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mardi 31 janvier 2017

Don Quichotte adapté et mis en scène par Anne-Laure Liégeois

La salle du Théâtre 71 est pleine, principalement avec un public scolaire. Les rires fusent mais je m'apercevrai vite que les jeunes seront attentifs jusqu'au bout et franchement enthousiastes.

C'est que Anne Laure Liégeois réussit là à combiner historique avec comique.

Même si ses précédents spectacles brossaient eux aussi une époque, qu'elle soit élisabéthaine comme avec la Duchesse de Malfi ou contemporaine avec Les époux, la dimension tragique l'emportait (voir ici les articles du blog à propos de ses précédents spectacles). Don Quichotte est une fable qui est une leçon de théâtre et la leçon devient philosophique.

Tout à fait logique donc qu'un castelet soit représenté sur la scène et que, par un jeu de mise en abîme successif, les personnages principaux interprètent tous les rôles. Elle s'est affranchi des images classiques. Sancho Panza n'a pas besoin d'être gros pour endosser la fonction de valet. Il suffira que sa chaise soit un peu moins volutée que celle de son boss pour que la différence de montures marque la différence sociale.
Je suis Don Quijada, nous dit le comédien, un chevalier sans amour est comme un arbre sans fruit. Il me faut une dame dans le coeur. Quitte à devenir fou pour les beaux yeux de cette dame. Et ce sera Dulcinée, dont le nom signifie désormais amoureuse.

Don Quichotte a une marotte : combattre l'injustice. Il la voit partout. Et il n'entend que ce qui lui convient.  Ce ne sont pas des géants mais des moulins avec des ailes. Ce ne sont pas des soldats qui surgissent autour de lui mais des moutons ... Qu'importe ... sa volonté est infaillible. Mais il a tout de même besoin d'un acolyte, et il est prêt (lui qui prétend être honnête) à mentir sans vergogne pour le convaincre. C'est l'archétype de l'homme politique.
Cependant Don Quichotte n'est pas un mauvais homme et il appliquera (à sa façon) tous les codes de la chevalerie. Je n'ai jamais su lire ni écrire mais j'ai jamais servi quelqu'un d'aussi courageux dira de lui, admiratif, son valet. Sancho ne sait effectivement ni lire ni écrire mais il apprendra. Car la volonté du chevalier a la triste figure n'est jamais égoïste.

La pièce interroge sur les utopies. Sancho est-il moins rêveur que son maître en voulant une île ? Chacun son fantasme en fait.

La traduction (d'Anne-Laure Liégeois) est émaillée de savoureuses répliques conservées en espagnol, proches de l'incantation. La recette de la tortilla nous est donnée dans la version originale : Ingredientes (para 1 persona) : 2 patatas, 2 huevos, 1 cebolla, un buen chorro de aceite.
Pelamos y cortamos las patatas y la cebolla.
Primero ponemos las patatas a dorar en una sarten con abundante aceite, y cuando cojan un poco de color, anadimos la cebolla...
... Deliciosa, tierna, jugosa y religiosamente acompanada de un buen vaso de vino into ...

Plusieurs moments prennent une coloration d'hommage, notamment à la Chanson de Jacky en entendant le chevalier errant, chercher à vivre chaque jour une nouvelle vie, connaître la faim mais toujours recommencer comme si on ne savait rienvouloir être un jour, un jour seulement, beau, grand, fort et intelligent ... Inévitablement aussi à la Quête du même Jacques Brel :
Rêver un impossible rêve
(...) Tenter, sans force et sans armure,
D'atteindre l'inaccessible étoile

Auparavant Don Quichotte aura fait son mea culpa : je t'ai trompé Sancho, je n'ai aucune île pour toi, aucune terre. Le spectacle s'achève sur la définition et la raison d'être du théâtre : Faire rêver, penser un lieu où on peut dire en toute liberté ce qu'on pense de la justice de la religion etc ...

La musique, imaginée par l'équipe, est tout à fait juste. Le jeu des jeunes comédiens, qui se démultiplient autant que nécessaire, aura été très apprécié par un public totalement conquis. Une très belle soirée qui donne envie de relire Cervantès, mais aussi Don Juan et le Capitaine Fracasse. On peut souhaiter qu'Anne-Laure Liégeois persiste dans la conception de spectacles autant accessibles à un jeune public.

Don Quichotte
Création théâtre, dès 8 ans
D’après Miguel de Cervantès
Adaptation, mise en scène, scénographie et costumes  Anne-Laure Liégeois
Avec Lise Gervais, Alexandre Ruby et Charles-Antoine Sanchez
Du 29 janvier au 1er février 2017
Théâtre 71
3 place du 11 novembre 92240 Malakoff 01 55 48 91 00

Le spectacle sera ensuite en tournée
le 15 février 2017 au Théâtre Gabrielle Robinne de Montluçon - 04 70 02 27 28
Du 15 au 17 mars 2017 au Festival La Tête dans les nuages - Scène nationale d’Angoulême - 05 45 38 61 61
Du 27 au 29 avril 2017 à L’Apostrophe sur la Scène nationale de Cergy-Pontoise - 01 34 20 14 14
Du 3 mai au 5 mai 2017 au Cratère sur la Scène nationale d’Alès - 04 66 52 52 64

Les photos qui ne sont pas logotypées A bride abattue sont de Christophe Renaud de Lage

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