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mardi 11 octobre 2022

Make-up de Mathilda May

Depuis que Mathilda May a inventé son propre langage, avec Open Space en 2013, puis Banquet (Molière 2019 de la Révélation féminine pour Ariane Mourier, Molière 2019 de la mise en scène d’un spectacle de Théâtre public pour Mathilda May),  chacune de ses créations est un évènement.

Le titre de sa dernière mise en scène s’intitule Make-up et le titre résonne presque comme une allitération avec son nom.

Comme toujours, on ne comprend rien. Mais bien entendu, on saisit tout.

Il ne faudrait pas croire que le travail des comédiens s’en trouve facilité. Maîtriser les borborygmes est tout un art. Et chaque interprète a une tonalité singulière, ce qui rend la tâche particulièrement difficile pour celui qui doit incarner deux personnages différents. C’est d’ailleurs parfait car ce n’est qu’aux saluts qu’on réalise la prouesse.

Make-up signifie maquillage et la pièce raconte le tournage d'un film vu depuis le car-loge dédié à la coiffure, au maquillage et à quelques transformations spéciales. En l’espace d’une heure trente les incidents vont se multiplier, alimentés d’imprévus et de tensions … comme il en arrive dans la réalité d’une journée de tournage.

Le miroir est face public, à l’endroit même qu’on désigne par le terme de « quatrième mur »  dans le jargon théâtral. Les comédiens se regardent donc en plongeant leurs yeux dans ceux des spectateurs. La mise en abime est fort judicieuse pour nous faire vivre ce moment où le comédien devient personnage, sachant qu’il l’est déjà dès lors qu’il a quitté les coulisses, symbolisées par une porte.

Il a suffi à Mathilda de convoquer ses propres souvenirs pour construire la trame du spectacle. Et il est probable que le résultat qu’elle nous donne à voir est -sur le fond- en deçà de certaines réalités, notamment sur la manière dont les femmes peuvent être évincées des plateaux, surtout lorsqu’elles sont un peu âgées ou enceintes. Par contre, sur la forme, il est jouissif de passer d’un genre à un autre, la place belle étant donnée au mime, et à la caricature.

La cohabitation est tour à tour joyeuse, enthousiaste, forcée, colérique … ce qui nous donne à voir une palette d’émotions qui prennent corps dans une chorégraphie qui, parfois se répète comme un refrain, par exemple lorsqu’il s’agit de disposer des flacons sur la table. Mathilda fut danseuse et a gardé de cette époque tout son savoir-faire.

Les dialogues ont été conçus certes à partir d’improvisations mais ils ont été fixés depuis et rien n’est plus laissé au hasard une fois donné le top de départ. Tout est en langage codé, à commencer par l’injonction d’éteindre notre téléphone portable.

L’attention (je pourrais écrire la tension) des spectateurs est constante, exigeant une écoute paradoxalement très soutenue. Du coup, les arrêts sur image qui ponctuent le récit apportent un certain repos à notre cerveau même si on constate qu’à chaque fois un des personnages continue d’agir.

La mise en scène est très cinématographique, avec ces plans arrêtés, mais aussi avec des accélérés. Tout s’emballe alors, y compris la pendule dont les aiguilles s’affolent. Et comme au cinéma, nous avons droit à des bruitages d’une précision imparable et à une bande-son excellente.

Je ne saurais dire comment ils s’y prennent mais les comédiens parviennent aussi à déformer les images. Peut-être faudrait-il revoir le spectacle une seconde fois pour ne rien laisser échapper.

La soirée est ponctuée par tous les rires possibles. On est dans une autre galaxie. On se laisse aller à fredonner  Joyeux anniversaire avec cette troupe qui sait rendre chaque instant captivant. Du grand art !

Make-up de et mise en scène Mathilda May
Avec Arnaud Maillard Marc Maurille Patrick MazetYannik Mazzilli Dedeine Volk-Léonovitch Anouk Viale
Jusqu’au 30 décembre au Studio Marigny et en tournée à partir de septembre 2023
Le théâtre est situé carré Marigny, à l’angle de l’avenue des Champs-Elysées et de l’avenue de Marigny -75008 Paris - Téléphone : 01 86 47 72 77

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