie-Aude Murail, autrice elle aussi, et née comme elle au Havre.
Nous connaissons tous son premier roman, Escalier C, dont elle écrivit elle-même les dialogues pour le cinéma lorsque Jean-Charles Tachella décida de le réaliser en 1984. A cette époque, elle publiait sous son nom, Elvire Murail. Trois romans pour adultes suivirent puis elle décida de se tourner vers la littérature jeunesse. Nous sommes à la fin des années 80. Elle devient et restera Moka.
Elle a conçu depuis, plus de cent vingt livres, publiés pour la plupart par l’Ecole des loisirs dans les collections Mouche, Neuf et Médium, et qui explorent une veine policière ou une veine fantastique. Sa reconnaissance internationale lui vaut d’être traduite dans une quinzaine de langues.
L’extrait que Moka avait lu donnait envie d’en savoir davantage mais j’ai choisi d’attendre le moment propice, à savoir cette période d’Halloween. Et comme elle coïncide avec les vacances scolaires c’est une période idéale pour que les enfants prennent le temps de lire.
Une fois que je repris le livre il me fallut tout de même attendre la page 19 pour saisir à peu près de quoi il retournait quoique je n’ai pas compris (et même après avoir terminé la lecture) quel but poursuivait cet Institut Brumbeck. Peu importe, fiction pour fiction … j’ai malgré tout reconnu l’évocation de la chambre de la maison hantée dans le décor où je m’étais moi-même trouvée au cours de l’après-midi. J’ai retrouvé du même coup l’atmosphère particulière qui s’était installée dans la pénombre et la moiteur de cette chambre, éclairée de bougies, pendant que Moka nous faisait la lecture, masquée par le rideau de toile de jute de la salle d'eau.
Le titre du roman est aussi celui du chapitre 7, correspondant à la phase 3 de l’expérimentation (p. 63) et c’est à ce moment là que l’histoire m’a vraiment passionnée. J’ignorais tout de l’affaire de Philip le fantôme qui nous est rapportée comme exacte, selon la note de bas de page. Je ne fais pas partie des gens qui croient à ce qu’on appelle Poltergeist (le terme aurait d’ailleurs mérité d’être traduit : esprit frappeur).
Aurore croit que le croquemitaine habite chez elle. Tina croit en beaucoup de choses mais ne jure que par son Harley Davidson. Rémi ne croit en rien sauf en la Gendarmerie Nationale. Matthieu croit que moins on en fait, mieux on se porte. Jonas croit en la valeur nutritionnelle des chips. Le fantôme, quant à lui, (si tant est que nous lecteurs y croyons) croit que tous ces gens-là sauront lui venir en aide. Souhaitez-lui bonne chance !
Ce qui est intéressant dans la construction de Moka c’est qu’elle partage une histoire qui est tout à fait vraisemblable, et qui de plus nous replace dans ce que la Résistance a de plus sombre, surtout dans le massif du Vercors. Le lieu est un cadre idéal, truffé de failles et de gouffres, qui sont des lapiaz et des scialets, ce que j’ignorais également.
Les personnages sont attachants. Un ado, des jeunes adultes et des retraités, ce qui stimule un intérêt intergénérationnel chez les lecteurs. Un fantôme sur mesure n’est donc pas seulement un livre de littérature jeunesse accessible à partir de 13 ans pour éprouver tous les mécanismes de la peur.
Le visuel de la couverture illustre une scène clé qui est décrite page 80, à un détail près, la couleur de cheveux d’Aurore qui n’est pas brune mais blonde. Par contre ses yeux sont bel et bien bleus. Quant à l’illustration que j’ai choisie, il ne s’agit pas d’un phénomène paranormal mais du surgissement d’un arc-en-ciel à travers quelques gouttes de pluie qui tombaient sur la plage au moment du coucher du soleil.
Fantôme sur mesure de Moka, Illustration d’Emanuel Polanco, Collection Medium +, Ecole des loisirs, en librairie depuis le 21 septembre 2022
Photo du livre prise sur un massif de succulentes rampantes du nom de Carpobrutus, autrement dit Griffes de sorcières et qui sont très communes en bord de mer.
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