Une femme perd un précieux manuscrit. Je gagne un livre où Sophie Lemp me propose de me souvenir d'un passé -celui de Suzanne- pour en venir au présent. Le sujet ne pouvait que me toucher parce que les premières amours nous placent sur un chemin de vie toujours déterminant même si nous n'en avons pas conscience au moment où nous faisons un choix qui semble alors anodin et peu définitif.
Suzanne a quarante ans, une vie tranquille, un mari et deux enfants. Un matin, son appartement est cambriolé. Ses cahiers, journal de son adolescence, ont disparu. Des pages qui lui avaient permis de surmonter la douleur du passage à l’âge adulte, sur lesquelles elle avait déposé les traces d'un amour incandescent avec Antoine, l’écrivain qui avait trois fois son âge. Martin est livreur, il pédale pour épuiser ses pensées. Un soir, il trouve les cahiers au fond d’une poubelle et dévore ces mots qui le transpercent. Qui le ramèneront à la vie.
Les miroirs de Suzanne sont multiples, en amour comme en amitié. C'est le passé dans lequel Suzanne se replonge. C'est son récit qui fait écho aux sentiments que Martin refuse jusque là de laisser éclore. Ce sera aussi l'avenir des deux personnages qui se construit dans un dialogue de mots qui ne sont pas prononcés. C'est donc la promesse de n'avoir plus peur de continuer ... comme nous y encourage Léonard Cohen dans sa chanson éponyme.
Les paroles du compositeur ont traversé les années et ont été reprises à de multiples reprises, par de nombreux artistes, en particulier par Bashung dans son album Bleu pétrole. Porter le nom d'une héroïne de chanson aussi célèbre impactera la destinée de la jeune femme dont la vie sera intimement liée à la musique. La puissance et l'universalité des paroles de la chanson feront aussi écho à Martin (p.57) qui acceptera de passer de l'autre coté ... du miroir, c'est-à-dire de faire fi des apparences.
Dans ce livre extrêmement bien construit l'auteure commence avec Drouot, de Barbara, qui impulse son credo : je crois aux signes, il n'y a pas de hasard (p.39).
Une force de ce roman est d'avoir transformé en chance ce qui était au départ un incident plutôt fâcheux en permettant à Suzanne de réaliser le rêve de ses quinze ans en transformant ses émotions, ses peurs, ses joies et ses tristesses. Un cambriolage est certes toujours un traumatisme. Mais ici il permet à Suzanne de se dépouiller de ce qui jusque là l'empêchait d'avancer. Comme si le voleur n'avait pas dérobé que des choses matérielles.
Suzanne se lancera à la conquête de sa liberté et réalisera le projet qui dormait dans un coffre. Elle trouvera la force d'écrire.
La souffrance de ne pas être aimée comme elle l'aurait voulu a laissé place à la conscience de l'avoir été autrement. Elle ne sait pas ce qu'elle a représenté pour Antoine mais elle sait ce qu'il a incarné pour elle (p.120).
N'oubliez pas de consulter (p. 187) la liste des musiques citées et qui, en l'espace d'une trentaine d'années, ont jalonné la vie des personnages ... comme chacun de nous.
Les miroirs de Suzanne de Sophie Lemp, chez Allary Editions, en librairie le 7 mars 2019
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