La Générale de presse de Pasolini Musica a eu lieu le lundi 21 Novembre au Théâtre de Ménilmontant, 15 rue du Retrait 75020 Paris (Métro Gambetta). Cette représentation en avant-première a permis donner aux parisiens un avant-goût de ce spectacle musical qui est déjà programmé tous les jeudis à 20h30 dans ce même théâtre à partir du partir du 19 Janvier et jusqu’au 16 Février 2017
La création avait eu lieu quelques jours plus tôt au Théâtre de Chaoué à Allonnes (72) et des reprises sont prévues courant 2017 à Alençon (61), et au Festival d’Avignon Off 2017.
Pier Paolo Pasolini est mort assassiné en 1975 sur la plage romaine d'Ostie. Il n'avait que 53 ans. Poète, romancier, scénariste, pamphlétaire, auteur dramatique, réalisateur et acteur, il est l'artiste italien le plus célèbre du XX° siècle. Il n'est cependant pas nécessairement bien connu.
On peut lire sur l'affiche en dessous d'une photographe faite en 1953, une de ses maximes : Il faut s'engager non seulement dans l'écriture mais aussi dans la vie. On entendra cette recommandation à la fin du spectacle, quasiment en conclusion.
Ce spectacle musical (pour une chanteuse lyrique, une comédienne-chanteuse, un comédien-chanteur, un comédien et une multi-instrumentiste) nous montre la force de la vitalité de Pasolini dans toutes ses dimensions, y compris joyeuse.
La soirée commence avec une douce chanson troublée par des aboiements. Les notes de piano s'imposent sur le chant des cigales. Le romancier répondra à quelques questions dans le cadre d'un entretien pour Télésoir. Il ne cherche pas à flatter son interlocuteur et d'emblée jette que le peuple italien est le plus analphabète qu'il ait rencontré.
Miguel-Ange Sarmiento, qui est chanteur, danseur et comédien, se glisse à la perfection dans la peau du personnage. Ses partenaires ne sont pas moins intéressants et la répartition des rôles est équilibrée.
Stéphanie Boré, mezzo-soprano surprend très vite (parce que je ne la connais pas) avec la pureté de son interprétation de la Norma de Bellini (chanté autrefois par la non moins merveilleuse Maria Callas. Mais elle sera autant crédible en actrice qu'en paysanne) à peine entaché par le son de la machine à écrire du poète qui ne s'arrête pas souvent de travailler. On assistera toute la soirée au processus de création artistique selon Pasolini : genèse d’un poème, fragment d’une répétition, élaboration progressive d’un texte qui deviendra une chanson.
Nous sommes dans son studio/atelier de création, encombré d'une table de travail sur laquelle est posée sa machine à écrire, d'une rangée de vieux sièges de cinéma, de servantes (lampes sur pied pour des répétitions de théâtre), d'un piano droit et d’autres instruments encore sous des housses.
À l’avant-scène, un poste de télévision se déclenche parfois inopinément pour faire entendre les questions de journalistes provocateurs, auxquels Pasolini répond de plus ou moins bonne grâce. Il faut malheureusement se trouver dans les tout premiers rangs pour en saisir le sens.
La présence de ce type d'écran est tout à fait justifiée quand on sait combien Pasolini dénonçait notre aliénation à cette parole autoritaire que le média déverse sans mesure en se cachant derrière le masque de la démocratie, comme si quelqu'un d'irréprochable pensait pour nous.
Une deuxième comédienne-chanteuse (Eva Kovic) figure d’autres personnages populaires imaginés par l’artiste. Il arrive que certains de ces personnages chantent, accompagnés au piano droit acoustique, au clavier numérique, au violon ou à l’accordéon (par Solène Ménard).
Le spectacle se situe clairement en dehors d'une volonté pédagogique. Il ne s'agit pas de tout nous dire de la vie de cet artiste mais de restituer son engagement dans la défense de la sacralité du monde et la critique de son temps, et cela uniquement à travers des textes composés par Pasolini lui-même et traduits par René de Ceccatty, Vigji Scandella, Jean-Pierre Milelli, Jean Rougeul et André Roche.
La lumière souligne l’aspect non réaliste de la représentation. Elle vient rythmer et ponctuer le texte ou la musique autant que révéler des espaces de jeu. La mise en scène d'André Roche n'autorise aucun temps mort, aucune complaisance et l'ensemble est immédiatement puissant, animé de la "vitalité désespérée" propre à l'artiste.
La scène figure aussi, à certains moments, un espace mental dans lequel les souvenirs et les songes de l’artiste prennent forme. Des images naissent alors, projetées sur les murs (création de Éric Minette), sur les instruments ou même sur le corps des acteurs : des images fixes - photos anciennes de paysages italiens, portraits de ses jeunes amants, images de rassemblements politiques – et des images animées figurant des lucioles, symboles pour Pasolini d’un temps et d’un espoir révolus, alors qu'il se souvient, dira-t-il, du triste chant des grillons. On peut juste regretter que (pour le moment) ces images ne soient pas suffisamment reconnaissables.
Ne me mens pas est une très belle chanson (interprétée par Miguel-Ange Sarmiento). On a envie de noter toutes les paroles si justes qui résonnent encore avec actualité : les quelques personnes qui ont fait l'histoire sont celles qui ont dit non. / Scandaliser est un droit / Tout est politique.
On reconnait certains documents d'archives, comme la voix de Philippe Bouvard. Mais nul n'a besoin d'être érudit pour être saisi par le bruit des vagues, parce qu'on comprend que c'est bientôt fini, même si l'esprit du poète subsiste. On en sort remué, presque bouleversé, préférant conserver le souvenir de l'extrême dynamisme du jeu des comédiens et la joie qui se dégage dans de nombreuses scènes.
S'engager dans l'écriture comme dans la vie ne dispense pas d'être optimiste !
Textes et chansons de Pier Paolo Pasolini
Avec Miguel-Ange Sarmiento, Stéphanie Boré, Eva Kovic, Solène Ménard (ou Livia Naas en alternance), et André Roche
Adaptation et mise en scène d’André Roche
Musiques originales de Dmitri Negrimovski
Théâtre de Ménilmontant (Salle Le Labo), 15, rue du Retrait, 75020 Paris
Les jeudis 19 et 26 janvier et 2, 9 et 16 février 2017, à 21 h
Photos de © Denis Tribhou
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