Anne-Lise exerce un métier pour le moins original. Elle est "coursier de quartier". Contrairement à ce que j'avais présupposé, l'engin piloté par la jeune femme est très rarement utilisé par des touristes pour visiter la ville, même si c'est tout à fait envisageable et que la ville, somme toute, se visite facilement à pieds. Nous ne sommes pas à Paris et j'ai du être influencée par l'affluences des pousse-pousse, surtout aux abords du Quai Branly, pour avoir une telle conception.
La clientèle la plus fidèle est celle de "mamies" souhaitant continuer à faire leurs courses mais n'ayant plus l'agilité suffisante pour effectuer les trajets aller-retour et surtout porter les commissions. Elles pourraient se faire livrer mais, pour une somme modique (4 euros la course) elles peuvent faire des achats d'impulsion, choisir elles-mêmes leurs légumes au marché ... prendre l'air et rencontrer du monde, bref ne pas se confiner dans l'isolement.
Le concept d'Anne-Lise permet de tisser du lien social. Elle assure les rendez-vous chez le coiffeur, le pédicure ou le dentiste. Elle peut charger jusqu'à deux personnes, ce qui offre de multiples possibilités. Son engin dispose d'un coffre assez conséquent sous le siège passager. L'essayer c'est l'adopter et les usagers ont vite compris leur intérêt.
La jeune femme est soucieuse du confort des passagers. En hiver, un plaid est à disposition pour couvrir les jambes, et un rideau transparent fait office de coupe-vent, en renfort du toit du cyclo.
Anne-Lise a commencé l'année dernière, le 26 janvier, et commence à faire un bilan positif. Les débuts ont été difficiles, comme toujours quand on apporte une idée nouvelle. Il a fallu convaincre, s'organiser ... et s'entrainer, parce qu'Evreux peut bien se situer dans une cuvette, il existe quelques petites montées. Pédaler est une activité physique assez énergivore, même avec l'appoint d'un moteur électrique et la jeune femme fait au moins trente kilomètres tous les jours, sans doute plus car elle n'a pas de compteur pour le vérifier.
Désormais Anne-Lise grimpe partout, hormis peut-être sur le coteau Saint-Michel qu'elle aborderait par une voie détournée. Et par chance Evreux n'a pas beaucoup de rues pavées.
Quand elle a quitté le tourbillon parisien où elle a vécu quinze ans, Anne-Lise a décidé de revenir dans sa ville natale pour y créer un food-truck de pâtes. En fait de camion, ce fut un cyclopode qui retint son attention parce qu'elle a pu bénéficier de conditions financières viables et surtout concilier ses préoccupations de maman et d'auto-entrepreneuse. En effet, il lui est tout à fait possible de travailler en compagnie de sa petite fille qui adore autant les balades que tenir compagnie aux clientes, quand elle n'est pas à l'école bien sûr.
Elle apprécie le calme d'Evreux, bizarre dit-elle mais bien agréable. On sent combien elle aime sa ville, la faire découvrir, la sillonner, créer du lien. Elle est montée avec son cyclo jusqu'au jardin botanique pour me montrer la sculpture Mémoire d'arbre de William Noblet, acquise par la ville à la fin de la manifestation Parcours de sculptures, initiée par Julie Borel (que je présenterai prochainement).
Elle s'est arrêtée devant l'ancien magasin du Printemps, dont on remarque encore les façades arts déco.
Elle m'a pointé, juste en face, un commerce un peu hétéroclite, me présentant Binette comme une sorte de magicienne des arts ménagers, connaissant toutes les astuces pour, je la cite, se débarrasser de bestioles, récurer une marmite, en employant une recette de grand-mère ou un truc moderne aussi, on trouve tout chez Binette !
Elle m'a piloté entre les vieilles façades encore debout, le centre ville ancien où battait le coeur de la ville autrefois, du temps où les tisserands vivaient dans le quartier Joséphine. Elle a désigné la petite Vierge, intacte depuis le moyen-Age, dans le mur qui se trouve presque à l'angle entre la rue Saint-Sauveur et la rue Joséphine. Le quartier a brûlé dans un incendie, sauf la maison supportant la statue selon ce qui n'est peut-être qu'une légende.
Elle m'a expliqué pourquoi la rue de Grenoble s'appelle ainsi alors qu'elle ne mène pas en direction des Alpes. Parce que c'est la ville de Grenoble qui a prêté de l'argent après la Guerre. Les bâtiments de cette rue seront les premiers à être reconstruits.
Nous avons aussi visité l'église Saint-Taurin que j'étais ravie de découvrir, en raison de la chasse de Saint-Taurin que j'avais admirée au musée, et du fait que Paul Bigo, à qui l'on doit beaucoup d'oeuvres du musée, et une exposition temporaire en ce moment, avait vécu dans ce quartier.
Les vitraux de l'église sont admirables. Valant à mon sens ceux bien plus célèbres de la cathédrale.
Son cyclo lui permet de se faufiler aisément. Il est moins large qu'on ne croit. Elle est allée jusqu'à la porte du Conseil général où se déroule en ce moment un marché de Noël un peu inhabituel. Toute la journée elle véhiculera les habitants qui auront besoin d'elle pour s'y rendre, la prise en charge étant assurée cette année par le Département.
Pour contacter Anne-Lise, c'est facile par téléphone, 06 21 15 10 22, ou via sa page facebook.
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