J'ai été étonnée par la lecture du dernier roman de Marie Charrel. Jusque là, je le confesse humblement, je ne savais rien de Lana Del Rey, chanteuse pourtant ultra célèbre qui d'ailleurs fait l'ouverture ce soir des festival Rock-en-Seine.
C'est elle La fille de Lake Placid. C'est mieux de connaitre ses chansons et son univers musical, mais sans être nécessaire, ce qui fait que le roman est plutôt facile à lire.
Surtout si on aime la musique et comprendre ce qui alimente une vocation.
Lake Placid est l'endroit où la jeune Elizabeth grandit. En 1996, à 11 ans, elle échappe à la vigilance de ses parents pour retrouver son ami Parker dans les bois, la nuit. Un matin, les deux enfants tombent sur une mystérieuse femme nue, à la peau diaphane et à la bouche rouge sang, et Parker disparaît. Cette vision, réelle ou fantasmée, tout comme l'existence de cet ami, sera déterminante pour forger l'écriture de la future Lana dont on apprendra comment elle a choisi son pseudonyme, avec ou sans "a".
En 2019, Lana Del Rey est en Californie et tente de convaincre Joan Baez de monter avec elle sur scène pour chanter Diamonds and Rust comme celle-ci l'a fait autrefois avec Bob Dylan, the original vagabond. La reine du pop-folk des seventies est d’abord méfiante face à celle qu’elle prend pour un produit marketing. Mais au fil des jours, elle découvre une jeune femme intelligente, une artiste et, au-delà, une poétesse portant au cœur la nostalgie d’un rêve américain impossible et brisé. Alors, elle accepte de jouer avec elle lors d’un concert (qui s’est réellement produit), puis elle peindra son portrait (qui existe réellement).
Marie Charrel jongle entre les deux périodes et fait surgir dans une atmosphère souvent onirique, où s’entremêlent illusion et réalité, une jeune femme complexe et fascinante, mystérieuse mais attachante, irréductible à tous les clichés. Elle n'occulte pas son addiction pour l'alcool et ses cures de désintoxication, plus ou moins positives. Mieux en tout cas que sa grande idole Amy Winehouse, dont le biopic a récemment été porté à l'écran avec qui elle aurait rêvé de faire un duo autant qu'avec Joan Baez (mais on peut douter de l'influence qu'elle aurait eu sur elle).
Ce qui est particulièrement réussi dans ce roman c'est l'intelligence et la pertinence avec lesquelles Marie Charrel restitue les atmosphères et le parcours de vie de l'artiste. Elle s'est appuyée sur une très abondante documentations dont elle donne les références à la fin du livre. Elle s'est aussi inspiré du travail de David Lynch (cité p. 131) et de Sylvia Plath (p. 169) que Lana aimait beaucoup. Elle restitue à merveille le processus d'écriture et comment la poésie a conduit l'artiste à la composition musicale.
Longtemps elle s'est interdit de se penser digne de devenir autrice-compositrice-interprète et la révélation lui viendra d'Eminem p. 98). Jusque là elle écrivait des poèmes. Après avoir entendu le rappeur elle comprend qu'il est possible de tout dire avec des mots et qu'elle peut transmettre ses idées par la chanson.
Il faut lire ce livre si on est fan de la chanteuse, si on a d'elle uniquement l’aura sulfureuse de vamp gothique qu’elle a tissée pour se protéger est trop souvent prise au premier degré (p. 105) ou si on ne la connait pas du tout.
La couverture illustre l'atmosphère qui se dégage du roman et est bien dans le ton de la collection "Les Audacieuses" dont j'avais découvert Le portrait de Greta G. par Catherine Locandro.
La fille de Lake Placid de Marie Charrel, Éditions Les Pérégrines, en librairie depuis le 5 janvier 2024
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