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mardi 27 août 2024

Emilia Pérez, écrit, produit et réalisé par Jacques Audiard

Emilia Pérez est un drame musical français écrit, produit et réalisé par Jacques Audiard, sorti en 2024.

On attendait un peu le réalisateur au tournant après le grand succès de Un prophète. Celui-ci est encore "plus" et il fera date, le doute n’est pas permis. Tous les spectateurs sont unanymes pour convenir que c’est une ovni incroyable, en particulier ceux qui étaient réticents à le découvrir.

Moi qui connais bien le Mexique, je craignais un peu que le réalisateur ait utilisé les clichés rebattus sur ce pays. Pas du tout. Et pourtant il a rendu à la perfection l’atmosphère si particulière qui y règne.

La ritournelle qu’on entend sur le générique surprendra ceux qui n’y sont jamais allés. Les autres seront immédiatement en terrain connu. Elle résonnait plusieurs fois par jour quand je me trouvais dans le quartier de Polanco ou dans celui de la Roma. Elle est moins récurrente à Navarte mais les cris racoleurs des vendeurs ambulants au micro sur-puissant de leur camionnette (refrigeradores, lavadoras, micro-ondas, matelas, sommiers, …) restent très représentatifs de l’atmosphère de la rue. Vous n’imaginez pas combien leur litanie d’objets ménagers devient vite obsédante. L’entendre dans la salle de cinéma m'a réjouie. 

Le film commence aussi avec la musique des Mariachis sur une vue aérienne de la capitale, les musiciens typiques des mariages. Il s'achèvera par une musique d'enterrement au cours d'un défilé là encore très traditionnel.

On parle de mort et de violence mais quand les paroles sont trop dures à exprimer on chante et on danse. sur toutes sortes de rythmes, y compris le slam (Cuando tiempo mas ?) … combien de temps encore à s'entretuer … ? Il faut saluer la chanteuse Camille, qui a composé la bande originale avec son compagnon, le musicien Clément Ducol.

Camille chante dans le film mais aussi trois des quatre principales actrices du film, qui ont reçu un prix d'interprétation féminine collectif à Cannes : Karla Sofia Gascon, qui joue un parrain de la drogue mexicain en transition de genre, Zoe Saldana, qui campe son avocate, Selena Gomez et Adriana Paz.

Tout est soigné, y compris la scène de chirurgie plastique qui est filmée de façon très inventive. Plusieurs chorégraphies m'ont fait penser au travail de Pina Bausch.

Nous sommes certes dans l'univers de la comédie musicale mais les enchaînements sont si bien construits qu'on remarque à peine les changements et quand il le faut les comédiens adoptent le mi-parlé/mi-chanté. Avec un rendu émotionnel remarquablement juste, qui rend ce prix d'interprétation féminine collectif amplement mérité.

La porosité entre réalité et fantasmes est parfaite. Les sujets graves (les trafics, la pauvreté, les disparitions de personnes qui s'élèvent tout de même à plus de 110 000, ce qui est considérable) sont abordés en douceur et dans le respect des traditions locales. Beaucoup de figurants portent les costumes traditionnels brodés que l'on voit encore quotidiennement dans les rues est qui étonnent toujours les touristes. Et lorsqu'on entre dans l'appartement d'une modeste femme on remarque la nappe imprimée de Poinsettia, ces fameuses Nochebuenas si représentatives des tables de fêtes de fin d'année.

De ce fait on adhère et on croit à 100% à cette fiction inspirée de faits réels. A la toute fin on reconnait dans Las damas que pasan la si belle chanson de Georges Brassens, Les Passantes.

N'hésitez pas à vous laisser emporter par l'univers d'Emilia Pérez. Il relève de la magie.

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