Pour un oui ou pour un non est une pièce qui a été beaucoup montée et interprétée par de brillants acteurs (par exemple Jean-François Balmer et Sami Frey au Théâtre du Rond-Point en 1986).
Léonie Simaga qui en propose une mise en scène au Poche Montparnasse en est d'ailleurs familière puisqu'elle l'avait proposée à la Comédie-Française, avec une autre distribution et un décor différent.
Nathalie Sarraute n'a pas donné de nom à ses personnages, désignés seulement par le code H1 et H2. Il est arrivé qu'on aille jusqu'à demander aux comédiens de les jouer en alternance pour signifier combien les rôles sont interchangeables. En relisant mes notes je remarque que lorsque j'ai noté des mots prononcés par Nicolas je ne peux rien affirmer puisque les deux comédiens portent le même prénom.
La conception du décor, blanc comme une page qui n'est pas encore écrite, laisse tout pouvoir à l'imagination. Après une introduction musicale au violoncelle H1 demande à l'autre : Je voudrais savoir ... Qu'as-tu contre moi. Il reçoit une réponse qui ne va pas le convaincre : Mais rien, pourquoi ?
N'y a-t-il eu alors qu'une maladresse de langage, un quiproquo insignifiant ? L'affaire va monter crescendo car aucun des deux ne cède. Ce ne sont pas tant les mots qui sont en cause. L'homme blessé reconnait qu'il s'agit de mots qu'on n'a pas eu justement.
Alors quoi ? Pourquoi ces "on", "vous" "nous" si indéfinis blessent-ils tant ? Parce que tout est dans l'intonation, ce que l'on sait très bien aujourd'hui à une époque où les échanges se font de plus en plus en abréviations, SMS et messages courts, tellement privés de ton que l'on a tendance à ponctuer à grands renforts de ... et de !
On parle à tort et à travers ... et soudain la catastrophe est consommée. On a beau dire je t'aime bien tu sais, justement on ne sait pas assez, on ne sait plus.
Il nous est tous arrivé de chercher à calmer le jeu par un trait d'humour, pas toujours bien pris lui non plus, par tenter une pirouette, ... la vie est là ... lâche H2, ce qui au lieu de (re)crer la connivence avec son ami ne fait qu'envenimer les choses parce que celui-ci croit reconnaitre de l'implicite en songeant au poème de Verlaine (Le ciel est par dessus les toits). Cherche-t-il à lire un sens caché qui serait en rapport avec la dernière strophe ?
Qu'as-tu fait, ô toi que voilà
Pleurant sans cesse,
Dis, qu'as-tu fait, toi que voilà,
De ta jeunesse ?
Nicolas (Briançon) attaque, fouille, interroge. Nicolas (Vaude) esquive, réplique, affronte. Il faut être deux pour se réconcilier. Les joutes verbales s'enchainent. La plus petite altération, la moindre hésitation, une virgule et voilà que se creuse un gouffre émotionnel. Jusqu'au bout on comprendra qu'ils peuvent rompre pour un oui ou pour un non. Oui ou non, ce n'est pourtant pas la même chose. Oui ... ou ... non. Chacun aura le mot de la fin.
Si Nathalie Sarraute a volontairement laissé le champ libre à l'interprétation il importe que la mise en scène prenne parti, ce que fait admirablement Léonie Simaga dont la direction d'acteurs est très précise. Le public ne parvient pas à deviner qui l'emportera ni comment l'affaire se terminera et c'est exactement ce qu'on aime au théâtre où le jeu prend toute son importance.
Pour un oui ou pour un non
De Nathalie SarrauteMise en scène (et costumes) : Léonie Simaga
Décors et lumières Massimo Troncanetti
Avec Nicolas Briançon, Nicolas Vaude et Roxana Carrara
Au Théâtre de Poche Montparnasse
Depuis le 18 novembre 2016
75 boulevard du Montparnasse 75006 Paris
Tel : 01 45 44 50 21
Du mardi au samedi à 19h, dimanche à 17h30
La photo qui n'est pas logotypée A bride abattue est de Brigitte Enguerrand
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