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dimanche 8 janvier 2017

Visite du chantier des fouilles de Sepmanville d'Evreux (27)

L’objectif du chantier de la place Sepmanville qui a démarré en septembre 2016, est de mettre en valeur les vestiges médiévaux d’Évreux en lui conférant une vocation touristique. C’est le second volet d’un aménagement global du centre-ville, après la place du Grand-Carrefour et avant celle de l’hôtel de ville.

Il faut une clé pour pénétrer sur le site des fouilles. Et cela ne suffirait pas. Sans les explications de quelqu'un comme Guillaume, qui sait "lire" les traces du passé, on aurait du mal à voir ici les anciennes lignes de fortifications, malgré les reconstitutions grand format qui figurent sur les barricades du chantier, percées de temps en temps, il faut y être attentif, de deux trous à hauteur d'homme pour jeter un regard sur l'avancée des travaux.
Il existe néanmoins des endroits dans la ville d'Evreux où l'ancienne muraille médiévale est encore perceptible. Par exemple en bordure du restaurant le Matahari où je vous emmènerai un jour prochain.
Tout le monde peut s'inscrire (sur le site de Grand Evreux) pour cette visite (gratuite) au cours de laquelle, les guides de l’office de tourisme évoqueront Evreux à l’époque médiévale ! Les travaux de la place Sepmanville visent en effet à notamment mettre en valeur l’une des portes principales de la ville au Moyen-Age. Aspect défensif et aspects économiques seront abordés pendant cette visite – en l’état bien sûr des connaissances scientifiques vérifiées ce jour.

Les habitants étaient  enfermés derrière une muraille il y a 1700 ans pour se protéger des invasions barbares. Depuis elle a pu par endroit servir de mur porteur pour certaines maisons.

Si on regarde la muraille médiévale, et non plus la muraille gallo-romaine, on observe que ce qu'on appelle la Porte peinte, aujourd'hui disparue, était avec la porte aux Fèvres, une des portes d'entrée les plus importantes de la ville. A cet endroit, les magnants, c'est ainsi qu'on appelait ceux qui travaillaient le métal, qu'on appelait alors fevre. Fèvre est l'ancien terme désignant un ouvrier travaillant le fer. Ces artisans faisaient office de chaudronniers ambulants.

Le véritable lit de l'Iton, la rivière qui irrigue la ville, lui valant le surnom de "vile aux cent ponts", a sans doute été détourné il y a plus de 2000 ans et nous ne voyons plus que des canaux artificiels partout où l'eau coule désormais. C'était une rivière puissante qui a participé au creusement des coteaux Saint Michel, assez tendres puisque calcaires. Mais il ne faut pas oublier la vigueur de l'érosion marine. S'il a pu y avoir plus de 300 ponts de pierre, bois, et passerelles pour enjamber l'Iton il en subsiste tout de même 170 aujourd'hui.
Les bombardements de la dernière Guerre mondiale ont fait de considérables dégâts. De vieilles cartes postales, dont quelques-unes sont reproduites sur les barricades, témoignent de la beauté des façades médiévales dont hélas il ne reste que très peu de traces.
On découvre en poursuivant la marche, une illustration du dernier château ébroïcien, resté sur pieds presque jusqu'à la Révolution. Il est détruit en 1780 et c'est la mairie qui s'élève maintenant sur son emplacement. Le propriétaire a pris prétexte d'un début d'incendie pour le faire raser. Sa véritable motivation était que le terrain ne lui permettait pas d'implanter de beaux jardins autour de la construction.

La clé permet donc d'accéder aux chantier ordinairement interdit au public, visitables deux fois par mois. C'est tout de même la cinquième fois que des fouilles y sont entreprises, avec entretemps des périodes de recouvrement et donc des frais supplémentaires. On pense que d'ici la fin de l'année 2018 une succession de terrasses accessibles aux piétons redonnera vie à cet place Sepmanville ... Avec aussi des plantations qui feront oublier la perte d'un parking. On peut imaginer la reconstruction de certains morceaux pour suggérer comment étaient les anciennes fortifications ainsi que la remise en eau de portions de canaux, par exemple en lien avec le tracé de l'ancien moulin à grains, royal. Un incendie accidentel l'a fait disparaître en 1937. Peut être y eut-il une zone semi marécageuse au centre.
En se plaçant face à la trace de l'ancienne Porte peinte, on distingue remarquablement le rempart Sud, et on remarque combien l'entrée dans la ville était étroite, inférieure à 2 mètres, et donc bien défendue. Evidemment il ne fallait pas chercher à pénétrer avec de larges chariots.
Ce dispositif s'ajoutait au coude institué par la Barbacane, empêchant les attaquants de tirer en face d'eux. Ce mode d'édification a été ramené de Terre Sainte par les Croisés. Une des barbacanes les plus spectaculaire est celle de la Porte Guillaume à Chartres. Celle-ci a été ajoutée au XV° siècle, peut-être quand les anglais, qui occupaient Evreux, auraient cherché à se protéger ... des français.
Les deux tours qui supportaient la Porte devaient faire une hauteur "classique" de 7 à 8 mètres.
Leur base est évasée, pour assurer davantage de stabilité. Le mortier de couleur rose est encore visible par endroit. Il était composé d'un mélange de tuiles et de briques qui mélangées avec de la chaux avait la propriété de sécher assez vite en milieu humide.
On remarque une pierre saillante, triangulaire, de grès ferrugineux qu'on appelle "corbeau" et qui est la preuve de l'existence d'un pont-levis à cet endroit. Et puis derrière on aperçoit un trou qui n'était rien d'autre qu'une chausse-trappe, ultime piège destiné à se protéger de l'ennemi, à condition qu'il ait réussi à passer le sas de la Barbacane, puis le pont-levis, sans compter les attaques possibles par els meurtrières ponctuant les deux tours.

La porte n'était pas peinte sur son intégralité. On ignore ce que représentaient les motifs à l'origine, mais on sait que lorsqu'elle fut repeinte, au XV° siècle, on y a placé une statue de la Vierge.

Guillaume nous apprend aussi l'étymologie du mot boulevard, qui vient du néerlandais bolwerk,  signifiant place forte. C'est une «promenade plantée d'arbres sur l'emplacement d'anciens remparts» permettant ainsi de contourner une ville de l'extérieur. Le mot date de 1860. Mais c'est en 1670 qu'ils apparurent sans s'appeler ainsi. Ainsi à Paris, Louis XIV décida de reporter la défense du royaume sur la frontière avec la constitution du pré carré et de faire de la capitale une ville ouverte. L'enceinte bastionnée datant de Charles V est détruite et transformée en nouveaux cours carrossables plantés d'arbres qui deviennent rapidement des lieux de promenade à la mode.

Le même processus fut initié à Evreux. L'ancienne route qui mène vers le centre historique actuel. se laisse deviner dans le prolongement des tours. Mais il n'est pas question de poursuivre les fouilles dans cette direction.

Les quartiers marchands/laics/religieux étaient juxtaposés au Moyen-Age, sans imbrication. Les couvents se trouvaient en quelque sorte "rejetés" à l'extérieur des murailles, donc sans le bénéfice d'une protection.

Les deux tours et la Porte peinte disparurent dans les années 1767-69 parce qu'on n'en avait tout simplement plus l'utilité. Au contraire, l'intérêt de Louis XIV était alors de faire abattre tout ce qui pouvait encourager les habitants à se rebeller, car Evreux était une ville sympathisante à la Fronde.

Depuis on a récupéré les pierres et un projet définitif d'aménagement sera annoncé en avril 2017 avec pour objectif de valoriser l'espace dans un cadre de vie agréable et respectueux du passé.
 
La cathédrale est prestigieuse, avec ses vitraux superbes. Le Beffroi, même s'il n'est pas visitable, présente un intérêt historique important. Le musée et ses collections aussi, c’est évident. Le chantier des fouilles apporte à Evreux une nouvelle carte pour lui permettre de constituer un dossier de qualification ville d'art et d'histoire.
On espère que la finalisation de ce projet autorisera de nouvelles perspectives à la Ville qui, il faut le préciser, a totalement financé les travaux actuels.

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